En fin d'après-midi lundi, Pierre Dion, le grand patron de Québecor, est entré dans la salle de réunion du Bureau des gouverneurs de la LNH.

Pendant vingt minutes, il a expliqué aux décideurs du circuit comment son entreprise mettait la ligue en vedette. Les images de l'émission Le Banquier, où Julie Snyder a choisi P.K. Subban comme coanimateur, ont suscité l'intérêt. Et la cote d'écoute a frappé les imaginations: deux millions de personnes.

Cette initiative, sur un réseau traditionnel par-dessus le marché, a certainement plu à Gary Bettman. Cela explique sans doute le sourire de Pierre Dion après sa présentation. «On a montré comment Québecor contribue à faire la promotion de la Ligue nationale dans le marché québécois avec nos stratégies de convergence», a-t-il expliqué.

C'est à la demande du commissaire que Pierre Dion s'est rendu à Boca Raton. Ce court voyage relance le moulin à rumeurs à propos du retour des Nordiques. Car même si ce sujet n'était pas à l'ordre du jour, il fait partie du tableau d'ensemble. Québecor n'est pas seulement un diffuseur de la Ligue nationale, mais une entreprise à la recherche d'une équipe.

«Nos intentions n'ont pas changé, a ajouté Pierre Dion. On veut une concession de la LNH. Une rencontre comme celle d'aujourd'hui permet de faire connaître ce qu'on fait. On est contents de notre partenariat de 12 ans avec la LNH. Nous travaillons ensemble et on apprend à se connaître mutuellement.»

À Boca Raton, Pierre Dion profite d'une formidable occasion de réseautage. Lundi soir, il a participé au repas à l'intention des propriétaires d'équipe et de leur garde rapprochée.

- Vous êtes conscients que votre présence ici gonfle les attentes des gens de Québec?

- Nous restons patients et discrets dans le dossier de la LNH. On essaie de faire les bonnes choses.

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La discrétion. Une belle qualité, bien sûr. Mais ce n'est pas celle que la LNH met en évidence concernant la candidature de Las Vegas. Pas de «poker face» dans ce dossier. La capitale du jeu est dans la ligne de mire de Gary Bettman.

Lundi, le commissaire a annoncé que William Foley, l'investisseur qui souhaiterait établir une équipe à Las Vegas, mesurera l'intérêt des citoyens de la région à acheter des abonnements saisonniers.

Cette initiative est une manifestation claire du désir de la LNH de procéder à une expansion en ajoutant deux équipes dans l'Ouest, de manière à équilibrer les associations. Et Las Vegas est en tête du peloton. Un amphithéâtre est en construction et le propriétaire est trouvé. Si le public est réceptif, cette équipe verra le jour avant longtemps.

- Dites-moi, M. Bettman, malgré la présentation de Pierre Dion à votre réunion, la candidature de Québec serait-elle devenue moins hot?

- Il n'y a pas de température. Ce n'est ni moins hot ni plus hot. Pierre Dion et le Bureau des gouverneurs n'ont pas discuté du nouvel édifice ou d'une équipe. La discussion était purement à propos de notre entente avec TVA Sports.

Le commissaire a assuré qu'aucun classement n'avait été établi à propos des marchés intéressés à une équipe. Et qu'aucun processus d'expansion n'avait été lancé. Et qu'il ne fallait surtout pas surinterpréter l'initiative de Las Vegas.

Le propriétaire potentiel, at-t-il précisé, est dans une situation unique. Il veut savoir si ça vaut la peine d'investir temps et argent dans ce projet. Voilà pourquoi il évaluera l'intérêt des fans. «Je ne crois pas que ce serait nécessaire d'agir ainsi à Québec», a ajouté Bettman.

Publiquement, la LNH a toujours montré plus d'intérêt envers Seattle et Las Vegas que Québec. Mais au moins, Bettman reconnaît la passion des fans de la capitale nationale.

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Quelles seront les prochaines étapes dans ce dossier? Chose sûre, Bettman doit composer avec des événements inattendus. Ainsi, son souhait de doter Seattle d'une équipe a du plomb dans l'aile, l'amphithéâtre projeté n'étant pas en construction.

Las Vegas? L'opération annoncée lundi gonflera sûrement les attentes des amateurs de la région, même si Bettman a souvent répété ne pas vouloir agir ainsi. Reste à savoir si la ville compte suffisamment de gens prêts à dépenser de gros dollars pour des billets de hockey.

Quant à Québec, sa véritable chance de retrouver ses Nordiques semble maintenant passer par une relocalisation plutôt que par une expansion. La LNH n'a aucun intérêt à augmenter le nombre d'équipes dans l'Est.

Selon Bettman, les Panthers de la Floride sont bien en selle. Mais combien de temps la LNH et les propriétaires actuels de l'équipe toléreront-ils ces assistances minuscules qui jettent de l'ombre sur le circuit? Financièrement, la concession n'a qu'un seul atout: sa valeur de revente, qui vaudrait des dizaines de millions de profits aux proprios actuels, Vincent Viola et Douglas Cifu.

Les deux hommes assurent que leur engagement en Floride est à long terme. Mais dans le sport professionnel, le vent tourne vite. Rappelez-vous George Gosbee et son groupe, qui ont acheté les Coyotes de l'Arizona en 2013. Le rêve d'une vie, disaient-ils. Un an plus tard, ils veulent céder 51% de leurs actions à un autre investisseur, Andrew Barroway. Même si la transaction n'est pas finalisée, elle rappelle qu'un actif peut toujours être vendu.

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L'intérêt de la LNH pour Las Vegas indique combien Gary Bettman croit au potentiel des équipes américaines. Pourtant, les concessions canadiennes sont prospères. Leurs revenus sont importants, au point où la chute du huard influe directement sur le plafond salarial du circuit (ces sommes sont en effet converties en dollars US, la devise de la LNH).

Selon le commissaire, le plafond salarial sera de 73 millions US la saison prochaine, quatre de plus que cette année. Mais uniquement si le dollar canadien demeure au même niveau, ce qui n'est pas certain. Le paradoxe est frappant : même si des équipes comme les Panthers et les Coyotes rappellent les difficultés de la LNH à s'implanter dans certains marchés du sud des États-Unis, le circuit s'accroche toujours à ce rêve. De là le test qui sera effectué à Las Vegas.

Pendant ce temps, à Québec, un amphithéâtre et ses fans rêvent de retrouver les Nordiques.