Depuis le temps qu'il roule sa bosse dans la LNH, Marc Bergevin sait combien les chances d'atteindre la finale de la Coupe Stanley sont rares. C'est sans doute ce qui explique sa réserve hier, lorsqu'il a dressé le bilan de la saison du Canadien. Cette occasion manquée lui a manifestement fait très mal.

C'est peu avant la fin de son point de presse que Bergevin s'est ouvert à ce sujet. Ce fut d'ailleurs le seul moment où sa garde est tombée et où on a reconnu ce côté si attachant de sa personnalité: celui d'un gestionnaire capable d'oublier les réponses préparées et d'ouvrir son coeur.

«Je croyais qu'on pouvait battre les Rangers, a-t-il reconnu. C'est pourquoi la déception a été encore plus grande. Je croyais qu'on avait de très bonnes chances de se rendre en finale de la Coupe Stanley. Quand tu es rendu si proche, tu peux quasiment y goûter...»

Le rêve de Bergevin ne s'est pas concrétisé. N'empêche que deux ans après son arrivée aux commandes, son propre rendement est au-delà des espérances. Sur le plan strictement hockey, il a réalisé quelques bons coups, qui ont amélioré l'équipe.

Mais c'est surtout à un autre niveau que son apport a été impressionnant. Bergevin a refait du Canadien... le Canadien! C'est-à-dire une organisation solide, qui a confiance en elle-même, dotée d'objectifs clairs et d'une stratégie bien articulée. Il a mis fin à une période brouillonne, amorcée après le départ de Serge Savard en 1995 et qui, malgré d'épisodiques succès, ne s'est jamais véritablement estompée au cours des saisons suivantes.

En politique, on mesure souvent l'humeur de l'électorat en demandant dans les sondages: «Croyez-vous que le Québec s'en va dans la bonne direction?» Les analystes accordent beaucoup d'importance à cette réponse, car elle révèle les perceptions profondes des gens.

Or, si on posait aujourd'hui la même question à propos du Canadien, je suis convaincu qu'une forte majorité des amateurs répondrait «Oui». Ce qui, dans un marché exigeant envers son équipe de hockey, témoigne du succès du DG.

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Bergevin amorce aujourd'hui la phase II de son mandat. La première, la remise sur les rails de l'organisation, est terminée. De manière très convaincante, d'ailleurs, avec ce beau parcours printanier.

En revanche, ce succès gonflera les attentes des amateurs. Voilà pourquoi Bergevin a pris soin de placer la suite des choses en perspective. Dans un circuit si concurrentiel, rien n'est acquis.

«On retourne à la ligne de départ la saison prochaine, a-t-il dit. Ce n'est pas parce qu'on a participé à la demi-finale qu'on sera devant les autres. C'est une ligue exigeante...»

Cette lucidité est bienvenue. Souvenez-vous du printemps 2010: le Canadien s'est rendu aussi loin que cette année, avant de régresser de manière spectaculaire. Deux saisons plus tard, l'équipe a terminé au dernier rang de son association et a perdu tous ses repères, au point d'embaucher un entraîneur incapable de dire deux mots de français.

Comment expliquer ce dérapage? Très simple: un mélange d'arrogance et d'insouciance, caractérisé notamment par une déconnexion avec le public. Ce danger guette toujours le Canadien, comme toutes les organisations qui renouent avec le succès après des années plus difficiles.

Il serait cependant très étonnant que Bergevin tombe dans ce piège. Il réalise à quel point son équipe n'a pas encore acquis la «maturité» - c'est son terme - des Blackhawks de Chicago et des Kings de Los Angeles. Le DG ne baissera pas sa garde et ne laissera pas ses adjoints le faire non plus.

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Samedi, Marc Bergevin a rencontré individuellement tous les joueurs du Canadien en compagnie de Michel Therrien. Au cours des prochains jours, il se réunira avec sa garde rapprochée afin de dresser le plan d'action des prochaines semaines. En raison du long printemps de l'équipe, les échéances approchent vite.

Bergevin devra d'abord statuer sur les joueurs qui, le 1er juillet, profiteront de leur pleine autonomie. En décodant un peu ses propos d'hier, il semble évident qu'il présentera une offre concurrentielle à Brian Gionta. Le DG ne veut pas changer de capitaine.

Durant sa carrière de joueur, Bergevin était un bon coéquipier, capable de maintenir l'harmonie dans le vestiaire. Il reconnaît ces qualités à Gionta. Et il sait qu'elles sont essentielles au succès d'une équipe.

Le Canadien voudra aussi conserver les services d'Andrei Markov, un favori de Therrien. Quant à Thomas Vanek, la situation est moins claire. Sa situation est différente de celle de Gionta et Markov, qui veulent rester à Montréal. C'est beaucoup moins évident dans le cas du grand Autrichien.

Avec tous les dossiers qui l'attendent, l'été de Marc Bergevin sera très occupé. Souhaitons-lui néanmoins de trouver quelques semaines pour recharger ses batteries. Prendre un peu de recul l'aidera à bien lancer la phase II.

Un protocole à revoir

Dale Weise a bel et bien souffert d'une commotion cérébrale dans le cinquième match de la série entre le Canadien et les Rangers. Il est pourtant revenu au jeu quelques minutes plus tard.

Selon Marc Bergevin, l'organisation a respecté «à la lettre» le protocole de la LNH. «Si le joueur dit qu'il est correct et que les tests démontrent qu'il est correct, alors il est correct. (...) Souvent, c'est un, deux ou trois jours plus tard que tu sens une commotion», a-t-il ajouté, pour expliquer la présence de Weise sur la glace après qu'il a reçu un coup à la tête.

Les critères de la LNH ont peut-être été respectés. Mais pas la loi du gros bon sens.

Des millions de personnes ont vu Weise être durement cogné à la tête, des millions de personnes l'ont vu vaciller sur ses jambes, des millions de personnes ont vu P.K. Subban le secourir pour l'empêcher de chuter lourdement sur la glace.

À vue de nez, il était clair que Weise ne se portait pas bien. Et qu'il était particulièrement mal placé pour évaluer son propre état. La présomption raisonnable suggérait une commotion cérébrale.

C'est bien beau, le protocole, c'est bien beau, les séries éliminatoires. Mais il semble évident que retourner ce joueur sur la glace représentait un risque.

Dans cette affaire, le Canadien ne s'est pas illustré. Et la LNH devrait revoir au plus vite son protocole pour éviter la répétition d'une situation semblable.

Combien vaut Subban?

P.K. Subban et son agent Don Meehan sont en droit d'exiger un contrat majeur, à tout le moins équivalent à celui d'Evgeni Malkin l'an dernier. D'une valeur globale de 76 millions, cette entente rapporte à l'attaquant des Penguins de Pittsburgh 9,5 millions par saison.

Les revenus de la LNH devraient monter en flèche au cours des prochaines années. C'est du moins l'avis de Gary Bettman, qui prévoit qu'ils atteindront 4 milliards dès la saison prochaine. Au cours des huit prochaines saisons, le plafond salarial devrait augmenter de manière significative.

Subban et son conseiller Don Meehan prendront inévitablement acte de ces prévisions en négociant le contrat.

Voilà pourquoi l'entente signée par Drew Doughty en 2011 (7 millions par saison) ne fournit pas un bon barème de comparaison. La réalité économique de la LNH a changé avec la signature de la convention collective et la nouvelle entente de télévision au Canada.

D'ailleurs, si Carey Price et Max Pacioretty négociaient leur contrat cet été, ils obtiendraient bien plus que les 6,5 millions et 4,5 millions qu'ils reçoivent actuellement.

Le Canadien peut néanmoins se compter chanceux. La nouvelle convention collective interdit les contrats d'une durée supérieure à huit ans. Sinon, Subban aurait sans doute demandé une entente à très long terme, comme Shea Weber et Ryan Suter (14 ans et 13 ans respectivement)...