Qu'il le veuille ou non, l'ascendant de Michel Therrien sur ses joueurs sera différent cette saison.

Les succès d'Équipe Canada à cette Coupe du monde l'expliquent. Carey Price et Shea Weber sont deux éléments-clés de cette puissante formation. À moins d'une colossale surprise, ils rentreront à Montréal auréolés d'une autre victoire en compétition internationale. Cela ajoutera à leur solide palmarès.

Du coup, un nouvel axe d'influence s'établira chez le Canadien. Pour la première fois de l'ère Bergevin-Therrien, les leaders de l'équipe seront deux hockeyeurs de classe mondiale.

Ce n'était pas le cas de leurs prédécesseurs. Brian Gionta et Josh Gorges, deux alliés de Therrien, étaient des joueurs consciencieux, mais leur rayonnement n'avait rien de comparable à celui des vedettes du circuit.

Depuis le départ de ces deux fiers compétiteurs à l'été 2014, une période de flottement a caractérisé le leadership du Canadien. Après l'expérience plus ou moins convaincante du «comité de leaders» en 2014-2015, Max Pacioretty a été élu capitaine en septembre dernier. On connaît la suite: il a apprivoisé son nouveau rôle durant une saison catastrophique, marquée par la longue absence de Price.

Âgé de 29 ans, le gardien du Canadien est maintenant un vétéran dans cette ligue. Sa réputation aux quatre coins du circuit est exceptionnelle. Même chose pour Weber qui, la semaine dernière, a reçu des compliments appuyés de Mike Babcock, l'entraîneur le plus influent dans le hockey d'aujourd'hui.

«Physiquement, cet homme est une montagne», a-t-il affirmé, dans une déclaration reprise par plusieurs médias. «Il est un excellent être humain, qui n'a pas à dire beaucoup pour influencer les autres. Un seul regard suffit. Il rend votre concession meilleure dès son entrée dans le vestiaire.»

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Therrien amorce une cinquième saison consécutive derrière le banc du Canadien, un plateau significatif dans la LNH où les mandats des entraîneurs sont souvent courts. La patience n'est pas l'attribut principal des organisations, surtout lorsqu'un club sombre dans la médiocrité comme ce fut le cas du CH l'hiver dernier. Geoff Molson a beau miser sur la «stabilité», il exigera aussi des résultats.

Dans ce contexte, Therrien joue gros cette saison. Il ne pourra plus blâmer P.K. Subban après une défaite choquante. Il travaillera aussi sous l'oeil de Price et Weber, qui sont dirigés par Babcock depuis trois semaines. Habile communicateur, proche de ses joueurs et doté d'une forte personnalité, l'entraîneur d'Équipe Canada place la barre très haute pour ses collègues du circuit.

Voilà pourquoi Therrien doit établir une solide ligne de communication avec Price et de Weber. Il devra aussi s'assurer de l'appui de Pacioretty, sûrement ébranlé par la controverse ayant éclaté à son propos il y a deux semaines. De manière concrète et publique, l'entraîneur aura à réitérer sa confiance en lui. Cela enverra au capitaine un signal plus fort que n'importe quelle assurance qu'il a pu lui fournir au cours des derniers jours.

Vendre ses idées plutôt que de les imposer, expliquer ses initiatives - et parfois même les justifier - auprès de ses trois joueurs d'impact, voilà le défi qui attend Michel Therrien cet automne.

On dira que dans le hockey d'aujourd'hui, un coach doit toujours agir ainsi. Ce n'est pas faux. Mais si son auditoire compte deux membres expérimentés comme Price et Weber, profitant d'une crédibilité éprouvée et s'étant distingués sur la scène internationale, ce mandat devient d'une importance cruciale.

Cette saison, Therrien devra montrer une grande capacité d'écoute.

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Avec raison, le départ de P.K. Subban a attristé des milliers de fans du Canadien. Mais soyons réalistes: compte tenu de l'incapacité de ses patrons à gérer des personnalités ne cadrant pas avec leur conservatisme, il ne pouvait plus s'épanouir à Montréal. Alors souhaitons-lui la meilleure des chances à Nashville, où il pourrait remporter la Coupe Stanley plus vite qu'on le pense. Et voyons ce que Weber apportera au Canadien.

Sans montrer la flamboyance de Subban sur la patinoire, Weber personnifie la force tranquille. Sa présence est impressionnante. En entrevue, il fixe son interlocuteur au fond des yeux et attend patiemment la fin de la question avant de répondre.

Au sein de cette Équipe Canada où les meneurs sont nombreux, il est un des plus reconnus. «Chaque leader est différent, dit Weber. Certains se font plus entendre, d'autres donnent l'exemple. Un bon leader reste soi-même, ne force pas la note.»

Quand je lui demande comment il se définit lui-même comme leader, Weber sourit légèrement: «Demande aux autres, je n'aime pas parler de moi-même.»

Tiens, voilà justement John Tavares assis un peu plus loin. Les propos de l'attaquant des Islanders de New York sont toujours intéressants. «Shea est un super gars, vers qui les autres se tournent naturellement, dit-il. Nous le respectons énormément, d'abord comme personne, et bien sûr pour la façon dont il joue au hockey. Il a connu beaucoup de succès et on s'appuie sur lui. On lui fait confiance.»

Si Weber inspire autant les stars d'Équipe Canada, on imagine facilement son impact dans le vestiaire du Canadien.

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Une autre arrivée modifie la donne au sein du CH. Celle de Kirk Muller comme «entraîneur associé», un titre révélateur de son niveau d'influence.

Voilà un homme populaire auprès des joueurs. Ils se tourneront vers lui pour exprimer leurs espoirs, leurs idées ou leurs doutes. Doté d'un bon sens de l'humour, Muller apaisera les inévitables tensions au fil d'une longue saison.

Tous ces changements modifient l'environnement de travail de Therrien. Ils constituent aussi une excellente nouvelle pour lui. Pour autant qu'il accepte d'élargir significativement le cercle décisionnel au sein de son équipe.



L'avenir de Ralph Krueger

Franz Reindl est un passionné de hockey. Il a connu une impressionnante carrière de joueur et d'administrateur en Allemagne, où il dirige aujourd'hui la fédération nationale.

Il y a un an, la LNH et l'Association des joueurs lui ont demandé si le poste de président d'Équipe Europe en vue de la Coupe du monde l'intéressait. «J'ai réfléchi au moins 15 secondes avant d'accepter! lance-t-il. Je me suis senti comme un jeune joueur repêché par un club de la LNH.»

Comme tous les gens associés à Équipe Europe, Reindl affiche une grande fierté ces jours-ci. Il sait combien la présence de son groupe en finale est une énorme surprise. «On voulait montrer où en était le hockey dans le reste de l'Europe», dit-il, heureux du succès éclatant de cette démonstration.

Pour bâtir leur club, Reindl et le DG slovaque Miroslav Satan ne pouvaient compter sur les joueurs des «gros» pays européens de hockey. La Suède, la Finlande, la Russie et la République tchèque alignaient toutes leur propre formation. «Nos joueurs sont heureux d'être en finale, mais ils demeurent affamés! J'ai hâte au premier match.»

Le succès d'Équipe Europe est en partie dû au travail de l'entraîneur Ralph Krueger. On peut croire que plusieurs équipes de la LNH l'ont remarqué. L'ancien entraîneur-chef des Oilers d'Edmonton aurait-il envie de reprendre du service derrière le banc d'une équipe?

«Il ne faut jamais dire jamais dans la vie», répond-il, ajoutant être parfaitement heureux dans son boulot actuel: président du Southampton FC, une équipe de soccer en Premier League anglaise.

Krueger a ajouté avoir beaucoup de choses à accomplir à Southampton. Mais il suffit de l'écouter pour saisir sa passion du hockey. Un homme comme lui aurait tous les atouts pour relancer une équipe ou en bâtir une nouvelle, comme celle de Las Vegas.

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Ralph Krueger, entraîneur-chef de l'équipe européenne