Le commissaire du baseball, Rob Manfred, ne sera pas au Stade olympique pour les deux matchs entre les Blue Jays de Toronto et les Reds de Cincinnati, le mois prochain, nous apprenait mardi mon collègue Vincent Brousseau-Pouliot.

Pour Denis Coderre, il s'agira sûrement d'une déception. Le maire de Montréal espérait la présence du nouvel homme fort du baseball qui, loin de tempérer les espoirs des gens croyant aux Expos 2.0, les attise par des déclarations encourageantes.

Dès son entrée en poste en janvier dernier, Manfred a confié au New York Times que le retour du baseball majeur à Montréal n'était pas farfelu: «Dans les bonnes circonstances et avec une installation adéquate, c'est possible.»

Puis, il y a dix jours, Manfred a donné une indication de son plan de développement à long terme dans une entrevue à MLB Network.

«L'ajout d'équipes ne fait pas partie de la conversation à l'heure actuelle, a-t-il expliqué. Nous sommes heureux avec les 30 que nous avons. Dans une couple de marchés, nous avons absolument besoin d'un nouveau stade. Nous sommes beaucoup plus concentrés là-dessus que sur l'expansion.

«Cela dit, à long terme, l'internationalisation de notre sport m'intéresse. Le Canada est un grand pays, qui ne compte qu'une seule équipe des majeures. Le Mexique est assez près de nous pour qu'un club puisse y fonctionner. Dans un horizon plus lointain, l'idée d'aligner deux nouvelles équipes à l'extérieur des États-Unis est intrigante.»

Dans la même veine, Manfred a confirmé au Los Angeles Times qu'il était «probablement juste» de dire que les marchés les plus prometteurs pour le baseball majeur en cas d'expansion se situaient à l'extérieur des États-Unis.

Avouez que la situation ne manque pas d'ironie. Voici donc le commissaire du sport national des Américains qui évoque une expansion au Canada, alors que celui du sport national des Canadiens, Gary Bettman, écarte la candidature de Québec et veut à tout prix implanter des équipes à Las Vegas et Seattle!

Les paradoxes de la vie sont toujours étonnants.

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Un commissaire d'une ligue sportive professionnelle doit être habile sur le plan politique. Voilà pourquoi Manfred a raison de ne pas venir à Montréal. Sa visite aurait indûment fait gonfler les attentes face à un dossier loin d'être mûr.

Ce n'est pas tout: en s'arrêtant au Stade olympique, Manfred aurait envoyé un très mauvais message aux élus de la région de Tampa, avec qui le baseball majeur souhaite toujours s'entendre en vue de la construction d'un nouveau stade pour les Rays.

Dans des dossiers semblables, les déplacements d'un commissaire sont significatifs. Ainsi, au hockey, Gary Bettman a annoncé ses couleurs en assistant au lancement de la campagne visant à recueillir 10 000 promesses d'achat d'abonnement pour la future équipe de Las Vegas. Il a mis son prestige personnel dans l'affaire. Si ça ne fonctionne pas, ce sera d'abord son échec.

Un mois plus tard, selon plusieurs rapports de presse, les promoteurs n'ont toujours pas atteint leur objectif. Peu importe ce qu'en dit la LNH, il s'agit d'une déception. Étant donné que les gens achètent habituellement deux abonnements, cela signifie que moins de 4000 personnes se montrent jusqu'à maintenant intéressées à la LNH. Tout cela dans une agglomération urbaine frisant les 2 millions de personnes.

Et n'oublions pas qu'un versement d'à peine 150 $ suffit pour inscrire son nom sur la liste. (Pour les meilleurs sièges, une somme de 300 à 900 $ est exigée. Et pour environ la moitié des places, un engagement d'une seule saison est accepté.)

Au bout du compte, les casinos et les grandes entreprises, qui n'ont pas été sollicités jusqu'à présent, sauveront la mise en achetant des billets. Et Las Vegas obtiendra son équipe. Mais les propriétaires de la concession ont intérêt à ne pas compter sur les revenus de télévision locaux pour boucler leur budget. Le hockey n'est pas populaire au Nevada, et les cotes d'écoute s'annoncent faméliques.

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La LNH et les ligues majeures de baseball ont des modèles financiers très différents.

Au hockey, les revenus générés localement sont le pain et le beurre des équipes. La réussite financière est étroitement liée au nombre de billets vendus. Au baseball, les revenus «nationaux», partagés équitablement entre les 30 concessions, sont beaucoup plus importants. Ainsi, cette saison, tous les clubs recevront du fonds central environ 60 millions en vertu des droits de télévision et des initiatives numériques.

Quant aux revenus locaux, 34% d'entre eux sont versés dans une assiette commune afin d'être partagés. Cela réduirait l'impact du taux de change pour les futurs Expos.

Bien sûr, nous n'en sommes pas encore là, comme l'expliquait John McHale fils, vice-président du baseball majeur, dans nos éditions de mardi. Mais le simple fait que cet homme influent reconnaisse le caractère unique des démarches de Montréal est intéressant.

Mine de rien, McHale fils lance aussi un défi aux amateurs de baseball québécois. Après avoir évoqué le succès des deux matchs de l'an dernier entre les Mets de New York et les Blue Jays, il enchaîne: «Maintenant, c'est de savoir si l'intérêt pour le baseball peut être soutenu.»

Toute la question est là! Mais si, pour une deuxième année consécutive, près de 100 000 personnes franchissent les tourniquets dans trois semaines, la crédibilité de Montréal s'en trouvera renforcée.

Cela retiendra de nouveau l'intérêt du baseball majeur. Plus important encore: les investisseurs locaux tentés par l'aventure seront stimulés par ce résultat. Et le maire Coderre augmentera encore ses efforts pour mener l'affaire à bien.

Ce projet complexe ne se concrétisera peut-être jamais. Mais il n'est plus une fabulation.