L'heure était à la modestie au sein de la direction du Canadien, lundi. Vêtus de costumes sombres, la mine grave et le ton solennel, Geoff Molson, Marc Bergevin et Michel Therrien ont assuré avoir tiré des leçons de la dégringolade de l'équipe cette saison.

«J'ai appris beaucoup, a dit le directeur général. Il n'y a aucune garantie dans notre business, même avec le début de saison qu'on a eu. C'est une ligue difficile, il faut être humble. Et ne rien prendre pour acquis. Je le savais déjà, mais c'est encore plus clair aujourd'hui.»

Il faut évidemment saluer cette évolution dans le cheminement personnel. Mais ce constat modifiera-t-il les décisions de Bergevin? Ne parions pas là-dessus! Car dans son esprit, un élément explique d'abord et avant tout cette descente aux enfers: «Avec un Carey Price en santé, nous ne sommes pas assis ici aujourd'hui», a-t-il lancé 44 minutes après le début du point de presse.

Voilà le véritable regard de la direction du Canadien sur cette saison misérable. Bien sûr, personne ne niera l'effet dévastateur de la blessure du numéro 31 sur les troupes. Sauf que Bergevin oublie trop commodément qu'un club mieux équilibré n'aurait pas sombré de la sorte.

Le Canadien a besoin de renfort. C'était d'ailleurs le cas dès l'été dernier, quand les lacunes offensives de l'équipe sont apparues évidentes dans la série contre le Lightning de Tampa Bay. Bergevin n'a pas agi de manière significative pour corriger la situation.

Mais si on se fie à ses propos de lundi, cette approche prudente ne changera pas. Pas question, a-t-il dit, de «tout virer à l'envers».

Obtenir un marqueur de premier plan? Ces gars-là ne sont presque jamais disponibles, a-t-il expliqué. Le marché des joueurs autonomes? Ils ont le choix entre tellement de villes, vous savez... Une transaction majeure? Son principe est clair: l'équipe ne progressera pas en comblant un besoin si elle en crée un ailleurs.

Reste donc le repêchage. Sauf qu'un autre problème surgit: le Canadien participe habituellement aux séries, il sélectionne donc en deuxième moitié de premier tour. À ce moment, a dit Bergevin, les joueurs d'impact sont déjà choisis: «Tu deviens victime de ton succès...»

Bon, d'accord, mais cette année, ce sera mieux, non? À moins d'être bousculé dans un sens ou l'autre à la loterie, le Canadien s'exprimera au neuvième rang. «On devrait obtenir un bon joueur, mais sans doute pas un gars qui peut nous aider dès la saison prochaine», a tempéré le DG.

Tout cela vous rend-il optimiste pour la suite des choses? Moi non plus! J'ai alors demandé à Bergevin si le CH devait se contenter d'être une bonne équipe, certes, mais incapable de participer un jour à la finale de la Coupe Stanley. Après tout, si les choix au repêchage sont trop tardifs, si une «grosse» transaction apporte autant de problèmes qu'elle en règle, et si offrir un contrat à un joueur autonome de premier plan comporte des risques inutiles, on fait quoi?

Réponse du DG: «Si tu participes aux séries, tu as une chance d'aller loin. Bien des équipes peuvent gagner cette année: Washington, Pittsburgh, Chicago, Los Angeles, ça peut être n'importe qui. Moi, je crois vraiment que si tu amorces les séries en santé, et que tu alignes un bon gardien de but comme Carey, tout est possible. C'est arrivé avec Patrick Roy lors de la dernière Coupe à Montréal. C'est encore possible.»

Le plan de Bergevin est simple. Il s'appelle Carey Price.

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Et P.K. Subban, dans tout ça? S'il n'est pas un intouchable («Même Wayne Gretzky a été échangé», a rappelé Bergevin), le Canadien ne semble pas envisager de s'en défaire. Heureusement, d'ailleurs. Car les joueurs de sa dimension sont rares dans la LNH.

Cela dit, les relations de Subban avec les autres membres de l'équipe sont-elles optimales? Le choix de Max Pacioretty comme candidat de l'équipe au trophée King-Clancy, qui souligne notamment l'engagement communautaire, en fait douter. Ce vote des joueurs a donné du poids aux rumeurs voulant que Subban ne fasse pas l'unanimité dans le vestiaire, puisqu'il est survenu après son remarquable engagement envers la Fondation de l'Hôpital de Montréal pour enfants.

«Est-ce que P.K. est apprécié de ses coéquipiers? Je le crois», a dit le DG, que j'ai souvent entendu plus affirmatif. Il a ensuite expliqué que les relations au sein d'un vestiaire n'étaient pas nécessairement au beau fixe durant toute une saison.

«Je ne vois pas ça comme un problème. Ce sont des joueurs qui veulent gagner et qui ont de la passion. On a passé une période difficile cette année. C'est comme si tu vas en vacances avec ta famille: s'il fait chaud et que l'air climatisé ne fonctionne pas, tu vas te chicaner un peu plus!»

«Quant au King-Clancy, P.K. fait beaucoup pour notre communauté, a-t-il poursuivi. Les joueurs le savent. Ils ont voulu montrer à Max qu'ils l'appréciaient aussi. Ce n'était pas contre P.K., mais pour montrer à Max qu'ils l'appuyaient aussi.»

De cette réponse habile mais peu convaincante, je retiens surtout le désir de Bergevin de ne pas mettre de l'huile sur le feu. Il espère sûrement que le retour de Price, authentique leader de l'équipe, ramène cette harmonie ayant permis au Canadien d'atteindre la demi-finale de la Coupe Stanley en 2014.

Décidément, Price en aura lourd sur les épaules en septembre.

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Faut-il s'étonner de l'appui indéfectible de Geoff Molson à Marc Bergevin et Michel Therrien? Non! Dès le printemps 2012, le président du Canadien a indiqué être à la recherche de «stabilité» dans le secteur hockey. Une seule saison de misère ne l'a pas fait déroger à son plan. En revanche, une deuxième d'affilée changerait sûrement se perception, ne serait-ce qu'en raison de l'impatience des fans.

Pour éviter ce scénario, la direction devra tirer de véritables leçons des derniers mois. Affirmer  avoir beaucoup appris», c'est très bien. Mais qu'ont-ils appris, au juste? La réponse à cette question n'est pas claire.

Espérons à tout le moins que le DG a saisi l'importance de connaître un meilleur été que l'an dernier. Sinon, la prochaine saison risque de nous laisser sur notre appétit.