Michel Therrien n'a pas la renommée de Mike Babcock, son homologue des Red Wings; ni le palmarès de Darryl Sutter, des Kings; ou le bagout de Jon Cooper, du Lightning. Mais existe-t-il un meilleur entraîneur que lui cette saison dans la Ligue nationale?

Après les deux premiers tiers du calendrier, le Canadien occupe - contre toute attente - le premier rang de l'Association de l'Est. Oui, Carey Price est impérial depuis l'automne. Mais le hockey demeure un sport collectif. Un gardien, si bon soit-il, a besoin de l'aide de ses coéquipiers.

Or, le Canadien joue du hockey très solide depuis plusieurs matchs. Sa victoire à Detroit, lundi, en fournit un magnifique exemple. On a senti l'équipe en pleine confiance. Ce fut aussi le cas à Boston, la semaine dernière, une autre patinoire où les visiteurs doivent montrer du cran pour l'emporter.

Si le Canadien pataugeait dans la misère, Therrien serait le premier écorché sur la place publique. Les entraîneurs échappent rarement à cette loi du sport professionnel. Mais lorsque le succès est au rendez-vous, leur contribution est souvent moins remarquée.

Je ne suis pas convaincu que Therrien reçoit tout le mérite qui lui est du. Lui aussi vit dans l'ombre des succès de Price. Pourtant, si la saison prenait fin aujourd'hui, il serait mon choix pour remporter le trophée Jack-Adams, remis à l'entraîneur par excellence de la saison.

Pourquoi? Parce qu'il réussit des miracles à la tête d'un groupe qui, sur papier, ne forme pas une puissance de la LNH.

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En janvier, j'ai rencontré Therrien à son bureau de Brossard. Ce fut intéressant de discuter avec lui dans une ambiance détendue, tranchant avec le côté formel des points de presse.

Ce jour-là, Therrien m'a expliqué l'importance de sa première réunion de la journée, où ses adjoints et lui mettent en commun leurs réflexions.

S'il faut évoquer un élément précis avec un joueur, c'est à ce moment que la décision est prise. L'accent est mis sur la communication. «Mon objectif, c'est de soutirer le maximum de chaque joueur, m'avait expliqué Therrien. Et aucun ne fonctionne de la même façon. C'est un beau défi.»

La saison 2014-2015 aura été celle où le Canadien a transmis le flambeau à ses trois vedettes dans la force de l'âge, Carey Price, P.K. Subban et Max Pacioretty. Contrairement à des craintes légitimes, Therrien ne s'est pas ressenti du départ de Brian Gionta et Josh Gorges, des vétérans sur lesquels il s'appuyait dans le vestiaire.

Il n'a pas été davantage ébranlé par l'arrivée massive de nouveaux joueurs. Une douzaine de gars ayant contribué au superbe parcours du printemps dernier ont quitté Montréal. Voilà pourquoi on parle avec raison d'une équipe en transition. Il faut généralement plus de temps pour modeler un nouveau groupe dans un ensemble cohérent.

Therrien doit aussi développer de jeunes joueurs comme Nathan Beaulieu, Christian Thomas, Jacob De La Rose, Michaël Bournival, Jiri Sekac...

Tenez, les quatre premiers ont contribué à la victoire du Canadien contre les Red Wings, lundi. Mais ensemble, ils ont joué moins de 175 matchs dans la LNH. C'est très peu. Côté expérience, le CH ne détient pas une longueur d'avance sur ses concurrents!

Therrien a aussi appris à mettre de l'eau dans son vin. Il n'a sans doute pas apprécié la sortie de Max Pacioretty, à l'automne 2013, sur le style de jeu du Canadien. Mais le grand ailier est aujourd'hui un leader et jouit de la confiance absolue de son entraîneur.

Quant aux relations de Therrien avec P.K. Subban, elles n'ont pas toujours coulé de source. Mais l'immense contrat du numéro 76 a changé son statut au sein de l'organisation. Cela dit, Subban a parfois mis à l'épreuve la patience de son entraîneur en première moitié de calendrier. Mais il joue du hockey formidable ces jours-ci. Amateur de grands défis, il sera encore meilleur en séries éliminatoires.

Enfin, Therrien doit aussi composer avec les fortes attentes de son patron, Marc Bergevin. Le DG est un homme intense, très présent autour de l'équipe.

En juin 2012, le jour de sa nomination comme entraîneur du CH, Therrien avait déclaré: «Jamais je ne laisserai tomber Marc Bergevin. Il croit en moi et je crois en lui. Je veux qu'il soit fier de sa nomination. Je veux prouver qu'il a fait le bon choix.»

Bergevin a donné la chance à Therrien de reprendre place derrière le banc d'une équipe de la LNH. C'est une chose qui ne s'oublie pas. Et même si un entraîneur planifie forcément à plus court terme qu'un DG, Therrien assure qu'il partage la même philosophie que son patron.

«Marc, c'est le gars à qui je parle le plus souvent, me disait-il, le mois dernier. On a la même vision à court et long terme. On veut être solides pour longtemps, pas seulement pour un an.»

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Le Canadien manque de profondeur en défense. Ses troisième et quatrième trios ne marquent pas assez de buts. Plusieurs de ses attaquants ne sont pas costauds.

Mais ce matin, l'équipe devance toutes ses rivales au classement de l'Association de l'Est. Et gagne les rencontres serrées. Et gagne les matchs importants à l'étranger.

Michel Therrien mérite un coup de chapeau. Et de l'aide de Marc Bergevin en vue des séries éliminatoires.