À l'hiver 1985, la nouvelle a l'effet d'un coup de tonnerre. Doug Flutie, le héros du football collégial, signe un contrat de six ans pour 8,3 millions de dollars avec les Generals du New Jersey, de la United States Football League (USFL). Le propriétaire de l'équipe ne cache pas sa joie: «Doug sera extraordinaire pour notre circuit.»

Le proprio en question s'appelle Donald Trump. L'ouverture récente de la Trump Tower en plein coeur de Manhattan fait rayonner son nom à New York. Mais dans un pays fou de sport comme les États-Unis, détenir une équipe professionnelle constitue une meilleure caisse de résonance. Et le magnat de l'immobilier le sait fort bien.

Trump a acquis les Generals en septembre 1983 après la première saison de la USFL. Ce circuit tente de concurrencer la puissante NFL. Ses dirigeants, malgré leurs ambitions, ne sont pas assez casse-gueule pour attaquer l'adversaire de front. Voilà pourquoi les matchs sont présentés au printemps, seul moyen d'y intéresser les réseaux de télé.

Trump a des plans ambitieux pour la USFL. Voilà pourquoi il couvre Doug Flutie de billets verts. Le jeune homme touche même un meilleur salaire que Joe Montana, le quart-vedette des 49ers de San Francisco.

La venue de Flutie avec les Generals suscite un immense intérêt, et le nom de Trump fait le tour de l'Amérique du Nord. Mais comme plusieurs médias américains l'ont raconté au cours des derniers mois, Trump commet ensuite une erreur. Il convainc ses partenaires de déplacer le calendrier de la USFL à l'automne en vue de la saison 1986. «Si Dieu avait voulu du football au printemps, il n'aurait pas inventé le baseball», déclare-t-il.

Ce changement soulève des inquiétudes. D'autant plus que beaucoup d'organisations éprouvent des ennuis financiers. L'avenir est soudainement moins brillant pour la USFL, qui mise sur sa poursuite contre la NFL - elle lui reproche de contrevenir aux lois anti-monopole - pour redorer son blason. Le circuit remporte sa cause, mais le jury lui attribue un dédommagement symbolique d'un seul dollar! C'est la fin des émissions, et la USFL rend les armes avant le début de la saison 1986.

Trump espérait que les Generals soient admis dans la NFL, à l'image des quatre équipes de l'Association mondiale de hockey - dont les Nordiques - qui ont intégré la LNH en 1979 pour mettre fin à la «guerre» du hockey. Cela ne s'est pas produit. Dommage, non? Il serait peut-être resté dans le football pour le reste de sa carrière plutôt que de faire le saut en politique.

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Quel serait l'effet d'une présidence Trump sur le sport? À n'en pas douter, rien de positif.

Premier exemple, la lutte contre les commotions cérébrales. Sous une intense pression populaire et juridique, la NFL a enfin adopté des mesures pour mieux protéger les joueurs victimes de coups à la tête. En 2014, le président Barack Obama a mis son poids politique dans l'affaire. S'il était père d'un garçon, a-t-il dit, il lui interdirait de jouer au football en raison des risques pour son cerveau.

Et Trump? Durant la campagne électorale, il a plutôt ridiculisé la manière dont la NFL traite les commotions cérébrales. «Tu reçois un petit coup à la tête et tu ne peux plus jouer de la saison...», s'est-il moqué, peu après avoir affirmé qu'à «l'image du pays», le football était devenu trop mou.

L'élection de Trump, hélas, réjouirait les gens banalisant les conséquences des chocs au cerveau (et ceux ne croyant pas aux changements climatiques, mais ça, c'est une autre histoire).

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Au baseball majeur, l'élection de Trump modifierait-elle les plans d'expansion de Rob Manfred ? Le commissaire l'a avoué: il est intrigué par l'idée d'ajouter deux équipes, une à Montréal et l'autre à Mexico.

Mais quels seront les liens entre les États-Unis et le Mexique si le président Trump construit un mur le long de la frontière entre les deux pays? Dans cette ambiance empoisonnée, le baseball majeur donnerait-il suite à cette idée?

Et si Trump exige la renégociation des traités commerciaux signés par les États-Unis, quel sera l'impact sur les relations canado-américaines? Le sport professionnel resterait-il à l'abri de tout accrochage entre les gouvernements des deux pays? Le contexte serait-il propice au retour des Expos et à l'éventuelle augmentation du nombre d'équipes canadiennes dans la LNH? Pas sûr...

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À Los Angeles, les membres du comité de candidature des Jeux d'été de 2024 sont aussi inquiets. La ville hôte sera choisie en septembre 2017. Paris et Budapest sont les autres candidats.

Le maire (démocrate) de Los Angeles, Eric Garcetti, n'a pas caché ses craintes par rapport à la possibilité que Trump l'emporte. «Une Amérique qui se replie sur elle-même, comme n'importe quel pays agissant ainsi, n'est pas une bonne chose pour la paix dans le monde ou le progrès», a-t-il dit, l'été dernier.

L'effet Trump assombrirait l'image des États-Unis dans plusieurs pays, réduisant ainsi les chances de Los Angeles. Et ce, même si la Russie et ses alliées pourraient appuyer la métropole californienne, au vu du respect que se portent Trump et Vladimir Poutine.

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En 2014, l'homme d'affaires Terry Pegula a versé 1,4 milliard de dollars pour acheter les Bills de Buffalo, de la NFL. Trump était un des deux autres investisseurs intéressés, mais son offre a été écartée.

En septembre 2015, Trump a déclaré au magazine Sports Illustrated être heureux de la tournure des événements. Car sinon, il n'aurait sans doute pas soumis sa candidature à l'investiture républicaine. «J'aurais fait un bon boulot avec l'équipe, mais je ne ferais pas ce que je suis en train de faire.»

Si Donald Trump était aujourd'hui proprio des Bills plutôt que candidat à la présidence, des millions de gens dans le monde seraient beaucoup moins inquiets en attendant les résultats de ce soir.

Sources: Sports Illustrated, The New York Times, ESPN