Le Canadien n'était pas beau à voir, jeudi, contre le Wild du Minnesota : un manque de talent évident, du jeu sans conviction, des vedettes au ralenti et un entraîneur à court de solutions.

Les Astros de Houston n'étaient pas plus impressionnants en juin 2014, lorsque Sports Illustrated a publié une couverture audacieuse : une photo de George Springer, étoile montante de l'équipe, avec un titre provocateur : « Vos champions de la Série mondiale 2017 ».

Dans un reportage étoffé, le journaliste Ben Reiter analysait la reconstruction des Astros, une initiative « sans précédent », écrivait-il, lancée par des dirigeants modernes et créatifs, qui développaient de nouveaux modèles analytiques et misaient sur les statistiques avancées.

Derrière cette opération, on retrouvait le directeur général Jeff Luhnow et son adjoint Sig Mejdal. Leur profil n'est pas celui des « hommes de baseball » au sens traditionnel du terme. Le premier, titulaire d'un MBA de l'Université Northwestern, a travaillé pour McKinsey & Company, une importante société de consultation. Le second, ingénieur, a déjà été au service de la NASA. Mais la passion du baseball les animait davantage.

L'année où Sports Illustrated a publié son article, les Astros ont remporté 70 victoires et subi 92 revers, une légère amélioration par rapport aux trois saisons précédentes, durant lesquelles ils avaient perdu chaque fois plus de 100 matchs ! Pour voir dans cette concession une puissance de demain et non pas une équipe qui demeurerait abonnée au bas du classement, il fallait une certaine témérité.

On connaît la suite. Mercredi, après sept matchs palpitants contre les Dodgers de Los Angeles, les Astros ont remporté la Série mondiale, validant ainsi la prédiction de Sports Illustrated. Et Springer a été choisi joueur par excellence de la série.

La recette de Luhnow et Mejdal, deux anciens de l'organisation des Cards de St. Louis, fera inévitablement des petits. Peu importe le sport, la stratégie des champions influence plusieurs équipes. Mais l'une d'entre elles aura-t-elle le cran des Astros ?

Quand Luhnow a quitté les Cards pour devenir DG des Astros, il a amené Mejdal avec lui et l'a nommé « directeur des sciences décisionnelles », titre qui aurait été tourné en dérision si l'expérience n'avait pas été concluante. Pas pour rien que les bureaux des Astros ont été surnommés « la grotte des nerds », comme les médias américains le rappellent souvent.

En bâtissant une équipe championne, les Astros n'ont pas fait que de bons coups. Ils ont obtenu le premier choix du repêchage amateur trois années d'affilée et se sont trompés deux fois. Seul l'arrêt-court Carlos Correa, sélectionné en 2012, est devenu une étoile. L'année suivante, ils ont opté pour un lanceur qui n'a pas encore percé (Mark Appel), permettant ainsi aux Cubs de Chicago de sélectionner au deuxième rang l'exceptionnel Kris Bryant.

Mais cela n'a jamais fait dévier les Astros de leur plan. En 2015, lorsque sa stratégie a porté ses premiers fruits, Luhnow a déclaré au New York Times : « Tu ne veux pas être têtu, tu veux écouter les nouvelles informations et obtenir du feedback. Mais tu dois demeurer fidèle à des principes fondamentaux et ignorer le bruit autour de toi. »

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Si Sports Illustrated tentait le même truc qu'en 2014, mais cette fois au hockey, le Canadien ne serait sûrement pas l'équipe choisie pour illustrer une couverture avec les mots : « Vos champions de la Coupe Stanley 2021 ».

Pourquoi ? D'abord et avant tout parce que l'organisation ne semble pas avoir de plan à long terme. L'organisation réagit au coup par coup. Les mots de Marc Bergevin (« J'essaie toujours d'améliorer l'équipe ») sont synonymes d'une approche à courte échéance. Le CH veut être meilleur demain alors qu'il devrait, dans les circonstances actuelles, se donner les moyens d'être vraiment meilleur dans quatre ans.

Je sais, une reconstruction ne garantit pas le succès. L'exemple des Oilers d'Edmonton, qui ont longtemps peiné malgré l'obtention de trois premiers choix au repêchage de 2010 à 2012, le rappelle très bien. Seule l'arrivée de Connor McDavid a mis fin à ce cycle de médiocrité.

Les insuccès répétés des Panthers de la Floride, qui ont sélectionné quatre fois parmi les trois premiers de 2010 à 2014, indiquent aussi que l'arrivée massive de hauts choix au repêchage n'est qu'une partie de la solution. Et leur virage « statistiques avancées » de la dernière saison n'a pas fonctionné.

En revanche, d'autres équipes misant sur des jeunes sont sur leur lancée, comme le Lightning de Tampa Bay et les Maple Leafs de Toronto. Leurs chances de bientôt remporter la Coupe sont nettement plus élevées que celles du Canadien.

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Geoff Molson semble allergique au mot « reconstruction ». Sans doute parce qu'il y voit le constat d'un échec plutôt que la promesse d'un lendemain meilleur.

Mais si son équipe continue de jouer du hockey aussi fade, si elle est pratiquement éliminée des séries éliminatoires après les 20 premiers matchs de la saison, il devra réfléchir à cette question difficile : le modèle actuel du Canadien peut-il conduire à la Coupe Stanley ?

Geoff Molson a adopté le principe de Marc Bergevin, qui soutient que tout devient possible lorsqu'une équipe se glisse en séries éliminatoires. Cette idée réconfortante comporte une bonne dose de pensée magique. Dans les faits, à peine quatre équipes ont remporté la Coupe Stanley au cours des neuf dernières années. Les clubs Cendrillon sont rares.

La décision de reconstruire à la manière des Astros ne doit pas se prendre sur un coup de tête. Ses implications sont profondes. Mais Geoff Molson aurait avantage à prendre un café avec Jim Crane, le propriétaire des Astros, afin de décortiquer l'expérience de cette organisation innovatrice. L'idée ne serait pas de faire un copier-coller, mais d'analyser des scénarios d'avenir. Car si la saison du CH se termine sur un cul-de-sac, le statu quo ne sera plus tenable.