C'est sûrement de l'inédit dans l'histoire du sport professionnel. Dès son premier match comme entraîneur, Patrick Roy pète les plombs et reçoit une amende. Pour souligner son retour dans la LNH, notre homme a provoqué une tempête.

Les images ont été diffusées aux quatre coins de l'Amérique. À la fin de l'affrontement Avalanche-Ducks, mercredi, Roy s'engueule avec son homologue Bruce Boudreau. D'un geste rageur, il pousse ensuite la cloison séparant le banc des deux équipes. Spectaculaire, certes, mais pas très joli.

«Le comportement de Roy a été irresponsable», a expliqué avec raison Colin Campbell, vice-président des opérations hockey de la LNH. «Un entraîneur doit contribuer à désamorcer les situations volatiles sur le banc.»

Roy carbure à l'énergie de la foule. Il aime se retrouver sous le feu des projecteurs et vit bien avec la controverse.

N'empêche qu'après un seul match, il s'est fait plusieurs ennemis dans la confrérie des entraîneurs. Et la LNH l'aura à l'oeil tout au long de la saison. Brûler aussi vite ses cartouches est une stratégie risquée.

Roy, bien sûr, était furieux de la mise en échec dangereuse à l'endroit du jeune et prometteur Nathan MacKinnon. Ben Lovejoy, des Ducks, visait un contact genou contre genou, l'un des plus dangereux au hockey.

On peut tout de même se demander pourquoi MacKinnon - à ses débuts dans la LNH - était sur la glace en fin de match, alors que l'Avalanche cherchait à préserver un blanchissage de 6-0. Surtout que les Ducks, ébranlés par cette dégelée, étaient plutôt hargneux sur la patinoire.

Résultat, MacKinnon a failli être blessé sérieusement, et les Ducks ont marqué avec une poignée de secondes à écouler.

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Pour le meilleur et pour le pire, Patrick Roy est bâti tout d'un bloc. Il n'a jamais eu peur de livrer le fond de sa pensée, ce qui explique en bonne partie sa popularité.

Son éruption de mercredi est dommage, car elle ternit son arrivée, jusque-là réussie, derrière le banc de l'Avalanche. Contre les Ducks, une équipe puissante, ses joueurs ont montré de la volonté et de l'énergie.

Au Colorado, Roy n'a pas été jugé sévèrement pour ses gestes. C'est bien compréhensible. En peu de temps, il a changé l'ADN de cette équipe mollassonne et redonné le goût du hockey aux amateurs.

Rappelez-vous les déclarations de Jean-Sébastien Giguère, peu avant la fin de la dernière saison. Il avait accusé ses coéquipiers d'avoir déjà la tête à leur voyage d'après-saison à Las Vegas! «Je suis embarrassé d'être ici, avait dit le gardien. Ce n'est même pas drôle.»

Roy, un habitué des situations chaudes, a habilement mis en contexte son explosion de mercredi. «J'aime mes joueurs et je serai toujours derrière eux», a-t-il expliqué au Denver Post.

Matt Duchene, l'excellent attaquant de l'Avalanche, a ajouté: «Je ne me suis pas senti aussi excité depuis quatre ans!»

Roy possède des atouts formidables pour réussir derrière le banc d'une équipe de la LNH. Son amour du hockey, son goût de la victoire et son incroyable culot lui vaudront du succès. Mais il devra maîtriser ses émotions. Un incident comme celui-là dans une saison, c'est assez.

Prudence, Patrick...

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Au printemps 2012, Roy était le préféré des partisans du Canadien pour obtenir le poste d'entraîneur. Un sondage CROP-La Presse lui donnait 44 % d'appuis, loin devant Michel Therrien (5 %), qui fut finalement choisi.

Dix-huit mois plus tard, Therrien a gagné l'affection du public. Mardi dernier, il a été ovationné durant la cérémonie du match d'ouverture. Ce n'est pas un hasard si c'est à lui que le capitaine Brian Gionta a remis le flambeau dans le tableau final. L'organisation du Canadien tenait à ce que Therrien joue un rôle central dans la présentation.

La semaine dernière, j'ai demandé à Therrien s'il sentait une rivalité avec Patrick Roy, maintenant que celui-ci l'avait rejoint dans la LNH.

«Absolument pas, a-t-il répondu. Je souhaite beaucoup de succès à Patrick. Je veux que ça marche, ses affaires! C'est un gars de chez nous qui a montré beaucoup de passion pour le coaching.»

Comme Therrien, Roy a fait ses classes dans les rangs inférieurs. Les deux hommes ont souvent mangé du poulet à bord d'un autobus, après un match à l'étranger. «J'ai énormément de respect pour ça», a dit l'entraîneur du Canadien.

Même si Denver est loin de Montréal, le rendement de l'Avalanche sera scruté à la loupe au Québec au cours des prochains mois. Et qu'on le veuille ou non, le rendement des deux entraîneurs sera mis en parallèle.

Le silence du Canadien

Il ne faut pas compter sur la direction du Canadien si on espère voir interdire les bagarres au hockey. Geoff Molson a repoussé l'idée de contribuer activement à ce dossier. «Ce n'est pas vraiment moi qui vais changer ça du jour au lendemain», a-t-il dit jeudi.

Dommage, puisque le propriétaire du Canadien avait donné le ton dans la lutte à la violence après l'affaire Chara-Pacioretty, en mars 2011.

Geoff Molson aurait pu, à tout le moins, offrir un appui moral à Steve Yzerman, Ray Shero et Jim Rutherford, qui ont eu le cran de s'opposer aux bagarres à la suite de l'affaire Parros.

Pour le Canadien, cet incident est plutôt une "malchance" (Michel Therrien) ou une «mauvaise chute» (Geoff Molson).

On appelle ça se fermer les yeux.