Le défi de choisir un porte-drapeau en vue de la cérémonie de clôture est la plus belle preuve des succès canadiens à Rio. Andre De Grasse, Derek Drouin, Erica Weibe et Penny Oleksiak étaient tous des candidats de choix.

Le défi de choisir un porte-drapeau en vue de la cérémonie de clôture est la plus belle preuve des succès canadiens à Rio. Andre De Grasse, Derek Drouin, Erica Weibe et Penny Oleksiak étaient tous des candidats de choix.

En optant pour Oleksiak, le Comité olympique canadien (COC) ne s'est pas trompé. L'athlète de 16 ans a capté l'imagination du pays tout entier durant la première semaine des Jeux. Les jeunes, notamment, ont été fascinés par ses exploits à la piscine. Son attitude, celle d'une bagarreuse qui nage pour gagner, symbolise aussi le nouveau dynamisme du sport d'élite canadien aux Jeux d'été.

Les quatre médailles remportées par Oleksiak font désormais partie de la légende. On se souviendra longtemps de son sourire en montant sur le podium. Mais curieusement, je n'oublierai pas de sitôt ses yeux rougis après la cinquième place du Canada dans le relais 4 x 100 m quatre nages, au dernier jour des compétitions. Sa peine était immense.

Compte tenu de ses succès, Oleksiak aurait pu mettre cette déception derrière elle dès la fin de la course. Mais en vraie championne, elle a craint d'avoir laissé tomber ses coéquipières. Celles-ci ont dû lui remonter le moral.

Aujourd'hui, Oleksiak est un modèle pour plusieurs jeunes. « C'est un feeling extraordinaire », a-t-elle reconnu, hier.

Gérer son immense succès sera le prochain grand test d'Oleksiak. Le relatif anonymat dans lequel elle a préparé les Jeux de Rio est chose du passé. Et la dure loi du sport augmente les attentes envers elle en vue des Jeux de Tokyo, dans quatre ans.

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Une présidente, Tricia Smith, qui lit avec difficulté quelques phrases en français et un chef de mission, Curt Harnett, qui se contente de l'anglais. Voilà qui n'offrait pas une image très convaincante de la dualité linguistique du Canada, hier, lorsque le COC a dressé son bilan officiel des Jeux de Rio.

Isabelle Charest, chef de mission adjointe, a heureusement offert un contrepoids à cette situation regrettable.

Mais son éloquence - elle a été magnifique en commentant la performance de nos athlètes - n'a pas caché l'essentiel: le français occupe une place fragile au sommet de la hiérarchie du COC.

Après cette conférence de presse, j'ai abordé la question avec Tricia Smith. Reconnaissons-lui son mérite: elle ne s'est pas mis la tête dans le sable. «Le français est une priorité majeure pour moi», a-t-elle cependant assuré, précisant suivre des cours qui, espère-t-elle, lui permettront de retrouver les notions acquises pendant l'enfance.

En attendant ce jour, Tricia Smith précise ceci: «Le plus important, ce sont nos athlètes. Et on s'assure qu'ils ressentent constamment un appui dans les deux langues officielles, et cela, sur tous les plans: médical, technique, missions à l'étranger... Notre rôle est également de promouvoir les valeurs olympiques au pays et, là aussi, on le fait dans les deux langues.»

La présidente du COC ajoute que le bureau montréalais du COC est là pour rester. «Je suis très fière de notre équipe de Montréal, ajoute-t-elle. Ils représentent environ la moitié de nos employés. Et la presque totalité d'entre eux sont bilingues.»

D'autres gens bilingues occupent des postes importants, précise le COC. Parmi eux, Eric Myles (directeur exécutif du sport), Derek Kent (chef du marketing), Derek Convington (directeur des services aux équipes), Andrew Baker (préparation en vue des Jeux d'hiver de 2018) et Carla Anderson (préparation des Jeux de Rio). Sans compter les plus hauts responsables du service des communications.

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Apprendre le français. On ne compte plus les athlètes et les entraîneurs travaillant au Québec qui ont fait cette promesse si rarement tenue.

Tricia Smith, qui préside un organisme national représentant des centaines de sportifs francophones, sera-t-elle une rare exception à la règle? Chose certaine, si elle apprend à se débrouiller en français aussi rapidement qu'elle gravit les échelons du sport international, nous pourrions être surpris.

L'ascension de cette avocate de Vancouver est en effet fulgurante. L'automne dernier, à la suite du scandale impliquant Marcel Aubut, elle a accédé à la tête du COC, un organisme alors en pleine crise.

Dix mois plus tard, Tricia Smith, qui est aussi vice-présidente de la Fédération internationale d'aviron, est solidement aux commandes. Ce n'est pas tout: Thomas Bach, président du Comité international olympique (CIO), l'a invitée à devenir membre de cette institution. C'est à Rio, peu avant le début des Jeux, qu'elle a fait son entrée dans ce cénacle.

Aujourd'hui, si on dressait la liste des personnalités les plus influentes dans le sport au Canada, le nom de Tricia Smith serait en lice pour occuper le sommet du classement.

«C'est important que des Canadiens soient présents à ces tables internationales où les décisions sont prises, dit-elle. Nous respectons la règle de droit, sommes équitables et faisons preuve de transparence dans notre gouvernance.»

On suivra avec attention comment Tricia Smith évoluera dans son rôle de présidente du COC au cours des prochains mois. Pour l'instant, elle semble préférer l'arrière-scène, manifestement plus à l'aise dans la gestion quotidienne que derrière un micro. Il faudra aussi voir si Thomas Bach, président du CIO, lui confiera des mandats importants. Et si, au milieu de cet horaire chargé, elle apprendra vraiment le français.

La présidente du COC doit être capable de prendre, sans filtre, le pouls du sport olympique au Québec. Et pour cela, parler aux athlètes francophones dans leur langue est essentiel.

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J'ai quitté pour la dernière fois le Parc olympique de Rio en début de soirée hier. Il pleuvait et ventait fort. En montant dans la navette me ramenant à Copacabana, je me suis demandé quel regard les Brésiliens jetteront sur ces Jeux dans quelques mois.

Sur le plan sportif, leurs athlètes ont obtenu un succès inattendu avec une récolte de 19 médailles, dont 7 d'or. Et le comité organisateur a rempli ses promessses. Mais tous ces investissements pour accueillir le monde durant trois semaines ont-ils valu la peine?

Samedi, Thomas Bach soutenait que l'héritage des Jeux était unique. Et que les infrastructures construites pour l'occasion hausseraient la qualité de vie des Cariocas.

«Le métro n'a pas été bâti pour 17 jours, a lancé le président du CIO. Et les prochaines générations profiteront du nouveau système de bus rapides et de la route entre Barra et Deodoro. Des milliers d'emplois ont été créés dans l'industrie du tourisme. Les Jeux ont agi comme catalyseur pour le développement de Rio, où il n'y avait pas eu de véritables investissements depuis que Brasilia est devenue la capitale du Brésil, il y a des décennies. Imaginez où Rio en serait si cela s'était poursuivi.»

Personne ne s'étonnera que le président du CIO s'exprime ainsi. Mais pour lui, l'épisode Rio est déjà chose du passé. La visite repartie, ce sera aux Cariocas de décider si le projet en a vraiment valu la peine.