Au printemps 2012, Patrick Roy était candidat au poste d'entraîneur-chef du Canadien. Les partisans de l'équipe souhaitaient son embauche, mais la direction n'a pas voulu prendre ce risque.

Même s'il s'était assagi au fil des années, Roy conservait sa réputation d'impulsivité et de flamboyance. Si ces deux traits de caractère l'ont souvent bien servi dans sa carrière, ils ont aussi été à la source de fameuses controverses.

Pour une organisation conservatrice comme celle du Canadien, cherchant alors péniblement à retrouver ses repères, le choix de Roy constituait sans doute un trop gros saut dans l'inconnu. Sa personnalité forte, admirée par les fans, inquiétait les patrons du Centre Bell.

Bizarrement, le refus du Canadien de lui faire confiance a cristallisé le goût de Roy de prendre place derrière le banc d'une équipe de la LNH. Ce sentiment est devenu très clair lorsqu'il a rencontré Marc Bergevin pour discuter de l'emploi.

«J'ai réalisé que j'avais vraiment le goût de tenter l'aventure, a-t-il dit hier. Mais Marc étant un DG recrue, ç'aurait été difficile pour lui d'embaucher aussi un entraîneur recrue. Alors, j'ai compris sa décision de choisir Michel Therrien.»

Roy l'assure: son deuil n'a été ni long, ni difficile. Et avec son tempérament de battant, il était clair qu'il ne laisserait pas cet échec le déboussoler. Le Canadien ne voulait pas de lui? Eh bien, qu'à cela ne tienne! Il n'abandonnerait pas son nouveau rêve, remporter une Coupe Stanley à titre d'entraîneur-chef. Il tenterait simplement de le concrétiser ailleurs qu'à Montréal.

Un an plus tard, l'Avalanche du Colorado a cogné à sa porte. Contrairement aux dirigeants du Canadien, le grand manitou hockey de l'Avalanche, Joe Sakic, connaissait très bien Roy. Et il le savait capable de revitaliser cette concession à la dérive.

Non seulement Sakic a-t-il nommé son ex-coéquipier entraîneur-chef, mais encore il l'a propulsé vice-président aux opérations hockey! La confiance de Sakic a été absolue.

Ce soir, l'ancien numéro 33 retrouvera ses partisans montréalais derrière le banc des visiteurs, l'équipe-surprise dans la LNH cette saison. Avec, en poche, une solide option sur le trophée Jack Adams, remis à l'entraîneur par excellence.

Non, Patrick Roy n'a rien perdu de son sens du spectacle.

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Calme et confiant, capable d'humour aussi, Roy a répondu à toutes les questions des journalistes après l'entraînement des siens. Manifestement, cet homme vieillit bien.

Les leçons apprises dans le hockey junior, parfois à la dure, lui sont aujourd'hui très utiles. Roy rappelle combien ses années à la tête des Remparts de Québec l'ont aidé à comprendre «les jeunes d'aujourd'hui».

Sans prétention, il a expliqué les principes qui guident son approche et celle de ses adjoints envers les joueurs. «La communication est très importante. On veut une relation de confiance et de respect, un partenariat entre les entraîneurs et les joueurs.»

Contrairement aux craintes de ses critiques, Roy n'a pas transformé l'Avalanche en «one-man show» avec lui comme vedette. Au contraire, son travail a aidé de jeunes joueurs doués, comme Matt Duchene et Gabriel Landeskog, à devenir des étoiles de la LNH.

Et le doigté avec lequel il dirige Nathan MacKinnon fait de cet attaquant d'à peine 18 ans le principal candidat au trophée Calder. Roy croit au renforcement positif - cela revient souvent dans ses propos -, et la recette fonctionne.

Bien sûr, la première saison d'un entraîneur est souvent une lune de miel. La haute direction, les joueurs et les partisans ont soif d'un nouveau discours. La difficulté est de conserver le même ascendant sur les joueurs à la deuxième saison, puis à la troisième et ainsi de suite...

Roy fera face au même défi. Lui qui connaît bien l'histoire du hockey n'ignore sûrement pas que trois de ses anciens entraîneurs chez le Canadien, Jean Perron, Pat Burns et Jacques Demers, ont connu leurs plus grands succès à Montréal à leur saison initiale. Et que les choses se sont corsées par la suite.

Mais avec la passion et la sérénité qui l'habitent, Roy possède les atouts pour durer.

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En mai dernier, durant la conférence de presse annonçant sa nomination avec l'Avalanche, Patrick Roy a pris la parole en français pour saluer les gens du Québec. «Je sais d'où je viens et je ne vous oublie pas», a-t-il dit.

C'était plus que des voeux pieux. Au Colorado, Roy n'a pas hésité à s'entourer d'adjoints québécois. Il a embauché deux entraîneurs de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), André Tourigny et Mario Duhamel, pour le seconder. Comme entraîneur des gardiens, il a choisi son vieux maître, François Allaire. Et il a sélectionné un joueur de la LHJMQ (MacKinnon) au premier rang du repêchage.

En agissant ainsi, Roy a rappelé à tous les dirigeants de la LNH la profondeur du hockey québécois. On peut lui dire merci. Pour que nos entraîneurs, nos recruteurs et nos gestionnaires aient une chance de percer dans la LNH, ils doivent en effet obtenir une première chance d'accéder à ce réseau.

Tenez, Alain Vigneault, Michel Therrien et Claude Julien n'auraient sans doute pas dirigé d'autres équipes de la LNH si le Canadien ne leur avait pas d'abord fait confiance.

En s'entourant de la sorte, Roy a envoyé un message fort sur la crédibilité de nos gens de hockey aux quatre coins du circuit. C'est important de le souligner.

En attendant le retour des Nordiques, cela fait presque de l'Avalanche l'autre équipe du Québec...