Ce que Bob Gainey et le Canadien ont fait avec Francis Bouillon est probablement ce que j'aurai vu de moins respectueux en trois décennies d'histoire des Glorieux.

Dans ces jours les plus tordus, jamais Scotty Bowman n'a exigé qu'un joueur encore blessé revienne au jeu dans une série éliminatoire.

Dans leur désir exacerbé de gagner, ni Sam Pollock ni Serge Savard n'ont lancé un joueur affaibli par deux mois de convalescence dans la mêlée d'un match intense. Sans qu'il ait même pu donner quelques coups de patin pour vérifier son état de santé et de conditionnement physique.

Le résultat net de l'expérience décidée par Bob Gainey, c'est que Bouillon, un homme avec le coeur gros comme le Centre Bell, a joué une minute et a aggravé sa blessure. Alors que Bouillon se retrouvera sans contrat le 30 juin et hypothéqué par une blessure à la paroi abdominale qui pourrait faire peur à toutes les équipes de la Ligue nationale.

C'est une règle sacrée dans le hockey professionnel. On ne force pas un joueur à revenir au jeu s'il n'est pas guéri et s'il n'a pas retrouvé un minimum de conditionnement physique. Je sais que Gainey a sans doute demandé à Bouillon s'il se sentait prêt à revenir au jeu. Connaissant Bouillon, il aurait été prêt à revenir en fauteuil roulant s'il l'avait fallu. De toute façon, lui qui sera sans contrat dans deux mois, avait-il le choix puisque le coach est également le grand patron de l'organisation ?

Je présume que Gainey a également consulté les médecins du Canadien. Sans préjuger de la conscience professionnelle du Dr Mulder et des autres médecins de l'organisation, on sait très bien qu'une partie importante de leur travail est de ramener les joueurs sur la glace le plus tôt possible. S'ils ont donné le feu vert à Gainey, alors ils ont au moins commis une erreur de jugement.

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Les coachs aiment les joueurs. Ils savent à quel point ces hommes acceptent de payer un très lourd prix pour gagner des matchs.

Ça explique pourquoi Jacques Demers et Michel Bergeron étaient encore ulcérés, hier soir, avant le troisième match. « J'ai des milliers de matchs comme coach, j'étais un coach dur, mais en 25 ans, je n'ai jamais fait ce qu'on a fait à Francis Bouillon, a dit Bergeron. C'est la chose la plus scandaleuse que j'aie vue pendant toutes mes années dans le hockey. On ne sacrifie pas ainsi un athlète fier en l'envoyant au bûcher alors qu'il est encore blessé et pas du tout prêt. C'est un vrai scandale et c'est impardonnable. C'est de l'abus. «

« Je suis d'accord avec Bergie, a ajouté Demers. Je l'ai d'ailleurs dit le soir même du match à Boston. De toute façon, Francis n'était pas dans une situation pour refuser ce qu'on lui demandait. «

En plus, Bob Gainey est sans doute celui qui, pendant sa carrière, a joué le plus malgré des blessures et la douleur. On parle encore de ses deux épaules luxées contre les Nordiques de Québec et les Islanders de New York.

S'il était blessé, au moins il était en parfaite forme physique. Bouillon n'avait même pas connu un seul vrai exercice avec ses coéquipiers. Il n'était pas en forme. C'était dangereux pour lui, on l'a vu, et néfaste pour l'équipe, on l'a également constaté.

De toute façon, l'intégrité physique d'un athlète devrait être une responsabilité absolue pour une organisation. Dans le cas Bouillon, on a cruellement manqué de ce sens des responsabilités.

Une belle histoire pour Markov

Il arrive qu'on apprenne de bien belles histoires longtemps après qu'elles se soient passées.

Quand Andrei Markov a fait ses débuts avec le Canadien, André Savard était le directeur général de l'équipe. « Compte tenu de la situation de l'équipe et du marché de Montréal, je ne pouvais faire confiance à trop de jeunes en même temps. Il fallait gagner, et vite pour satisfaire la clientèle. Markov a été renvoyé dans la Ligue américaine. Il ne l'a pas pris du tout. Il croyait qu'il était victime d'une arnaque ou d'un traitement douteux. J'ai appelé Donald Dufresne, l'ancien défenseur des Nordiques qui était notre assistant entraîneur et je lui ai dit de s'asseoir avec Markov et d'en prendre soin. Il devait être sa priorité absolue.

« Puis, j'ai contacté Don Meehan, l'agent de Markov et j'ai parlé à Anna Guroven, une Russe qui travaillait dans l'agence de Meehan. Je lui ai demandé d'aller voir Markov, de discuter avec lui, de lui expliquer qu'on savait qu'il avait un grand talent et qu'il aurait sa chance dès que ce serait possible et qu'il serait prêt.

« Ce ne fut pas facile, Markov ne parlait pas. Mais tranquillement, petit à petit, il s'est senti en confiance et quand il est revenu à Montréal, c'était un jeune homme heureux. Disons que je suis fier de la tournure des évènements «, me racontait André Savard, hier soir.

Savard faisait du dépistage pour les Penguins de Pittsburgh. Cette belle tête de hockey va revenir dans un poste clé avant longtemps, c'est inévitable.