Aucune équipe de la LNH ne ressemble autant à un club de football que le Canadien.

Si Carey Price est blessé ou connaît un passage à vide, ses coéquipiers naviguent sans boussole. Gagner des matchs devient un défi exceptionnel. C'est le même phénomène dans la NFL si le quart-arrière vedette n'est pas au rendez-vous.

Les Packers de Green Bay, par exemple, ont perdu leur élan depuis la blessure à Aaron Rodgers, à la mi-octobre. S'il revient au jeu dans deux semaines comme on l'espère au pays de Vince Lombardi, il réussira peut-être un tour de magie : propulser les siens en séries éliminatoires. Les chances de l'équipe sont essentiellement liées à ses performances.

L'impact de Price chez le Canadien est du même niveau. Les autres organisations de la LNH ne semblent pas aussi dépendantes de leur meilleur joueur. Bien sûr, tous les clubs du circuit éprouvent des ennuis à compenser la perte d'un talent exceptionnel. Mais rares sont ceux qui s'écroulent complètement, comme c'est le cas du CH si le numéro 31 n'est pas à son sommet.

Le Canadien est une équipe à deux visages.

Quand Price est sur le carreau, ou même juste en deçà de son excellence habituelle, l'équipe manque de mordant et de confiance. À l'inverse, quand il est en plein contrôle, la formation de Claude Julien ne souffre d'aucun complexe face à ses adversaires. Au-delà de sa solidité devant le filet, le 31 insuffle une dose d'énergie exceptionnelle à ses coéquipiers.

On l'a vu au cours des deux dernières semaines. Shea Weber et Jonathan Drouin ont raté des matchs (on parle ici, ne l'oublions pas, du meilleur défenseur et du meilleur attaquant du CH), mais le CH a néanmoins multiplié les victoires.

Pourquoi? Parce que Price a pris toute la place. En revanche, quand il a raté en grande partie la saison 2015-2016, et lorsqu'il a été ralenti par un passage à vide et une blessure plus tôt cette saison, le Canadien a été l'un des pires clubs de la LNH.

On peut se réjouir que le CH aligne un joueur pareil. Remarquez que cela alimente notre obsession collective s'il n'est pas en mesure d'endosser l'uniforme. On entend mille rumeurs, comme si un joueur pareil ne pouvait pas être simplement blessé. La direction du CH, pour qui les mots «transparence» et «communication» demeurent des concepts abstraits au moment de donner l'heure juste aux fans, alimente ce phénomène. Certaines leçons, semble-t-il, ne s'apprennent pas.

En revanche, la dépendance du Canadien envers Price rend l'équipe vulnérable. C'est encore plus vrai en séries éliminatoires. Le rythme de jeu augmente et un gardien ne peut faire la différence à lui seul. On l'a vu aux printemps 2015 et 2017, lorsque le parcours du Canadien s'est achevé plus tôt qu'espéré.

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Cela dit, reconnaissons au Canadien son mérite : embourbé dans une séquence pitoyable, il a rebondi avec éclat en remportant cinq victoires d'affilée, dont cette pétarade de samedi aux dépens des Red Wings de Detroit. Les partisans ont retrouvé le sourire - je l'ai constaté durant le week-end - et la morosité qui enveloppait l'équipe depuis le début de la saison s'est dissipée.

Mais attendons un peu avant de nous emballer. Le Canadien traverse l'une des périodes les plus avantageuses de son calendrier et doit en profiter jusqu'au bout. Les quatre prochains matchs auront lieu à domicile, avec au moins une journée de repos entre chacun d'eux. La fin du mois sera bien différente avec sept rencontres consécutives à l'étranger. Lorsque l'équipe reviendra à la maison au début de janvier, nous en serons presque à la mi-saison.

Nous en saurons alors plus long à propos de cette question clé : le rebond des derniers jours est-il une promesse ou un piège?

Si le Canadien continue de surprendre ainsi, l'équipe sera bel et bien dans la course aux séries, Marc Bergevin se retrouvera dans le camp des acheteurs en vue de la date limite des transactions et l'argent disponible sous le plafond salarial deviendra un immense atout.

En revanche, si le Canadien ne maintient pas le rythme nécessaire pour viser le troisième rang de sa division, cette période n'aura été qu'une accalmie au milieu d'une saison éprouvante. Pire, elle aura été un piège, dans la mesure où elle aura rassuré à tort les dirigeants sur la force de l'équipe.

Les trois dernières saisons nous ont en effet enseigné ceci : la direction a une propension à surestimer la valeur du club. C'est ainsi qu'on laisse filer des joueurs tels Markov et Radulov, comme si des gars de ce niveau se remplaçaient d'un simple claquement de doigts. Résultat, les saisons décevantes s'enchaînent, rarement décourageantes, mais jamais sensationnelles.

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Les récentes victoires ont redonné du lustre à la saison du Canadien. Il faut souligner le travail de Claude Julien dans cette tournure inattendue des évènements. On l'a vu très irrité après l'échec de 6-0 au Centre Bell contre les Maple Leafs de Toronto, mais il a vite repris contenance et n'a jamais paniqué. Son expérience a bien servi l'organisation.

Pour l'instant, le Canadien a retrouvé sa place dans la course aux séries. Mais demeurons prudents avant d'entretenir de trop grandes attentes envers cette équipe, qui ne compte pas parmi les puissances du circuit. Oui, Price s'impose de nouveau comme l'un des meilleurs joueurs de la ligue. Mais être à ce point à la merci de son rendement rappelle les lacunes de l'équipe.