Carey Price a reçu mille compliments cette saison. Son jeu brillant devant le filet du Canadien, son calme et sa maîtrise font l'unanimité. Non seulement devrait-il remporter le titre de meilleur gardien de la LNH, mais encore il est un candidat sérieux à l'obtention du trophée Hart, remis au joueur le plus utile à son équipe.

Chose sûre, si le gagnant était sélectionné par Marc Bergevin, l'affaire serait déjà entendue. En deux phrases simples, il résume ainsi son raisonnement: «La Ligue nationale est la meilleure ligue au monde. Et, selon moi, Carey est le meilleur joueur de la ligue cette saison.»

Le DG du Canadien rappelle que le circuit compte plusieurs hockeyeurs de premier plan comme, par exemple, Ryan Getzlaf, des Ducks d'Anaheim.

«Je suis certain que si Bob Murray était assis ici, il dirait la même chose à propos de son joueur», ajoute Bergevin, en évoquant son homologue des Ducks.

«Mais moi, c'est Carey que je vois jouer à tous les soirs. Et ce qu'il donne à notre équipe est unique. Il joue à la position la plus importante et ses performances, match après match, sont exceptionnelles. C'est la marque d'un joueur élite. Ces gars-là ne brillent pas durant 20 ou 40 matchs, mais toute l'année.»

La conclusion de Bergevin est claire: «Aujourd'hui, à mon avis, Carey Price est le meilleur joueur au monde», lance-t-il avec conviction.

Vêtu d'un complet sombre tranchant avec son style vestimentaire habituel, Bergevin est dans un salon du Centre Bell, à deux pas du vestiaire du Canadien. C'est jour de prise de la photo d'équipe, une occasion formelle annonçant le début prochain des séries éliminatoires.

Le fait que Price obtienne autant de succès dans une ville folle de hockey impressionne Bergevin. Les projecteurs sont constamment braqués sur le Canadien. Et le gardien est au centre de cette attention.

«C'est la position où il faut le plus de temps pour acquérir la maturité nécessaire au succès», indique Bergevin, rappelant que Price est maintenant âgé de 27 ans.

«Les défenseurs, les centres et les ailiers suivent dans cet ordre. Pourquoi? C'est une question de responsabilités sur la patinoire. L'erreur d'un défenseur donne à l'adversaire une chance de marquer; et celle d'un gardien coûte un but. Il faut disputer beaucoup de matchs pour bien composer avec cette situation.»

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Après l'élimination du Canadien au printemps 2013, Carey Price a expliqué combien des aspects de la vie à Montréal lui pesaient. «Je m'ennuie de l'anonymat, avait-il dit. Je ne sors plus faire l'épicerie. Je ne fais presque plus rien, en vérité. Je suis comme un Hobbit dans son trou.»

Afin de désamorcer la situation, Marc Bergevin avait utilisé son sens de l'humour: «J'irai faire les courses à sa place!»

Mais au-delà de la blague, le DG savait que son gardien avait besoin d'aide pour s'épanouir devant le filet du Canadien. Il posa alors deux gestes.

D'abord, il a eu une bonne conversation avec Price; ensuite, il a embauché Stéphane Waite, jusque-là entraîneur des gardiens des Blackhawks de Chicago.

Avec son approche tout en douceur et sa solide feuille de route, Waite avait le profil parfait pour établir un lien de confiance avec son nouveau protégé. À l'époque, des doutes existaient sur la capacité de Price à atteindre son plein potentiel dans l'uniforme du Canadien. Ne serait-il pas plus à son aise dans une ville où les vedettes de hockey passent souvent inaperçues?

Bergevin, à son grand mérite, n'a jamais pensé ainsi. Sa confiance envers Price a toujours été inébranlable. Il me l'avait clairement expliqué plus tard durant l'été.

«Carey est bien dans sa bulle, c'est sa personnalité», ajoute-t-il aujourd'hui, rappelant que certains joueurs sont plus réservés que d'autres. Bergevin établit ensuite un parallèle intéressant avec un de ses anciens coéquipiers.

«Mario Lemieux était comme ça. Carey et lui sont deux gars très calmes, toujours en contrôle. Tu le constates même lorsqu'ils entrent dans une pièce et vont s'asseoir.»

À l'époque où Lemieux était junior, on lui reprochait parfois une certaine nonchalance en raison de son style de jeu. Ce n'était pourtant pas le cas. Cette économie de mouvement était plutôt une de ses marques de commerce. De la même façon, Price ne bouge pas autant que d'autres gardiens devant son filet, sa position étant le plus souvent optimale.

«Je me souviens d'un match où il a arrêté 20 lancers en troisième période, ajoute Bergevin. Après la rencontre, il semblait pourtant être prêt à en disputer un autre tout de suite!»

Les arrêts de Price semblent souvent faciles. Mais comme Bergevin le rappelle, c'est en raison d'une technique soignée. Plus tôt cette saison, à Long Island, Bergevin a assisté à l'entraînement du Canadien en compagnie de Garth Snow, son homologue des Islanders.

«Garth est un ancien gardien et il observe leur travail comme je ne le ferai jamais, raconte-t-il. Tout à coup, il m'a fait remarquer comment Carey effectuait avec facilité un certain déplacement, pourtant dur à réaliser. Il faut être très bon pour faire ça.»

Bergevin a aidé Price en embauchant Stéphane Waite avant la saison 2013-2014. «Parfois, un élève a besoin d'un nouveau professeur, explique-t-il. Carey était mûr pour une approche différente. J'avais une bonne relation avec Stéphane et je l'ai approché. Ce fut un accord parfait entre Carey et lui, le timing était bon...»

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Le rendement de Price, si impressionnant soit-il, soulève néanmoins une question. Sans lui, le Canadien formerait-il une équipe moyenne, devant lutter jusqu'au bout pour une place en séries éliminatoires? Bref, ses miracles devant le filet maquillent-ils la véritable nature du Canadien?

«Ma réponse est simple, répond Bergevin. Prends les Penguins de Pittsburgh: si Sidney Crosby, le meilleur pointeur de la ligue, n'était pas là, où serait cette équipe? Ça adonne que notre meilleur joueur est notre gardien de but. Et je pense que le gardien fait partie de l'équipe!»

En clair, les bons clubs alignent presque toujours un joueur d'exception: Sidney Crosby avec les Penguins, Tom Brady avec les Patriots de la Nouvelle-Angleterre et... Carey Price avec le Canadien.

C'est l'évidence même: si ces gars-là se blessent sérieusement, leur équipe se retrouve dans le pétrin. Et à ce niveau, comme le rappelle Bergevin, la situation du Canadien n'a rien d'unique.

Encore une fois ce printemps, les yeux des Québécois seront rivés sur Carey Price. En commençant par ceux de son patron et fidèle supporter.

Price et Subban rayonnent

Après de nombreuses saisons où les joueurs du Canadien passaient sous le radar en dehors de Montréal, voilà que la situation change du tout au tout.

Peter Mansbridge, le présentateur du bulletin de nouvelles de la CBC, était à Montréal cette semaine pour réaliser une entrevue-portrait de Carey Price, qui sera diffusée partout au Canada avant les séries éliminatoires.

Et mercredi, l'émission 60 Minutes Sports, du réseau américain Showtime (propriété de CBS), a diffusé un reportage élaboré sur P.K. Subban.

Lentement mais sûrement, le Canadien redevient le Canadien, c'est-à-dire une organisation qui compte sur la scène sportive nord-américaine.

Séjour prolongé en Floride

Le Canadien ne rentrera pas immédiatement à Montréal après le match de dimanche contre les Panthers de la Floride. L'équipe profitera d'une journée de congé sous le soleil lundi, où des activités comme le golf sont au programme.

«C'est l'idée de Michel (Therrien), explique Marc Bergevin. Il croit beaucoup à ça et je l'appuie. C'est bien que les joueurs se regroupent ainsi. On a fait la même chose à Tampa l'an dernier.»

Le Canadien s'entraînera mardi en Floride avant de rentrer à la maison.