Au Québec, les mots « toit du stade » font frémir. Ils rappellent de douloureux souvenirs : facture colossale, problèmes techniques, perforation...

Tenez, plus de 40 ans après la mise en chantier du complexe olympique, le feuilleton de la toiture se poursuit. Le dossier est si radioactif qu'aucun gouvernement du Québec n'a eu le courage de le régler depuis la déchirure de la toile en 1999.

Dans ce contexte, discuter d'un toit pour un éventuel stade de baseball au centre-ville est une entreprise hasardeuse. Mais si le retour des Expos se concrétise, il faudra examiner cette question.

Rob Manfred, le commissaire du baseball, ne cache plus l'intérêt des ligues majeures pour Montréal. L'expansion deviendra sans doute son principal chantier après le renouvellement de la convention collective, qui expire le 1er décembre prochain. Et selon les propos de Stephen Bronfman en avril dernier, dénicher les investisseurs prêts à acheter une concession ne sera pas un problème.

Reste l'épineux dossier de la demeure de l'équipe. Des lecteurs suggéreront un retour au Stade olympique. En tout respect, oublions ce scénario. Le baseball majeur ne l'acceptera jamais sauf, au besoin, comme solution temporaire durant la construction d'une nouvelle installation.

Les stades d'aujourd'hui, intimistes et dotés de gazon naturel, sont construits afin de maximiser les revenus: loges d'entreprise attrayantes, sièges de luxe, offre de restauration étoffée... Leur cachet chaleureux, ainsi que l'environnement immédiat, font partie de l'expérience d'assister à un match. Le plus souvent, ils voisinent le quartier des affaires.

Denis Coderre le comprend très bien. Il sait que sans nouveau stade, le projet sera caduc.

Le maire devine aussi que le débat à propos de cette nouvelle infrastructure, surtout si une quelconque aide gouvernementale est sollicitée, sera très chaud. Voilà pourquoi il tempère déjà les choses en rappelant que pareil appui peut prendre des formes diverses. La subvention directe, comme ce fut le cas pour le nouvel amphithéâtre de Québec, est à écarter.

***

Un éventuel retour des Expos serait-il couronné de succès? Le partage des revenus dans le baseball majeur, beaucoup plus généreux que celui en vigueur à l'époque où les Z'Amours ont quitté Montréal, permet l'optimisme. Les équipes touchent aujourd'hui plus de 60 millions US par année à ce chapitre.

Cela dit, il faudra aussi qu'un toit rétractable chapeaute le nouveau stade. Sinon, l'équipe ne pourra s'épanouir.

Peut-on ainsi imaginer une structure trois saisons n'ayant pas à supporter le poids de la neige durant l'hiver? Le but de cette toile serait de protéger les amateurs de la pluie, du vent et du froid durant la saison de baseball, d'avril à octobre. Elle serait enroulée le reste de l'année.

Pourquoi ce toit serait-il essentiel? Notre température printanière fournit la réponse. Cette année encore, les soirées fraîches et pluvieuses, désagréables pour un match de baseball, ont été nombreuses. 

Même juin est en dents de scie. Pensez au déluge de dimanche dernier lors du Tour de l'Île; au froid et à la pluie persistante, mercredi soir, durant le match de championnat canadien de l'Impact; et au maximum de 16°C annoncé pour le Grand Prix du Canada dimanche.

Dans ces circonstances, combien d'amateurs iraient encourager les Expos lors d'une rencontre sans enjeu particulier? Or, si on vise un petit stade de 36 000 places, et que les assistances sont faibles durant la plupart des 25 premières rencontres, il sera impossible de combler ce déficit par la suite. Surtout si l'équipe est à 15 matchs de la tête en septembre.

L'exemple des Blue Jays de Toronto est probant. Ils évoluent dans un stade au centre-ville, doté d'un toit rétractable. Leur moyenne d'assistance cette saison: plus de 36 000 personnes par match. Leurs succès de l'an dernier expliquent en partie ce chiffre élevé. Mais aussi la certitude que les amateurs assisteront à la rencontre dans des conditions parfaites, même si le printemps est maussade.

Cette saison, les Blue Jays ont d'ailleurs joué leurs 22 premiers matchs sous un toit fermé. Ce n'est que le 27 mai, contre les Red Sox de Boston, qu'on l'a ouvert une première fois.

Un toit rétractable offrirait d'autres avantages: les amateurs de l'extérieur du Grand Montréal feraient leurs projets d'excursion dans la sérénité, sachant que les matchs seraient présentés.

La vente d'abonnements saisonniers corporatifs serait aussi meilleure. Les entreprises auraient l'assurance que leurs clients assisteraient aux rencontres en plein air les beaux jours, mais protégés du mauvais temps dans le cas contraire.

***

Combien coûterait un toit semblable? Sans doute moins que la toiture fixe envisagée par la Régie des installations olympiques pour son stade. Le nouveau temple du baseball serait moins massif et d'une architecture plus simple.

Même si ce projet ajoutait 150 millions à la facture, il éliminerait la lourde hypothèque «météo» du plan d'affaires, un atout qui générerait d'importants revenus supplémentaires saison après saison.

Dans l'étude de faisabilité concernant le retour des Expos déposée en décembre 2013, l'idée d'un toit rétractable est malheureusement écartée d'emblée.

On soutient que la température au Minnesota est semblable à celle de Montréal et que le nouveau stade des Twins est à ciel ouvert. L'exemple de Toronto me semble plus convaincant. Le document évoque aussi les craintes des Québécois à propos des toits rétractables. Le cas du Stade olympique est pourtant l'exception plutôt que la règle en Amérique du Nord.

Si, comme semble le croire le maire Coderre, le projet de retour des Expos se confirme, ses promoteurs feraient une erreur en ne dotant pas le nouveau stade d'un toit rétractable. Même si cela augmente leur facture.