Ils ne le crieront pas sur tous les toits, mais Marc Bergevin et Michel Therrien sont sûrement un peu surpris du retentissant début de saison du Canadien. Entre leurs ambitieuses attentes et la première place au classement général, la marche est tout de même énorme.

S'ils sont au-delà des espérances, ces succès sont néanmoins basés sur du solide. Et ils mettent en valeur l'identité de l'équipe: rapidité, ardeur au jeu et talent.

Voici cinq raisons pour expliquer ces résultats inattendus.

1. Marc Bergevin a choisi l'action

Après les beaux succès du Canadien au printemps dernier, Bergevin aurait pu se contenter d'un minimum de changements en vue de la saison actuelle. Il a choisi une autre stratégie. Onze joueurs ont quitté la formation ce qui représente, comme le résume Michel Therrien, «3000 matchs d'expérience».

En revanche, Bergevin n'a pas touché à son noyau. Il a travaillé en périphérie, apportant des ajustements ciblés. Dans un exercice semblable, impossible de maintenir une moyenne au bâton parfaite. L'acquisition d'un joueur d'appoint représente toujours un risque. Si Tom Gilbert déçoit, Manny Malhotra, Pierre-Alexandre Parenteau et Sergei Gonchar répondent jusqu'à maintenant aux attentes.

Bergevin a aussi envoyé un message clair à ses joueurs: aucun poste n'est assuré. À ce niveau, le départ de Josh Gorges, un défenseur apprécié de tous, a été le plus significatif.

2. Le nouveau contrat de P.K. Subban

Dans le sprint final de négociations l'été dernier, le Canadien a craché des millions de plus qu'il ne le souhaitait pour conclure une entente avec P.K. Subban. C'était la seule façon d'éviter que l'arbitre ne décide de son salaire, ce qui aurait empoisonné les relations entre les deux parties.

L'assurance que Subban demeurera longtemps à Montréal est une excellente nouvelle. Mais cette entente a aussi permis au Canadien d'amorcer le camp d'entraînement sans l'immense distraction qu'aurait provoquée une mésentente entre les deux parties.

Si Subban avait signé pour un an, son avenir aurait alimenté la chronique toute la saison. Chacune de ses performances, bonne ou mauvaise, aurait été décortiquée sous cette loupe. Cela aurait empoisonné l'atmosphère.

La semaine dernière, Therrien a fait un lien direct entre le bon camp d'entraînement et l'excellent début de saison du Canadien. Or, le camp ne se serait pas déroulé avec autant de fluidité si le dossier Subban était demeuré en suspens.

3. Le rendement de Carey Price

J'avoue avoir douté de la capacité de Carey Price à s'épanouir à Montréal après l'épisode des hobbits au printemps 2013. Souvenez-vous: il s'était comparé aux sympathiques créatures de Tolkien en regrettant la trop grande attention qu'il commandait en ville.

Cet épisode semble bel et bien derrière lui. Price est le leader de l'équipe sur la glace et dans le vestiaire. L'embauche de Stéphane Waite a été un des meilleurs coups de Bergevin. L'excellent entraîneur des gardiens a su trouver la bonne méthode avec son protégé.

Participer aux Jeux olympiques de Sotchi a aussi été un moment crucial dans la carrière de Price. Il est rentré à Montréal avec beaucoup de confiance, comme s'il acceptait enfin son statut de grande vedette de la LNH. Côtoyer les meilleurs joueurs canadiens et contribuer à la conquête de la médaille d'or l'a transformé.

Aujourd'hui, l'impact de Price sur le Canadien est celui des stars de la LNH sur leurs coéquipiers: il les rend meilleurs.

4. L'approche de Michel Therrien

Gerard Gallant parti, qui allait être le lien entre les joueurs du Canadien et leur entraîneur dans les moments tendus? Brian Gionta et Gorges partis, sur qui Therrien s'appuierait-il pour faire passer son message à ses équipiers?

Ces questions ont suscité des interrogations avant le début de la saison. Therrien est en voie de leur donner une réponse convaincante. Il démontre sa capacité à s'adapter à un environnement différent.

Therrien avait clairement un plan en tête pour composer avec les changements dans son équipe. Il a composé un groupe de cinq leaders (Price, Plekanec, Markov, Pacioretty et Subban), afin que les canaux de communication avec l'ensemble du groupe fonctionnent bien.

Pour Pacioretty et Subban, il s'agit d'un nouveau rôle, qu'ils apprivoisent peu à peu. Mais n'oublions pas que Therrien doit aussi s'ajuster en composant avec des joueurs de la nouvelle génération, dont la vision des choses n'est pas toujours la même que celle de leurs aînés.

On verra comment tout cet édifice tiendra lorsque le Canadien connaîtra un inévitable passage difficile. Mais pour l'instant, je note le calme de Therrien après les deux revers décisifs encaissés par les siens contre les Flames de Calgary et les Blackhawks de Chicago au début du mois. Le coach n'a pas paniqué. Résultat, les joueurs non plus.

5. Beaucoup de talent

On s'épate souvent devant le talent des meilleurs joueurs de la LNH: Steven Stamkos, Drew Doughty, Henrik Lundqvist... Et on oublie parfois à quel point le Canadien aligne aussi des gars doués.

Le but de Subban, samedi, sur une extraordinaire passe d'Alex Galchenyuk, l'a rappelé de manière éclatante. Et le duo Pacioretty-Desharnais compte parmi les plus redoutables de la LNH. La vitesse avec laquelle le costaud ailier décoche des tirs puissants est remarquable, comme il l'a rappelé aux Bruins de Boston jeudi.

Une équipe avec du talent, et qui joue avec confiance, est toujours difficile à battre.

Conclusion

Ces cinq facteurs me font croire que les succès actuels du Canadien ne sont pas un feu de paille. Ça ne signifie pas que l'équipe conservera le premier rang jusqu'à la fin de la saison, bien sûr. La route deviendra plus rocailleuse en deuxième moitié de calendrier, lorsque les meilleurs clubs appuieront sur l'accélérateur.

J'estime aussi le Canadien un peu vert pour être considéré dès maintenant parmi les quatre plus sérieux aspirants à la Coupe Stanley. Mais l'équipe progresse à un rythme convaincant.

Faudra peut-être pas attendre encore 20 ans avant le prochain défilé...