Commençons par un salut. J'aimais beaucoup mon collègue François Gagnon. Non, il n'est pas mort. Un peu, quand même, puisqu'il est parti à RDS. J'aimais le lire: sous sa prolixité qui me soûlait parfois, il y avait toujours ce feu, cette passion de petit garçon pour le hockey. À la fin de ses chroniques, on sentait qu'il aurait pu continuer toute la journée et toute la nuit sur le même sujet (ce qu'il fait sur les réseaux sociaux). Amuse-toi bien, François, avec tes nouveaux amis, tu me permettras seulement de temps en temps de t'utiliser comme facteur pour leur délivrer un message. Celui-ci est pour Michel Bergeron.

Dis-lui que j'ai beaucoup ri quand il a dit, après le match contre Toronto et l'accident survenu à George Parros, que cette fois-ci, c'était assez: il faudrait bien mettre fin aux bagarres dans le hockey. Il n'y a rien de plus drôle qu'un faucon qui se met soudain à roucouler comme une colombe.

Quant à moi, je n'ai pas changé d'idée sur ce sujet qui remonte à l'Antiquité - parfaitement, à l'Antiquité -, alors que les Romains débattaient déjà sur le sort de leurs gladiateurs. Ne trouves-tu pas cruel, Brutus, de les mettre à mort?

Mais non! Deviennent tellement cons après toutes ces commotions cérébrales qu'il n'y aurait plus, de toute façon, qu'à les donner aux lions.

Depuis mes débuts à La Patrie en 1912, c'est ma 248e chronique sur le sujet: les bagarres au hockey. Environ 124 pour dire: c'est assez, les bagarres! Les 124 autres, dont celle-ci, pour dire: faites donc à votre tête. De toute façon, on interdira les bagarres et vous trouverez d'autres façons d'intimider.

C'est bien d'intimidation qu'on parle ici. Et elle ne se résume pas à quelques combats de goons, elle est une des composantes principales de la culture du hockey professionnel nord-américain. Pas seulement son fonds de commerce, son fonds tout court.

On peut interdire les bagarres. On ne peut pas interdire l'intimidation. Bobby Clarke ne s'est pas battu avec Kharlamov, il lui a cassé la cheville d'un coup de bâton. Et tout le Canada, sauf moi, a hurlé de joie.

Mardi soir, au Centre Bell, une heure avant de s'assommer sur la glace, George Parros était ovationné par une foule qui attendait un justicier, un vrai, depuis longtemps. C'est pas juste les Américains qui aiment ça. Les commotions cérébrales? Elles viennent avec le show. Parros et ses semblables en acceptent le risque. Ce sont nos gladiateurs.

Comme les boxeurs. Comme Georges St-Pierre, qu'on admire tant chez nous. Il gagne sa vie comment, Georges St-Pierre? En donnant des claques sur la gueule, des coups de genou dans les couilles et des commotions cérébrales à ses adversaires. Pourquoi lui, c'est correct et pas Parros?

Ah, les euphémismes du hockey! Combien de fois la mise en échec était légale... Dure, mais légale. Ben tiens! La commotion cérébrale qui s'en est suivie était légale aussi?

Mais les jeunes?

Quoi, les jeunes? Les quelques centaines de surdoués des ligues d'élite comme la Ligue de hockey junior majeur du Québec? Trop tard, ils sont déjà dans le moule. Merci, Patrick Roy.

Pour ce qui est des dizaines de milliers d'autres du hockey récréatif, les nouvelles sont meilleures. Protégés par des règlements intelligents (notamment l'interdiction des mises en échec chez les moins de 12 ans), instruits par une majorité d'instructeurs allumés, ils sont, je crois, bien à l'abri des folies du grand cirque.

CHEFS-D'OEUVRE - J'ai relu cet été, relu plutôt que lu, Balzac, Le père Goriot. Dieu que l'histoire de ce bonhomme qui porte aux nues ses deux salopes de filles - comment ne voit-il pas que ce sont des salopes? - m'a ennuyé! Mais pourtant, moins ennuyé que les deux Flaubert que je me suis aussi imposés, L'éducation sentimentale et Bouvard et Pécuchet. Le premier raconte les amours d'un farfadet qui n'arrive pas à se brancher entre deux ou trois mondaines et une courtisane: pogne le cul de l'une, pogne le cul de l'autre, mais avec si peu de conviction qu'on finit par se le demander: cout'donc, y est p'tête pédé pis il le sait pas? Quant à Bouvard et Pécuchet, on a dû vous dire à vous aussi que c'était le chef-d'oeuvre des chefs-d'oeuvre, l'indispensable pamphlet contre la Bêtise, un monument de drôlerie. De drôlerie, vraiment? Ben, j'ai pas ri du tout.

Cela pour vous dire que si la littérature d'aujourd'hui vous assomme, c'est pas forcément en vous rabattant sur les classiques que vous allez avoir du fun. Ce qui est un chef-d'oeuvre dans une classe de littérature comparée avec un prof pour vous expliquer pourquoi c'est un chef-d'oeuvre n'en est pas toujours un dans votre salon un mardi soir quand y a rien à la télé: tiens, je vais essayer L'éducation sentimentale... Z'avez pas fini de vous faire chier, mon pauvre vieux.

Pour Flaubert, allez plutôt du côté de Madame Bovary; pour Balzac, allez aux Illusions perdues.

PÉPÈRE-LA-VIRGULE - Ce matin, courriel du plus lettré de mes lecteurs (Jean-François D.), qui souligne un anglicisme grammatical très répandu dans les médias. Cet anglicisme consiste à faire précéder du mot "femme" un adjectif déjà féminin. Ainsi les femmes musulmanes (muslim women), les femmes allemandes, les femmes sénatrices... tant qu'à faire dans la périssologie, dit en ricanant Jean-François, pourquoi pas les femmes musulmanes de sexe féminin? Comme ça, on sera absolument certain que c'est pas des hommes.

Je vous vois aller à vos dictionnaires pour "périssologie". Je peux vous éviter ça; ça vient de perissos, superflu en grec. Disons un pléonasme superflu ou, si vous préférez: une tautologie redondante.

Des fois, me relisant, c'est ça que je me dis que je suis: Foglia, t'es rien qu'une totologie rebondissante.