À l'automne 2002, jeune retraité de la LNH, Jean-Jacques Daigneault amorce des études dans un collège de l'Arizona. Sa fructueuse carrière dans le hockey n'a pas comblé sa soif de connaissances. Il veut aussi remplir une promesse faite à son père, vingt ans plus tôt.

À l'époque, Daigneault était un espoir de premier plan avec les Chevaliers de Longueuil, de la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Malgré ses 17 ans, il évoluait déjà en avantage numérique en compagnie d'un costaud défenseur de 19 ans du nom de... Michel Therrien.

«J'ai déçu mon père en lui apprenant que j'abandonnais mon secondaire 5, raconte Daigneault. Il s'inquiétait de mon avenir en cas d'échec au hockey. Je lui ai alors promis que je retournerais aux études un jour.»

Assis dans un salon du Centre Bell, le nouvel entraîneur adjoint du Canadien raconte son parcours des dernières années. C'est notre premier entretien significatif depuis 1993, lorsque l'équipe a remporté la Coupe Stanley.

Durant ce printemps magique, Daigneault, comme tous les autres défenseurs des Glorieux, a reçu un nombre démentiel de coups. Mais, sans surprise, il s'est tenu debout jusqu'à la victoire finale. «Nous n'étions pas très robustes, mais on patinait bien...»

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Huit ans après cette victoire, Daigneault a raccroché ses patins. La transition vers sa nouvelle vie a représenté un défi.

«J'étais habitué de me retrouver dans un vestiaire de hockey tous les mois de septembre. D'un jour à l'autre, tu perds ce rendez-vous qui façonne ta vie depuis si longtemps.»

Malgré ce choc, Daigneault a voulu prendre du recul par rapport à son sport. Après avoir évolué avec 10 équipes de la LNH, il s'est laissé guider par son goût d'apprendre.

«Je ne savais même pas taper sur un clavier d'ordinateur, dit-il. Je me suis acheté un DVD et j'ai appris. En six mois, je suis passé de zéro à 30 mots par minute! Au collège, j'ai appris à faire des recherches, j'ai acquis des notions dans plusieurs domaines, comme la psychologie. Ça m'a beaucoup servi par la suite.»

Cette démarche révèle le caractère de Daigneault. Se fixer de nouveaux objectifs a toujours fait partie de ses habitudes.

C'était vrai en 1984, lorsqu'il s'est taillé une place dans l'équipe olympique canadienne aux Jeux de Sarajevo; et ce l'était toujours en 2005, à son retour au hockey comme entraîneur adjoint des Roadrunners de Phoenix, dans la Ligue East Coast.

Un an plus tard, un poste d'adjoint s'est libéré au sein du Wolf Pack de Hartford, la filiale des Rangers de New York dans la Ligue américaine.

Jim Schoenfeld, l'entraîneur du Wolf Pack, avait dirigé Daigneault chez les Coyotes de Phoenix sept ans plus tôt. «Il m'a dit d'envoyer mon C.V. Je n'avais jamais fait ça auparavant...»

Un mois plus tard, Jean-Jacques, sa femme Janie et leurs filles ont pris la route du Connecticut.

Au cours des six saisons suivantes, Daigneault a encadré plusieurs espoirs des Rangers. «On demeurait à West Hartford, un bel endroit pour élever des enfants, avec un excellent système scolaire public.»

Durant ses années à Hartford, Daigneault a renouvelé son contrat sans chercher de promotion dans la LNH. «Jim Schoenfeld m'avait toujours dit: «Si tu fais bien ta job, le téléphone finira par sonner.» Et je voulais aussi de la stabilité pour mes filles.»

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Schoenfeld avait raison: un jour de juin dernier, le téléphone a sonné. Glen Sather, le DG des Rangers, lui a appris que le Canadien était intéressé à ses services.

«J'étais toujours sous contrat à Hartford, mais Glen Sather a permis à Marc Bergevin de m'approcher. Quarante-huit heures plus tard, mon contrat était signé!»

Bergevin et Daigneault se connaissent depuis l'adolescence. «Au secondaire, on étudiait à l'école Honoré-Mercier. Notre casier était dans la même rangée et on jouait tous les deux avec les Hurricanes de Ville-Émard...»

Cela dit, Daigneault n'a pas souvent revu Bergevin et Therrien après leurs années de jeunesse. À peine quelques fois en 25 ans.

«Marc a cependant vu que j'avais fait mes classes comme entraîneur adjoint. Lui aussi a gravi les étapes comme recruteur professionnel. Il a vu 200 matchs par saison pendant des années! Les gens qui ont fait ça apprécient ceux qui ont emprunté une route semblable.»

Après avoir parcouru des milliers de kilomètres en autobus dans deux circuits professionnels mineurs, Daigneault occupe enfin le boulot de ses rêves.

«Je voulais revenir à mes racines, dans ma ville et avec l'organisation où j'ai grandi, dit-il. Dès mon premier boulot avec les Roadrunners de Phoenix, j'ai rêvé de retourner avec le Canadien. Cette idée m'a motivé durant toutes ces années.»

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En rentrant à Montréal avec leurs trois filles, Jean-Jacques et Janie ont repris possession de leur maison, louée depuis le milieu des années 90.

«J'aime bâtir des relations avec nos joueurs, dit-il. J'aime partager des choses avec eux, j'aime les écouter. On a tous des choses à apprendre.»

Malgré ses responsabilités avec le Canadien, Daigneault veut toujours compléter son programme scolaire. Il lui manque deux cours pour obtenir un certificat. «Je n'ai pas dit mon dernier mot!»

De cela, personne ne doute.