Avez-vous regardé les images du match de dimanche entre les Sabres de Buffalo et les Maple Leafs de Toronto? On aurait dit une soirée rétro des années 70, avec son indigeste cocktail de coups vicieux, de bagarres et de pure insignifiance. Difficile de croire que la Ligue nationale de hockey puisse descendre si bas.

On a vu les deux gardiens, Ryan Miller et Jonathan Bernier, s'échanger des tapes sur la gueule.

On a vu Phil Kessel cingler à deux reprises la cheville d'un matamore des Sabres, John Scott, qui, pas plus fin, menaçait de s'en prendre à lui.

On a vu David Clarkson, à qui les Leafs ont consenti un contrat de sept ans et 36,75 millions cet été, quitter son banc pour participer aux hostilités.

On a vu Corey Tropp, des Sabres, se cogner durement la tête en tombant sur la glace à la fin d'un combat.

La foule a semblé apprécier le spectacle. Et l'intérêt sera sûrement formidable lorsque les deux équipes croiseront de nouveau le fer. N'empêche que ce cirque est désastreux pour le hockey. Il renvoie l'image d'un sport sclérosé, refusant de mettre fin à cette violence absurde qui dénature sa pratique.

En observant les deux équipes se couvrir de ridicule, j'ai songé à une nouvelle dévoilée le 1er août dernier et qui, malgré son intérêt, n'a guère eu de résonance.

En collaboration avec Hockey Canada, la société Bauer a voulu comprendre les motifs derrière un phénomène intrigant, résumé en deux phrases-clés dans le communiqué publié ce jour-là: «Le hockey au Canada a connu une croissance des taux de participation historiquement bas au cours des dernières années. Aujourd'hui, environ 90% des familles canadiennes et leurs enfants choisissent de ne pas jouer au hockey».

L'étude, réalisée auprès de 875 familles de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse n'étant pas impliquées dans le hockey, attribue cette désaffection à quatre raisons: manque de temps, coût prohibitif, absence de plaisir et violence.

La LNH n'a aucun lien avec les deux premiers facteurs. En revanche, le spectacle qu'elle propose trop souvent explique en partie les deux autres.

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Le hockey, nous dit l'étude, n'est pas perçu comme un «sport amusant» par les répondants. Plus encore: «Presque tous les autres sports faisant partie du sondage, comme le soccer et le baseball, ont été décrits comme étant amusants.»

Pourquoi le hockey n'est-il pas spontanément synonyme d'agrément? Comme l'impression que la réponse se trouve dans cet autre volet du sondage, l'intégrité physique des participants: «Plusieurs parents ne perçoivent pas le hockey comme étant un sport sécuritaire pour leurs enfants. Ils craignent le risque de commotion cérébrale et croient que le jeu favorise un comportement violent.»

Cette réaction est compréhensible. Le hockey est une pyramide. Au sommet, on retrouve la LNH. Son influence sur la perception de ce sport est énorme.

Un match comme celui entre les Sabres et les Maple Leafs n'est pas de nature à rassurer les parents hésitant à proposer le hockey à leurs enfants. Toutes les valeurs qu'on essaie de leur inculquer ont été bafouées: esprit sportif, respect de l'autre, discipline et dignité dans l'effort.

S'il s'agissait d'un incident isolé, on pourrait passer l'éponge. Des accidents de parcours, ça arrive. Mais on sait bien que ce n'est pas le cas. Le calendrier régulier n'est pas encore commencé et les incidents sont déjà nombreux.

À Edmonton, Sam Gagner a eu la mâchoire fracturée après avoir reçu un coup de bâton de Zack Kassian, des Canucks de Vancouver. Dans le même match, Taylor Hall a reçu un dangereux coup à la tête de Dale Weise.

Il y a 40 ans, l'offre n'était pas immense pour les jeunes désireux de faire du sport. Cela se résumait souvent au baseball l'été et au hockey l'hiver.

Aujourd'hui, le choix s'est diversifié. D'autres sports, bien structurés et publicisés par des athlètes inspirants, attirent les parents et les enfants. Le hockey a perdu son quasi-monopole. S'il continue de renvoyer l'image d'un sport violent, ce n'est pas demain qu'on assistera au rebond de la participation.

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Le plus dommage dans toute cette histoire, c'est que le hockey est si merveilleux lorsqu'il est bien joué. Chaque année, on assiste à des matchs enlevants qui démontrent l'inutilité des coups vicieux et des bagarres.

Ce sera sûrement le cas à Sotchi, où le tournoi olympique s'annonce palpitant. Il serait très étonnant que les meilleurs joueurs du monde s'arrachent les yeux.

La LNH, hélas, n'est pas disposée à adopter deux mesures simples pour diminuer les dérapages sur la patinoire: interdiction des bagarres et des coups à la tête. Même l'absence prolongée de Sidney Crosby n'a pas incité le circuit à s'attaquer sérieusement au problème.

Le cas Crosby et celui de Max Pacioretty en mars 2011 ont néanmoins encouragé une réflexion dans la société canadienne. Au printemps dernier, la mise en échec a été interdite chez les pee-wee d'un océan à l'autre. Le Québec avait donné l'exemple dès 1986.

Cette initiative est bienvenue. Le sondage de Bauer et Hockey Canada démontre d'ailleurs qu'une majorité de familles serait prête à donner une chance au hockey. Mais aussi longtemps que la LNH nous offrira des âneries comme celles de dimanche à Toronto, il sera difficile d'emporter leur adhésion.