J'ai gagné mes élections, lalalè-reu. Mais non, je n'ai pas voté libéral. Si j'avais voté libéral, je n'aurais pas gagné mes élections. Moins d'un million et demi de Québécois ont voté libéral. Alors que nous, les abstentionnistes, sommes deux millions à n'être pas allés voter. Oui madame. C'est nous qui avons gagné.

J'ai hésité, remarquez. Quand je suis passé devant le bureau de vote en allant à Montréal, il n'y avait pas une auto dans le parking de l'hôtel de ville, cela m'aurait pris deux minutes pour aller faire ma croix devant le nom de la candidate de Québec solidaire. Mais non. J'ai finalement décidé que j'exprimerais plus justement mon opinion en n'allant pas voter.

Mon opinion? Peu importe. Ce que je tiens à dire ici, c'est qu'il s'agit bien d'une opinion ; pas d'une humeur, ni d'une lassitude, ni d'une stratégie. Une o-pi-nion.

Je veux bien qu'on la conteste, qu'on la combatte. Je vous interdis de m'insulter en la niant comme vous le faites depuis trois jours. Comme cet éditeur qui, ce matin dans Le Devoir, faisait la leçon démocratique aux abstentionnistes «qui ne se donnent même plus la peine» d'aller voter.

C'est quoi cette connerie de se donner ou de ne pas se donner la peine ?

Je ne suis pas allé voter par choix. Comme deux millions d'autres Québécois qui ont choisi de dire fuck off à la classe politique actuelle, tous partis confondus.

Ça doit être parce c'était un lundi, se gratte le chef scout, pardon le directeur des élections; la prochaine fois, on va essayer de tenir le scrutin un dimanche.

C'est parce qu'ils ne savent pas que dans d'autres pays et gnagnagna, ben oui ben oui, après le pont, à droite c'est Saint-Lambert, à gauche c'est Pyongyang...

Ils ne se donnent même plus la peine...

Cela n'a rien avoir avec se donner la peine ou pas, monsieur Chose. Quoique... Quoique dans mes raisons à moi, il y a un peu de celle-ci : ne pas souscrire à cette idée purement aérobique que vous vous faites de la démocratie. Tout ce que vous retenez de l'exercice du droit de vote, c'est l'exercice. Bande de scouts.

L'ÉPIPHÉNOMÈNE - Les gens qui, ces jours-ci, s'appliquent à traiter Amir Khadir d'épiphénomène me font rire. Un phénomène très certainement. Mais un phénomène secondaire? On s'en reparle dans un an.

Pour le portrait qu'on en fait, j'ai trouvé juste celui de ma collègue Michèle Ouimet, mais je rajouterais tout de même que le bordélique, l'agité de surface est, sur le fond, plus agitateur qu'agité. Une pensée très structurée, des valeurs comme le roc, une petite tendance à la délinquance qui n'est pas la moindre part de son charme, et un mystère : une des intelligences les plus pointues, les plus incandescentes auxquelles je me suis jamais frotté ; mais, et c'est là le mystère, par de très courts moments, il peut être aussi complètement con. Comme somnambule. Et là tu ne sais plus : je le réveille ou pas?

Ne t'inquiète pas, Amir, je ne vais pas parler de toi tous les jours ; c'était la dernière fois avant au moins six mois. Je veux te dire quand même que ton élection m'a fait immensément plaisir, que pendant que tu faisais ton discours, je regardais tes deux gamines derrière toi sur l'estrade, je les trouvais belles comme leur mère qui n'était pas là. Quoi encore ? Rien.

Allez, je t'embrasse même si t'es presque musulman.

Un appel aux Vieux

J'ai écrit au début de l'été une chronique sur les vieux. Cet extrait :

Vieux monsieur, j'adore. Vieux tout court ne me défriserait pas. Vieux machin. Vieux schnock. L'ancêtre, n'importe quoi, sauf : un aîné. Pas ca-pa-beu. D'ailleurs je ne suis pas un néné. Je n'ai rien d'un foutu néné. Les aînés sont grégaires, louent des autobus à Pâques pour aller à New York, jouent au volleyball le mercredi matin, etc...

Il s'est trouvé des vieux, j'y pense, surtout des vieilles, pour abonder dans mon sens. Des vieux, des vieilles qui, comme moi, ont horreur de la promiscuité, de la grégarité, qui ne jouaient pas au volleyball à 20 ans et n'ont pas envie d'y jouer à 68, des vieux qui m'ont dit détester surtout cette crasse paresse intellectuelle à laquelle trop de vieux s'abandonnent comme à un repos bien mérité.

Bref, en janvier ou février, La Presse devrait publier une série, dont le titre, provisoire j'espère, serait quelque chose comme «Vieillir cool». C'est déjà mieux que vieillir débile, mais la coolitude n'étant pas non plus un état qui me porte à l'extase, je lance un appel aux vieux qui en ont plein le cul du penser-mou et des pubs de Viagra (et des reportages sur les vieux) pour qu'ils me laissent un courriel dont la première phrase pourrait être : moi aussi, monsieur le chroniqueur, je veux aller lancer des boules puantes au Salon de l'aîné et de l'ânesse...

Je ne sais pas encore ce que je ferai de votre mot, mais même si je ne devais rien en faire, il aura fait du bien à au moins deux personnes, vous et moi.

UN AUTRE APPEL À TOUS - Voici. Je suis attaché, presque organiquement, à mes deux premiers ordinateurs. Le plus ancien, un TRS 80 de chez RadioShack, marche à merveille, mais mon Power Book 100, qui doit bien avoir 30 ans, vient de planter. Ma question: existe-t-il des ateliers où des vieux, très vieux techniciens réparent les vieux, très vieux ordinateurs?

Marci.