Roger Federer est sans doute le meilleur joueur de tennis de tous les temps. Et j'ai été le spectateur de matchs splendides disputés par de grands champions comme Robert Bédard, le meilleur joueur canadien de son époque, dans les années 50, Rod Laver, le seul joueur à avoir réussi le Grand Chelem dans la même année, Bjorn Borg, Jimmy Connors, John McEnroe, Ivan Lendl, Stephen Edberg, Pete Sampras, Boris Becker, Andre Agassi.

Des fois, j'ai l'impression de les avoir tous vus jouer.

J'ai couvert les Internationaux d'Australie, Roland-Garros, Wimbledon, le US Open, Key Biscayne, j'ai vu les matchs, j'ai suivi les points de presse, j'ai discuté avec de légendaires anciens champions des années 40 et 50 quand ils étaient invités par les dirigeants de Wimbledon ou de Roland-Garros, j'ai admiré le revers à une main de Gustavo Kuerten, le coup droit dévastateur de Lendl, le jeu méthodique de Borg ou la fougue parfois hallucinée de McEnroe, j'ai toujours soutenu que les retours de service d'André Agassi avaient été les meilleurs de tous les temps.

Mais je n'ai jamais vu un meilleur joueur que Roger Federer. Et comme le jeu s'est incroyablement amélioré depuis une vingtaine d'années, je me dis que les grands champions de la première moitié du siècle dernier ne feraient pas le poids dans le tennis d'aujourd'hui.

Je sais, les époques ne se comparent pas. Lacoste et les autres mousquetaires français auraient peut-être fière allure avec leurs pantalons blancs bien pressés mais ils auraient l'impression de débarquer sur la Lune dans un stade moderne.

C'est comme dans les autres sports, l'alimentation, l'entraînement et l'hygiène produisent des surhommes quand on compare les champions du 21e siècle aux anciens.

D'ailleurs, pour vous dire à quel point tout a évolué rapidement, Bjorn Borg gagnait Paris et Wimbledon dans le même été en jouant avec une raquette Donnay en bois. Jimmy Connors jouait avec une raquette en aluminium. À leur époque, les joueurs soviétiques n'avaient pratiquement pas accès au grand circuit du tennis international et les 10 meilleurs pouvaient rester au sommet pendant des années.

De plus, une fois établis dans leur excellence, les Borg, McEnroe et leurs prédécesseurs n'avaient pas à affronter de jeunes loups bâtis comme des joueurs de football qui arrivent maintenant sur le circuit après avoir consacré des années à s'entraîner à raison de huit heures par jour. Comme s'ils sortaient d'une usine.

C'est ce que doit affronter Roger Federer année après année. De plus, depuis trois ans déjà, Federer doit vaincre Rafael Nadal, un extraordinaire gaucher dont on dira peut-être, dans sept ou huit ans, qu'il est le meilleur joueur de l'histoire. Lui aussi.

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Federer a gagné sur la terre battue. Pas seulement à Roland-Garros, mais aussi dans les grands tournois européens qui précèdent les Internationaux de France. Il a gagné sur le gazon anglais, sur le ciment du US Open et sur la surface plus lente de Melbourne. Or, le tennis sur la terre rouge de Paris n'est pas le même tennis que sur le gazon rapide de Wimbledon. Le bond de la balle est plus haut, la balle perd de la vitesse en touchant la terre et les points se construisent avec patience. Un gros serveur comme Pete Sampras pouvait servir et se ruer au filet à chaque point à Wimbledon et au US Open mais être incapable de soutenir de longs échanges sur la terre battue.

Federer a gagné sur cette surface si chère aux Français et aux Espagnols. Et Roland-Garros en fin de semaine n'est qu'une consécration supplémentaire.

Certains diront que Nadal avait été éliminé à cause d'une blessure, je vous dirai que Federer n'est pas responsable de ce qui arrive à un adversaire lors d'un match qui ne le concerne pas et qu'en plus, rien ne dit qu'il n'aurait pas battu Nadal. Le tennis, c'est comme ça. On bat l'adversaire qu'on nous offre.

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Il y a un autre point dont j'aimerais parler. Jimmy Connors et John McEnroe étaient d'épouvantables gueulards polissons et grossiers. Bjorn Borg était d'une timidité extrême, Ivan Lendl était renfermé même s'il était gentil. D'autres grands joueurs savaient allier talent sur le court et savoir-faire avec les médias et les fans. Boris Becker, Stephen Edberg, Mats Wilander, Andre Agassi ou Pete Sampras avaient ces qualités humaines si importantes.

Mais Roger Federer est sans doute l'exemple parfait du gentleman tennisman. Courtois, sportif, sensible dans la défaite comme dans la victoire, cultivé, s'exprimant dans plusieurs langues, il a une présence imposante tout en restant simple. Un modèle pour tout joueur de tennis de club qui vole les balles de fond de court quand il n'y a pas d'arbitre.

Les jeunes journalistes qui couvrent la carrière de Federer sont choyés. Ils commencent par le meilleur de tous les temps. Ils auront un mètre étalon pour mesurer tous ceux qui suivront.

Un adversaire plus fort SVP

J'ai suivi le match d'Antonin Décarie samedi après-midi. Le jeune homme s'est appuyé sur un jab sec et précis pour dominer complètement son adversaire Victor Hugo Castro. Les juges ont accordé les douze rounds à Décarie et c'était mérité. Il a maintenant une fiche de 22 victoires contre aucune défaite mais le temps est venu de le faire monter en grade. Pour son propre bien, s'il veut poursuivre son apprentissage, Décarie doit maintenant se frotter à une classe supérieure. Le temps est venu de savoir s'il peut supporter une tempête dans un combat, éviter de paniquer, subir quelques coups qui font mal et garder la tête froide.

C'est un beau boxeur, agréable à voir dans un ring. Malheureusement, son adversaire samedi après-midi n'était pas de son calibre. Il n'a jamais été menaçant.

Pauvres Penguins

Les gens sont adorables. Samedi soir, j'ai enregistré le match entre les Penguins et les Red Wings. Pas le choix, Florence K chantait au Café de la gare à Saint-Sauveur et elle, je ne pouvais pas l'enregistrer. D'ailleurs, elle a donné un spectacle encore meilleur que celui de Diana Krall le mois dernier à la Place des Arts. C'est vous dire. Il y a eu un court entracte. Je suis sorti prendre l'air. Des messieurs fort gentils sont venus me saluer. Et me parler de hockey. C'est là que j'ai su que les Penguins se faisaient planter 5-0 par les Wings et que Marc-André Fleury avait été retiré du match. Savez quoi? Ils recevaient les pointages du match sur leur portable. J'avoue que ça me dépasse un peu. Florence K un samedi soir et on a de la grosse peine parce que les Penguins se font battre. Tellement que je me suis fait un devoir de consoler un partisan de Pittsburgh en lui rappelant que tant qu'à perdre, vaut bien mieux se faire planter 5-0 que de perdre en troisième prolongation.

Ça l'a rassuré. Et il a eu le coeur joyeux pour la deuxième partie du spectacle.

Quand même, la vie est bien faite. On n'a pas de club à Montréal mais on a Florence.