Si Marc Bergevin semble aujourd'hui coincé, incapable de réaliser une transaction significative sans surpayer en retour, il en est le principal responsable.

Bien sûr, la blessure de Carey Price a bousculé les plans du DG du Canadien. On a beau dire qu'une malchance pareille fait partie du sport, aucune organisation ne sort indemne de la perte prolongée de son meilleur joueur. On peut compenser son absence durant quelques matchs, mais sur une plus longue période, les contrecoups sont inévitables.

En revanche, le manque de punch offensif au sein des deux premiers trios n'est pas un problème récent. Il est connu depuis la fin des dernières séries éliminatoires. En près de sept mois, Bergevin n'a pas corrigé cette lacune évidente. Dommage.

Le début de saison du CH - neuf victoires d'affilée - a aussi brouillé les cartes. Devant ce succès inespéré, l'organisation a semblé oublier que l'étonnant apport offensif des joueurs de soutien était un phénomène passager. Et que la réalité reprendrait ses droits.

Aujourd'hui, au moment où le Canadien dégringole au classement, l'avenir de Michel Therrien alimente les conversations. Je ne m'en étonne pas, puisque c'est la norme lorsqu'une équipe piétine. Mais j'estime la situation injuste pour lui.

Disons les choses franchement: Michel Therrien connaît une meilleure saison que son patron. Oui, ses joueurs commettent des erreurs. Et lui-même prend parfois des décisions contestables. Mais dans un contexte difficile, son équipe se bat avec vigueur.

Un exemple: après deux revers crève-coeur contre les Penguins de Pittsburgh et les Blackhawks de Chicago au Centre Bell, le Canadien a disputé un match inspiré à St. Louis, samedi. On n'a certainement pas vu un club ayant abandonné son entraîneur, comme les Penguins en ont souvent donné l'impression avant le renvoi de Mike Johnston en décembre dernier. Le Canadien a été moins convaincant 24 heures plus tard à Chicago, mais le talent des deux équipes ne se compare pas.

Alors pourquoi remplacerait-on Therrien? Croit-on vraiment que l'équipe rebondirait en confiant les clés de la maison à Guy Boucher? Ou en demandant à Sylvain Lefebvre, Jean-Jacques Daigneault ou Dan Lacroix d'assumer l'intérim jusqu'au printemps?

Penser ainsi, c'est rêver en couleur. Un nouvel entraîneur ne renforcera pas la ligne de centre et ne corrigera pas le manque de punch sur les ailes.

De plus, quelle est la dernière fois où un changement d'entraîneur en pleine saison a été utile au Canadien? Randy Cunneyworth a-t-il fait mieux que Jacques Martin en 2011-2012? Bob Gainey a-t-il fait oublier Guy Carbonneau en 2008-2009? Bien sûr que non!

En fait, il faut remonter en 1984, lorsque Jacques Lemaire a succédé à Bob Berry, pour qu'une décision semblable profite réellement à l'organisation. Mais le contexte était différent. Berry avait perdu tous ses moyens et Lemaire était beaucoup mieux armé pour relever le défi.

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Bergevin traverse sa première crise depuis son arrivée à la tête du Canadien. Comme bien des DG avant lui, il a surévalué son équipe. S'il tire les bonnes leçons de cet épisode, il en sortira grandi et mieux armé pour l'avenir.

Mais pour l'instant, il doit redresser la barque avant que la dérive ne soit complète. Conclure une transaction ne sera pas facile, puisque ses homologues l'attendent avec une brique et un fanal. Le Canadien est dans le pétrin et tout le monde le sait dans la LNH.

En tardant à reconnaître le sérieux des difficultés de son équipe, en croyant au simple accident de parcours, Marc Bergevin a raté l'occasion de conclure une transaction à des conditions plus avantageuses.

Aujourd'hui, pour obtenir de l'aide, il devra payer un prix majoré. Connaissant la valeur qu'il accorde aux choix au repêchage et aux jeunes joueurs faisant leurs classes dans les circuits inférieurs, il est clair que cela lui fera mal au coeur. Mais a-t-il vraiment le choix?

À moins qu'il choisisse la patience en attendant le retour de Carey Price. S'il estime que ses homologues veulent le dévaliser plutôt que de conclure une transaction équitable, ce scénario n'est pas à écarter. Après tout, il ne reste que quatre matchs au Canadien avant la pause du match des Étoiles, dont trois contre Columbus et Toronto, des équipes sans relief.

Si le CH sauve les meubles en remportant deux ou trois victoires et que Price revient au début de février, la pression baissera. Et Bergevin sera alors en meilleure position pour conclure une transaction à la date limite du 29 février. C'est plus facile de transiger dans cette période d'effervescence, où toutes les organisations sont sur le qui-vive. Mais pour que ce scénario fonctionne, le Canadien devra encore être dans la course aux séries à ce moment. Gros pari.

Lundi, des rumeurs ont couru à propos de l'acquisition de Jonathan Drouin. Ce serait formidable d'acquérir un espoir de cette dimension à Montréal, même s'il est improbable que le Lightning de Tampa Bay l'échange à un concurrent direct. Mais si cela se produit, n'oublions pas qu'un joueur de 20 ans ayant réussi 6 buts en 89 matchs dans la LNH constitue un projet d'avenir, pas une solution aux problèmes actuels de l'équipe.

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En embauchant Bergevin, Geoff Molson lui a demandé d'apporter de la stabilité à l'organisation. Je vois mal le DG déroger à ce plan et congédier Therrien dès maintenant. Le constat d'échec serait précipité et malavisé.

Le Canadien va mal et les amateurs s'impatientent avec raison. Mais céder à la panique ne donnera aucun résultat. Il reste du temps pour sauver cette saison. Cela dit, les événements des dernières semaines constituent un vif rappel à l'ordre. Dans la LNH, il ne faut jamais rien tenir pour acquis.

Le combat de Tinordi

Guy Carbonneau a entièrement raison de reprocher au Canadien son utilisation de Jarred Tinordi. «On ne lui a pas donné sa chance», a dit Carbo, dimanche, à RDS. Ce commentaire incisif m'a rappelé les années où il jouait. L'ex-numéro 21 livrait directement le fond de sa pensée.

En écoutant l'ancien capitaine, j'ai pensé à ces nombreux allers-retours entre Hamilton et Montréal imposés à Tinordi au cours des dernières saisons. Difficile de se faire justice dans les circonstances.

Cela dit, est-ce un hasard si Tinordi n'a pas progressé depuis la terrible droite qu'il a encaissée dans un combat survenu il y a un an dans la Ligue américaine?

Je m'étais alors interrogé sur l'impact de ce coup dévastateur sur la suite de sa carrière, craignant qu'il ne laisse des traces négatives. Souvenez-vous: un joueur comme Mike Komisarek ne s'est jamais entièrement remis d'une bagarre contre Milan Lujic.

Souhaitons que ce ne soit pas le cas et que Tinordi montre son véritable potentiel à Phoenix. À tout le moins, le changement d'air lui fera du bien.

Photo André Pichette, archives La Presse

Jarred Tinordi