On se doutait bien que Lise Bissonnette, qui a dirigé de grandes institutions comme Le Devoir et la Grande Bibliothèque, ne livrerait pas un rapport banal sur l'avenir du Parc olympique.

Le document dévoilé hier va néanmoins au-delà des espérances. À la fois rappel historique et vision d'avenir, il trace un itinéraire audacieux pour transformer les installations olympiques en pôle privilégié du sport et du tourisme. Mais, surtout, en lieu de fierté.

Passionnée d'art et de littérature, Mme Bissonnette croit à la place du sport dans la société. Ses recommandations interpellent le gouvernement du Québec.

Entériné par les neuf membres du Comité-conseil sur l'avenir du Parc olympique, le rapport est le résultat de 18 mois de travail. Dès ses premières pages, on comprend que Mme Bissonnette en a rédigé chaque ligne.

Qui d'autre aurait conféré une majuscule au mot «Toiture», celle du Stade étant devenue, au fil des ans, la triste héroïne d'un mauvais feuilleton?

«De la veille de la tenue des Jeux jusqu'à ce jour, nous avons été happés par l'éprouvante problématique du parachèvement de la Toiture du Stade», rappelle-t-elle.

Malgré le coup de frein décrété par le gouvernement Marois sur les dépenses d'infrastructures, Mme Bissonnette estime inévitable le remplacement de la toiture. «C'est comme pour votre maison: parfois, des réparations sont nécessaires, même si ce n'est pas le bon moment. Mais pour continuer à l'habiter, vous n'avez pas le choix.»

Bref, pour imaginer un nouveau Parc olympique et en faire un endroit inspirant pour des milliers de jeunes Québécois, il faudra régler ce dossier. Avec une toiture mobile, de préférence.

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Lourde au plan financier, une nouvelle toiture n'est cependant qu'une composante du projet.

L'essentiel tient à une vision d'avant-garde pour cet immense quadrilatère au potentiel inouï. À commencer par une bonification du rôle de la Régie des installations olympiques (RIO), dont le nom serait modifié pour refléter ce mandat élargi.

La loi encadrant la RIO est demeurée la même depuis sa création en 1975. Mme Bissonnette note les efforts de certains de ses dirigeants pour «dépasser ce statut de conciergerie glorifiée». Rude combat, puisque les limites d'intervention de l'organisme sont vite atteintes.

«Les orientations sont décidées à Québec, par-dessus la tête de la RIO, dit-elle. On tranche sans tenir compte de son avis.»

Dans l'esprit de Mme Bissonnette, la RIO doit devenir un acteur de premier plan dans le développement du sport au Québec. Son comité propose que le ministère de l'Éducation lui délègue ses responsabilités touchant les sports et loisirs. Du coup, la «nouvelle» RIO obtiendrait un mandat national. Elle deviendrait aussi la seule Autorité responsable de la gestion du Parc.

Le budget du ministère de l'Éducation (moins l'enseignement supérieur) pèse 10 milliards. Avec leurs 20 millions annuels, les sports et loisirs ne sont qu'une «simple roue arrière au sein de machines aussi colossales», écrit-elle.

Bref, le sport québécois serait mieux servi en devenant la mission principale d'un organisme. Mme Bissonnette propose un fonctionnement inspiré de celui du Musée des beaux-arts. Soutenu financièrement par le gouvernement du Québec, le Musée profite de son autonomie et développe ses initiatives.

«Imaginez si des jeunes de partout au Québec venaient disputer des tournois au Parc olympique, lance-t-elle. Il s'agirait d'une moment inoubliable pour eux. L'endroit deviendrait un lieu mythique pour le sport amateur et le sport scolaire.»

L'installation d'un musée des sports, et la célébration des Jeux olympiques de 1976, renforceraient l'expérience.

C'est avec des initiatives semblables que la relation tortueuse des Québécois avec le Parc olympique se modifiera. Cet extrait du rapport, rédigé après des rencontres avec des groupes de citoyens, est significatif:

«Dans un premier temps, le Parc olympique suscite le plus souvent un sentiment de ratage, de gaspillage, un malaise collectif. Mais dès que la conversation s'engage sur le souvenir des Jeux de 1976 et sur l'avenir des lieux, le ton change et l'image bouge.

«Spontanément, chacun reconnaît l'extraordinaire qualité de l'ensemble architectural qui nous a été légué, la pleine fierté qui pourrait se déployer autour de ce joyau dont la forme unique représente si souvent le Québec et Montréal aux yeux du monde.»

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Mme Bissonnette croit à la préservation du legs olympique. Les villes ayant organisé les Jeux doivent mettre en valeur les installations bâties pour l'occasion.

«Le Québec, à cet égard, n'a pas été vraiment exemplaire, constate-t-elle. Il a sacrifié la Vélodrome et la piste d'athlétisme, vendu ou cédé des espaces en affectant l'intégrité du Parc, laissant se détériorer les lieux et les mobiliers.»

Redonner du lustre au Parc olympique nécessitera du temps et de l'argent. Et une énorme volonté politique.

L'an dernier, l'arrivée d'un nouveau président à la RIO, David Heurtel, a apporté un vent de fraîcheur. Le succès des activités estivales sur l'esplanade en témoigne. Abandonnés depuis 35 ans, ces vastes espaces ont accueilli 100 000 personnes l'été dernier lors d'activités sportives et culturelles.

Le rapport de Mme Bissonnette va cependant beaucoup plus loin. Il trace une perspective emballante d'avenir pour Montréal et le Québec entier.

Dans un monde idéal, le Parc deviendrait un «écosystème de l'activité physique au Québec», qui célébrerait le sport professionnel, le sport d'élite, le sport amateur et le sport scolaire.

Ce rapport mérite une médaille d'or.

La balle est désormais dans le camp du gouvernement Marois.