Après la victoire du Canadien contre les Islanders de New York mercredi dernier, Denis Coderre a écrit sur Twitter: «Bon je vais préparer ma chaise et l'itinéraire de la parade...» Une de ses abonnées a répliqué avec humour: «Ah non! Pas encore des fermetures de rues!»

Le maire de Montréal blaguait, bien sûr. Il connaît assez le sport pour savoir qu'une saison de hockey ne se décide pas en octobre. Mais son enthousiasme reflète l'esprit de milliers de fans du CH: cet extraordinaire début entraîne le retour de l'espoir. C'est un revirement radical par rapport à la mélasse dans laquelle l'organisation baignait il y a six mois.

Marc Bergevin l'a rappelé lundi: des pépins surviendront inévitablement en cours de route. Cette solide amorce est néanmoins rassurante pour le DG du Canadien. Une rupture décisive avec la dégringolade de l'hiver dernier était nécessaire pour lever les doutes sur la composition de l'équipe et la manière dont elle est dirigée.

Le Canadien a aussi connu un début canon l'automne dernier. Mais la blessure de Carey Price a mis fin au beau rêve. Si l'équipe est mieux équilibrée un an plus tard, et si elle compte sur un deuxième gardien fiable en Al Montoya, le numéro 31 demeure la clé de l'opération.

On le sait tous: la contribution de Carey Price va au-delà de son travail devant le filet. Mais c'est tout de même formidable de constater la force de son influence. On dirait un distributeur de confiance. Sa seule présence augmente la carrure d'épaules du groupe, y compris les entraîneurs.

Dans tout le sport professionnel, peu de vedettes ont cette capacité unique à tirer jour après jour leur club vers le haut, comme Tom Brady avec les Patriots de la Nouvelle-Angleterre et LeBron James avec les Cavaliers de Cleveland.

Pour tailler sa place dans la légende, Price doit maintenant remporter la Coupe Stanley. Aussi méritoires soient-ils, ses succès sur la scène internationale ne sont pas suffisants. C'est le seul véritable défi restant à son tableau de chasse, mais c'est aussi le plus important.

Bonne nouvelle pour le CH, Shea Weber se retrouve dans une situation semblable. Malgré une carrière étincelante, lui non plus n'a jamais remporté le championnat de la LNH. Cet objectif l'anime sûrement.

L'apport de ces deux leaders super motivés place le Canadien dans une excellente position sur le plan de l'approche mentale. Ils sont assez expérimentés pour comprendre à quel point se rendre jusqu'au bout est difficile. Et assez lucides pour réaliser à quel point les années filent vite.

C'est un avantage par rapport à la saison 2013-2014, lorsque l'équipe a atteint la demi-finale de la Coupe Stanley. Les jeunes vedettes d'alors (Price, Subban, Pacioretty) ne réalisaient pas encore pleinement à quel point pareille occasion de briller est rare.

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Du positif, rien que du positif... C'est ainsi qu'on peut résumer le mois d'octobre du Canadien. C'est vrai pour l'organisation dans son ensemble, mais aussi sur le plan personnel pour plusieurs acteurs de premier plan.

Bergevin, par exemple, n'est pas égratigné par l'échange Subban-Weber, bien au contraire! On verra si ce sera toujours le cas au printemps prochain, mais la tournure actuelle des événements lui permet de travailler dans la tranquillité. En fait, si le Canadien reste dans le groupe de tête au cours des prochains mois, le prochain grand défi du DG surviendra à la date limite des transactions.

C'est à ce moment que les clubs avec des ambitions à court terme veulent porter un grand coup. Et la pression d'obtenir le chaînon manquant deviendra forte. Pas seulement des amateurs! De son propre vestiaire aussi. Dans le baseball majeur et la LNH, où cette date est un élément charnière de la saison, les joueurs perçoivent un coup fumant de leur patron comme une énorme marque de confiance à leur endroit.

Cette exceptionnelle entrée en matière fait aussi du bien à Michel Therrien. Au printemps dernier, bien des gens croyaient qu'il n'était plus l'homme de la situation, qu'il avait atteint cette fatidique date de péremption propre au métier d'entraîneur.

Le voilà plutôt bien en selle. Seule une affreuse glissade pourrait fragiliser son avenir. Même une série de cinq défaites ne serait pas suffisante. Son patron sait que toutes les équipes traversent des périodes sombres au fil du calendrier.

Ce n'est pas tout: le rendement du CH illustre que Therrien et ses leaders travaillent bien ensemble. Et signe de sa foi en ses moyens, il n'a pas changé ses méthodes derrière le banc.

En avril dernier, je lui ai fait remarquer qu'il était reconnu pour changer souvent ses trios. Du tac au tac, il avait répliqué: « Non, je suis reconnu pour coacher. Quand les joueurs ne se voient pas sur la patinoire, s'ils passent plus de temps dans notre zone que dans celle de l'adversaire, je me dis: "Wo..." Moi, je dois trouver un moyen de gagner tous les soirs.»

Au-delà de ce désir légitime, Therrien devra cependant établir un plan à long terme. Shea Weber, Andrei Markov et Alexander Radulov ont tous 30 ans et plus. Ils devront conserver des énergies en vue des séries éliminatoires. C'est la responsabilité du coach de s'en assurer.

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La saison commence à peine. Mais dans une ligue où la moitié des équipes participe aux séries éliminatoires, il serait renversant que le CH ne relève pas ce défi. L'équipe a déjà un coussin et cela lui permet d'aborder la suite du calendrier avec confiance et sérénité.

Après la rocambolesque dernière saison, il s'agit déjà d'une victoire. Mais ça ne signifie pas que le maire Coderre doive dès maintenant trancher si le défilé aura lieu rue Sherbrooke ou rue Sainte-Catherine. Le hockey d'avril et mai est bien différent de celui d'octobre.