La première partie de la saison n'a pas été un long fleuve tranquille pour Michel Therrien. Trois fois, il a joué avec le feu. Et même si le niveau de chaleur a augmenté à chaque occasion, il a évité de se brûler.

L'entraîneur-chef du Canadien a amorcé ce curieux tour du chapeau le mois dernier. Il a gardé Al Montoya devant le filet toute la rencontre lors d'une dégelée de 10-0 à Columbus. La situation était un peu humiliante pour le vétéran gardien, et certains de ses coéquipiers auraient pu en vouloir à leur entraîneur de ne pas l'avoir soulagé de sa misère. Mais le tout a vite été oublié.

Une quinzaine de jours plus tard, en réponse à une question à propos de Max Pacioretty, Therrien a semblé lui reprocher de ne pas fournir un effort suffisant pour récupérer la rondelle. Après un mois de septembre où la controverse lui a collé à la peau, le capitaine n'avait sûrement pas besoin de cette pique. Therrien a ensuite manifesté sa surprise face à la manière dont ses propos ont été interprétés, une bonne façon de faire baisser la température.

Mais l'affaire la plus significative s'est produite vendredi dernier contre les Sharks de San Jose. Therrien a retiré Carey Price du match en pleine deuxième période, une décision qui a irrité la vedette du club. En retraitant au vestiaire, Price a lancé un regard de feu, manifestement destiné à son entraîneur.

Peu importe le sport, ce n'est jamais une bonne chose lorsque le meilleur joueur d'une équipe montre ainsi son mécontentement envers son entraîneur. Le potentiel de dérapage est énorme.

La décision de Therrien était pourtant justifiée. Compte tenu de l'allure à sens unique de ce match, mieux valait donner un repos à Price afin qu'il puisse être devant le filet le lendemain à Washington.

En expliquant son raisonnement de manière transparente après la rencontre, Therrien a réalisé un bon coup. Pas mal pour un homme qui, sur le plan de la communication, se montre rarement sous son meilleur jour après un échec des siens. Price, une fois sa déception passée, a sûrement saisi la logique du raisonnement.

Restait néanmoins à savoir comment le Canadien réagirait à Washington. On connaît maintenant la réponse. Dans ce contexte chaud et contre ce puissant adversaire, le CH a offert sa performance la plus impressionnante de la saison. Le genre d'effort qui soude une équipe et lui fait découvrir des choses à propos de sa propre résilience.

La stratégie de Therrien a donc été payante. Le coach a aussi été bien servi par le fait que les affrontements contre les Sharks et les Capitals ont été disputés deux jours consécutifs. Un délai plus long aurait augmenté le retentissement de l'affaire, et cela aurait pu laisser des traces.

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Le Canadien a encore six matchs à disputer en 2016. C'est beaucoup, et une séquence malheureuse assombrirait la fin de l'année de Therrien. N'empêche qu'aujourd'hui, on ne peut qu'éprouver du respect pour la manière dont il a rebondi depuis la glissade de l'hiver dernier. Il n'hésite pas à prendre des décisions difficiles, ce que lui-même appelle simplement «coacher».

L'hiver dernier, les défaites à répétition du Canadien ont miné le moral de Therrien. Rappelez-vous ses réponses courtes et sèches après les matchs, son regard ténébreux, l'absence de solutions... On le sentait désemparé, mais aussi en colère.

Du coup, son avenir à la barre de l'équipe a suscité de nombreuses discussions. Était-il toujours l'homme de la situation? Pouvait-il encore incarner l'espoir auprès des joueurs et des partisans? Avait-il encore les ressources pour diriger le club?

Après cette interminable saison, je l'ai rencontré à son bureau de Brossard. Pour la première fois depuis ses débuts dans le coaching, une équipe qu'il avait dirigée de bout en bout du calendrier était exclue des séries éliminatoires. Et cela lui faisait mal.

En discutant avec lui, j'ai cependant compris qu'il n'était pas du genre à demeurer prisonnier du passé. Au fil de notre conversation, son regard s'est tourné vers la saison 2016-2017 : «On aura un bon début, il n'y a aucun doute dans mon esprit, m'avait-il dit. On a toujours eu une bonne préparation, et ça ne changera pas. La dernière saison nous aura tous fait grandir et fera aussi de moi un meilleur coach.»

Un entraîneur moins expérimenté aurait eu plus de mal à tourner la page. Mais Therrien sait très bien qu'une «mémoire courte» est essentielle au succès dans le sport professionnel. 

Et comme il l'avait annoncé, le CH a connu un fulgurant début de saison.

Les remarquables succès d'octobre ont cependant donné une fausse image du Canadien. Voilà assurément une solide équipe, mais qui n'a pas le potentiel pour survoler la LNH. Les résultats plus nuancés des dernières semaines le rappellent bien.

En revanche, l'équipe semble psychologiquement solide, un atout en vue de la deuxième moitié de saison. La manière dont elle compose avec l'absence d'Alex Galchenuyk l'illustre. La perte du jeune attaquant n'a pas ébranlé le groupe, et Therrien, qui garde toujours la barre haut placée, n'est pas étranger à cette réaction positive.

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L'année 2016 aura été une des plus rocambolesques de la carrière de Therrien. La bonne nouvelle pour lui, c'est qu'elle devrait mieux se terminer qu'elle a commencé.

Huit mois après la catastrophique fin de saison du Canadien, Therrien travaille en pleine confiance. L'affaire Price, qui aurait pu lui exploser en plein visage, le démontre bien. Mais il devra néanmoins éviter de jouer trop souvent avec le feu. Une brûlure est si vite arrivée.