Il n'y a qu'une façon de gagner les Jeux olympiques: en gagnant le plus de médailles d'or. Sauf pour le Canada. Le Canada peut gagner les Jeux de trois façons. En gagnant le plus de médailles d'or; Vancouver, mettons.

En gagnant le plus de médailles au total, or-argent-bronze; ainsi, à Londres, le Canada n'a pas gagné, bien sûr, mais au lieu d'une déshonorante 36e place que lui valait son unique médaille d'or, le Canada s'est classé 15e au total de ses 18 médailles.

La troisième façon prime les deux autres et même les annule: quand le Canada gagne la médaille d'or au hockey (masculin), le Canada gagne les Jeux par défaut des autres pays à exceller dans un vrai sport.

C'est ainsi que le Canada a gagné les Jeux de Sotchi.

Il y a une quatrième méthode, la mienne, pour évaluer la performance d'un pays aux Jeux d'hiver. Cette méthode consiste à considérer les Jeux d'hiver exclusivement du point de vue... du sport. Pour cela, il faut d'abord retrancher les disciplines qui devraient être regroupées dans des Jeux olympiques du cirque - ainsi le ski acrobatique, qui a valu au Canada 9 médailles sur 25.

Exclure aussi ce qui ne relève ni du sport ni du cirque, ce qui ne relève de rien: le curling (le Canada a gagné aussi bien chez les hommes que chez les filles).

Restent alors les sports de grande tradition (qui sont aussi des sports de grande pratique populaire): ski alpin, ski de fond, patinage, patinage artistique et hockey. De ce point de vue, le Canada ne s'en sort pas si mal à Sotchi, mais pas si bien non plus. Ses deux médailles d'or au hockey et les trois d'argent en patinage artistique cachent mal l'échec de nos skieurs alpins (une maigre troisième place en super-G); la déroute de nos skieurs et skieuses de fond; le creux de vague du patinage de vitesse, surtout féminin, en chute libre depuis Turin.

En tout cas, je me suis trompé. J'avais bien prévu que le Canada terminerait troisième, mais je croyais que ce serait derrière la Norvège et les États-Unis. Je n'avais pas vu venir les Russes.

Je me suis surtout trompé en évaluant que cette troisième place rendrait le Canada modérément heureux plutôt que complètement con. «Les petites victoires rendent modérément heureux, les grandes rendent l'homme et sa fiancée complètement cons», philosophais-je. C'était sans compter que pour Marcel Aubut, notre jovialiste président du Comité olympique canadien, il n'est pas de petites victoires.

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La première fois que j'ai couvert les Jeux olympiques d'hiver (Innsbruck, 1976), il y avait deux épreuves en biathlon masculin. Il y en avait six à Sotchi: 10 km sprint, 12,5 km poursuite, 15 km départ groupé, 20 km départ individuel, relais et j'en oublie une, anyway... Le biathlon conjugue ski et tir à la carabine, je vous le demande: pourquoi à la carabine et seulement à la carabine? Pourquoi ne pas varier un peu? Pourquoi pas, aux prochains Jeux, une nouvelle épreuve, disons 25 km, départ groupé et tir à l'arc? Ou au fusil à la poudre noire? Je ne me moque pas du biathlon, qui est un sport formidable, j'ai seulement pris le premier sport de la liste, par ordre alphabétique, et je me demande ce qui justifie qu'on soit passé de deux épreuves en 1976 à six à Sotchi. Sûrement pas la pratique populaire du biathlon, sûrement pas un plus grand bassin d'athlètes issus de cette pratique massive, alors quoi?

Alors il s'est passé avec le biathlon ce qui s'est passé avec le reste, avec les autres sports, avec les fédérations internationales, avec les comités olympiques nationaux, avec le CIO, avec les Jeux olympiques en général. Il s'est passé que tout le monde n'a rien de plus pressé que de souffler dans la balloune olympique devenue si grosse que...

Que cette fois, elle a coûté 51 milliards.

Je vous entends protester que ça n'a rien à voir avec le biathlon.

Sans doute. Mais cela procède du même esprit olympique: souffler toujours plus fort dans la balloune, la faire toujours plus grosse.

Ce n'est plus une affaire de sport. C'est une affaire de fric. Les Russes sont passés de la 11e place à Vancouver à la 1re à Sotchi en y mettant le fric que ça prend pour gagner. Vous ne l'avez peut-être pas noté, dimanche ils ont fait un, deux et trois au 50 km de ski de fond qui, pour bien des gens dont je suis, est l'épreuve reine des Jeux d'hiver. Vous croyez que c'est seulement en s'entraînant plus fort?

Non, je ne parle pas de dope.

Je parle de fric. Je parle de la balloune.

LES COYOTES - Trois coyotes hier matin dans mon champ. J'ai pris Charlie dans mes bras - je l'appelle aussi Prunelle (de mes yeux); je crois n'avoir jamais capoté sur un chat comme sur cette petite chatte noire et blanche avec une tache sur le nez qui lui fait une face si rigolote que je suis toujours à l'embrasser même si elle ayiiiit ça -, j'ai pris Charlie dans mes bras, je lui ai tourné la tête dans la direction des coyotes, tu vois, Charlie?

Elle a vu! Elle s'est raidie. Plus exactement, «elle a pogné le fixe». Les coyotes devaient être à 200, 250 mètres, c'est ma première question: ça voit si loin que ça, un chat?

Non seulement elle les a vus, mais elle est allée se cacher sous le lit comme chaque fois qu'elle a peur. Je suis sûr que ce sont ses premiers coyotes. C'est ma deuxième question: comment pouvait-elle savoir, à cette distance, que ce n'était pas des chevreuils? (Elle n'a pas peur du tout des chevreuils, ni des ratons, même qu'elle court après.)

Y a-t-il un spécialiste en comportement animalier dans la salle?

Pour jouer, je suis allé dans la chambre en hurlant dans les aigus, croyant imiter le coyote, elle est sortie de dessous le lit, en me regardant avec l'air de dire: tu devrais demander aussi s'il y a, dans la salle, un spécialiste en comportement humain.