Le moment creux du calendrier 2015 ? Richard Legendre, vice-président de l'Impact, s'en souvient trop bien. Un soir de juin, à peine 10 000 spectateurs ont franchi les portes du stade Saputo lors d'une visite des Whitecaps de Vancouver. À sa quatrième saison en Major League Soccer (MLS), l'équipe ne s'attendait pas à une foule si modeste.

Neuf mois plus tard, ce mauvais souvenir laisse place à l'optimisme. Les abonnements saisonniers atteindront le cap des 9000, un sommet dans l'histoire de l'organisation. Les ventes de billets de groupe sont prometteuses. Et la couverture de presse, mesurée par des spécialistes, indique que les médias s'intéressent beaucoup plus à l'équipe qu'à la même époque l'an dernier.

En clair, l'«effet Drogba» opère à fond. Le feuilleton hivernal à propos de son avenir a rappelé les difficultés de composer avec une star internationale. Mais lorsque les choses tombent correctement en place, comme ce fut le cas dans cette histoire, les retombées positives éclipsent tout le reste. Après tout, un peu de controverse n'a jamais fait de mal à une organisation en quête de visibilité.

Au-delà de cette affaire, Legendre croit fermement que la percée de l'Impact dans notre paysage sportif survivra au départ de Drogba au terme de la saison 2016.

«Nous amorçons une année importante et prometteuse, dit-il. Les billets de saison sont une manière de mesurer notre enracinement. Leur nombre témoigne de l'engagement des gens.»

«S'ils croient en l'équipe, s'ils vivent de bons moments au cours des prochains mois, ils continueront de nous appuyer.»

En revanche, pour l'Impact, rien n'est jamais facile. Tenez, si Drogba avait été du match d'ouverture locale samedi prochain au Stade olympique, des milliers de billets supplémentaires auraient été vendus. Mais puisqu'il évite les surfaces synthétiques, la foule devrait se situer entre 25 000 et 30 000 spectateurs. Un beau chiffre, bien sûr. Mais, à moins d'une poussée la semaine prochaine, pas l'enceinte pleine qui aurait transformé ces retrouvailles en gigantesque party.

Drogba a cependant raison de s'éclipser pour quatre des cinq premiers matchs de la saison. Les terrains artificiels reposent sur une base de béton. Pourquoi risquer une blessure susceptible de compromettre sa saison?

L'attaquant ivoirien, qui a subi une légère intervention au ménisque avant son arrivée à Montréal l'été dernier, célébrera ses 38 ans la semaine prochaine, ne l'oublions pas. À la fin des dernières séries éliminatoires, il n'avait plus son élan habituel. Gérer adéquatement son temps de jeu en 2016 est essentiel. Ne soyons pas surpris si on lui accorde d'autres congés durant la saison.

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Le mois dernier, en rejoignant ses coéquipiers en Floride, Drogba a refusé de répondre aux questions des journalistes l'attendant à son hôtel. Et le lendemain, il s'est contenté d'un bref point de presse.

Compte tenu de l'intérêt suscité par son flirt avec Chelsea, Drogba aurait dû montrer plus d'ouverture. Car son attitude a soulevé des doutes sur son état d'esprit: était-il heureux de reprendre du service?

Jeudi, Drogba a enfin fait le point de manière complète. «À partir du moment où je suis là, j'aimerais que les choses soient claires: je suis là pour jouer et pour gagner. Avec mes coéquipiers, on fera tout ce qu'il faut pour faire mieux que l'année dernière. Et voilà, c'est aussi simple que ça.»

Drogba a ainsi pris un engagement clair: il évoluera toute la saison à Montréal. Cela a sûrement rassuré les dirigeants de l'Impact. Car même si l'attaquant vedette a minimisé les événements des derniers mois, expliquant que ces rebondissements étaient habituels dans le football de haut niveau, Joey Saputo ne les a manifestement pas vécus comme le train-train quotidien.

D'une part, il n'a jamais vu le coup venir. D'autre part, comment remplacer à si brève échéance un joueur de sa dimension, connu et apprécié du public? Pour l'organisation, le départ de Drogba aurait été une catastrophe. Si le numéro 11 n'était pas rentré au bercail, l'ambiance serait nettement plus feutrée aujourd'hui.

Malgré les pressions de Chelsea, une équipe mythique en Europe, l'Impact et la MLS ont fait respecter leurs droits. La réussite est exceptionnelle. Au début de janvier, l'Impact ne croyait presque plus en cette tournure des événements.

Drogba semble heureusement avoir tourné la page sur cet épisode. Son retour à Chelsea pourra attendre quelques mois. Les meilleurs athlètes professionnels ont cette faculté de mettre rapidement les déceptions derrière eux. C'est la seule façon de durer dans une carrière qui, inévitablement, comportera son lot de contrariétés.

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Les relations avec les journalistes ont constitué un moment intéressant du point de presse de Drogba. D'un côté, les médias souhaitent - avec raison - lui parler plus souvent. On aimerait qu'il ne réponde pas aux questions uniquement après les matchs, mais aussi certains jours d'entraînement.

Drogba ne voit pas les choses ainsi: «J'ai été habitué à une culture en Europe où un joueur est désigné pour le point de presse. On ne s'exprime pas tous les jours. Il faut avoir quelque chose à dire. Sinon, on va parler de quoi?»

Un homme éloquent comme Drogba pourrait évidemment traiter de nombreux sujets intéressants. Je suis convaincu qu'il ne se limiterait pas aux clichés d'usage.

Son opinion est néanmoins révélatrice des différences d'attitude en Europe et en Amérique du Nord. L'Impact et la MLS comptent sur lui pour donner du retentissement au soccer en Amérique du Nord. Ses exploits sur le terrain sont la meilleure façon de relever ce défi. Mais une prise de parole plus fréquente n'est pas un élément à négliger.

Cela dit, la saison 2016 de l'Impact promet d'être la plus captivante depuis l'entrée de l'équipe en MLS.

Après les lourds moments d'inquiétude de l'hiver, avouons que ce n'est pas banal! Ça commence demain, à Vancouver.