Il suffit de décoder un peu les déclarations de Michel Therrien et de ses joueurs pour comprendre un élément fondamental de cette série: malgré son réel respect pour le Lightning, et ce déficit de trois matchs à un, le Canadien croit profondément en ses chances.

Voilà pourquoi on peut s'attendre à une performance endiablée du CH, samedi soir, au Centre Bell. À tort ou à raison, l'équipe estime que ses rivaux ont profité de rebonds favorables, depuis le début des hostilités.

Le Lightning a arraché une victoire en double prolongation en lever de rideau et une autre dans la dernière seconde du troisième match. Des gains serrés qui font croire au Canadien qu'un retour du balancier est presque inévitable, si le groupe maintient son niveau d'énergie.

À l'évidence, les joueurs n'éprouvent aucun complexe face à leurs adversaires. Plusieurs d'entre eux l'ont d'ailleurs répété: ils ont été les meilleurs à cinq contre cinq.

Comment expliquer cette attitude frondeuse? Le transfert du leadership fournit en bonne partie la réponse. Deux des meneurs du CH sont des gars qui croient en eux, capables de jouer du gros hockey sous pression et d'exprimer franchement leur opinion: P.K. Subban et Max Pacioretty.

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L'automne dernier, plutôt que de nommer un capitaine, Marc Bergevin et Michel Therrien ont composé un groupe de cinq leaders. En plus du 76 et du 67, on y retrouve Carey Price, Andrei Markov et Tomas Plekanec.

Le gardien demeure le socle de l'équipe. Pour que l'équipe retourne disputer un sixième match à Tampa mardi, il devra livrer un autre fort match samedi soir.

Price n'est cependant pas du style à s'imposer par la parole, hormis de rares exceptions, inévitablement remarquées. Son intervention clé, avant la dernière période du match décisif à Boston l'an dernier, ne sera pas oubliée de sitôt.

En revanche, l'impact des deux aînés est moins marqué ce printemps. Même s'il joue encore de longues minutes malgré ses 36 ans, Markov a perdu de son mordant. Quant à Plekanec, il est moins efficace en attaque comme en défense. Et sur le plan personnel, les deux hommes sont discrets.

Le leadership a manifestement glissé vers des joueurs dans la vingtaine. Pour rameuter les troupes sur une base quotidienne, le Canadien s'appuie sur Subban et Pacioretty. Dans un style complètement différent, ils sont d'ailleurs plutôt impressionnants à ce chapitre.

Il fallait les entendre dans le vestiaire de l'équipe après le revers crève-coeur de mercredi, un match où le Canadien a dominé les 40 dernières minutes de jeu. Pas d'apitoiement, pas de regrets, pas de tête basse.

Les deux jeunes vétérans ont plutôt proposé leur recette pour que l'équipe retrouve le sentier de la victoire. Bien sûr, leur discours contenait quelques clichés. Mais leur ton et leur attitude traduisaient leur sincérité. Ces deux gars-là croyaient vraiment à un renversement de tendance.

Vingt-quatre heures plus tard, cette fois après une convaincante victoire de 6-2, ils se sont vite projetés dans le cinquième match, au Centre Bell. En les écoutant, j'ai eu l'impression que si on leur avait proposé de le disputer sur-le-champ, ils n'auraient pas hésité une seule seconde.

En verve, Subban a aussi analysé franchement les choses. «Marquer une couple de buts en première période nous a permis de respirer, spécialement notre gardien et nos défenseurs. Quand tu essaies de gagner tous tes matchs 1-0, c'est dur, man. À chaque présence, tu veux éviter les erreurs. Aujourd'hui, les buts nous ont aidés à reprendre confiance en nous.»

Subban a aussi dit des choses intéressantes à propos du but des siens en avantage numérique, un quasi-miracle pour une équipe qui en arrache autant à ce chapitre.

«On n'était pas stagnants, on bougeait. Si ton attaque massive ressemble à la statue de la Liberté, tu n'auras pas beaucoup de chances de marquer dans cette ligue. Tes rivaux bloqueront les lignes de tir et liront ton jeu. Il faut plutôt créer du mouvement et les forcer à prendre des décisions.»

Plus loin, Pacioretty a ouvert une fenêtre sur l'approche du Canadien durant ce match. «On avait le bon état d'esprit. On avait le dos contre le mur, on n'avait rien à perdre et on a tout donné. Tout le monde doit contribuer, et c'est ce qu'on a vu.»

Le grand ailier a aussi rappelé qu'au printemps dernier, le Canadien a remporté trois matchs où il a fait face à l'élimination: deux contre les Bruins et un contre les Rangers. «On a de l'expérience dans ce genre de situation, on sait ce qu'il faut faire pour gagner».

Subban, qui joue en moyenne plus de 27 minutes par match, et Pacioretty, qui semble avoir retrouvé la forme après sa blessure de fin de saison, seront d'attaque samedi soir. Tout comme Brendan Gallagher.

Ces séries rappellent en effet combien le petit numéro 11 est un joueur hors du commun. Dans les faits, il est déjà un leader du Canadien. Son acharnement et son intrépidité sur la patinoire apportent une dimension unique à l'équipe.

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Alors, y croyez-vous? Le Canadien peut-il, pour la première fois de son histoire, combler un déficit de trois matchs à zéro?

La question est délicate. Le gouffre dans lequel l'équipe se trouve demeure profond. Mais le Lightning n'a pas été impressionnant dans les deux matchs à Tampa. On a senti une jeune équipe ahurie par un nouveau défi: la gestion du succès. On verra si l'entraîneur Jon Cooper résoudra ce problème.

Cela dit, si le Canadien joue avec la même liberté que jeudi, il y aura un sixième match à Tampa mardi. Pour l'instant, inutile d'essayer de voir plus loin.