L'affaire Mathieu Giroux lève le voile sur le côté sombre du sport olympique canadien.

Voilà un jeune homme dont l'objectif est de mener de front des études universitaires et une carrière d'athlète de pointe. Et qui, dans cette quête d'excellence scolaire et sportive, se fait mettre des bâtons dans les roues par sa fédération.

Depuis lundi, la décision de Patinage de vitesse Canada d'expulser Mathieu Giroux de l'équipe nationale suscite l'incompréhension. Comment peut-on inciter un jeune homme à suspendre ses études en pharmacie pour le forcer à s'installer à Calgary?

Le Comité olympique canadien (COC) et son président Marcel Aubut s'en lavent les mains. Le ministre d'État aux Sports Bal Gosal aussi.

Entre une puissante fédération et un jeune sportif, ces gens influents ont fait leur choix. Faudra s'en souvenir lorsqu'ils nous rappelleront l'importance pour un athlète de préparer son après-carrière.

Mardi soir, le COC a décrété que le cas Giroux relevait de Patinage de vitesse Canada. Cette décision a été prise après avoir obtenu les explications de la fédération. Le croirez-vous? Avant de trancher, le COC n'a pas demandé à Giroux sa version des faits. Pas un appel, rien...

De la part d'un organisme national, dont le rôle est d'appuyer les athlètes, il s'agit d'un manque flagrant d'équité.

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Marie-Claire Rouleau est présidente du conseil d'administration de Patinage de vitesse Canada. Lorsque je lui ai parlé en fin d'après-midi hier, elle était toujours secouée par les événements. «Ça nous est tombé dessus comme un orage...», a-t-elle lancé.

Mme Rouleau, qui occupe ce poste bénévolement, n'a pas esquivé mes questions. «Ce n'est pas l'image que nous voulons projeter, a-t-elle dit. On veut favoriser la conciliation sports-études. Nous allons demander à Mathieu Giroux une rencontre dès cette semaine.»

Avec le recul, on comprend que les responsables sportifs de Patinage de vitesse Canada ont perdu un mauvais pari. En menaçant Giroux de sanctions s'il demeurait à Montréal, on pensait le convaincre de s'installer à Calgary, ou de se déplacer régulièrement à Québec afin de se rapporter à un entraîneur national.

Giroux préfère étudier et s'entraîner que perdre son temps sur l'autoroute 20. Alors, il a dit non. On ne devient pas champion olympique sans afficher du cran. Patinage de vitesse Canada aurait dû s'en souvenir avant de tester ainsi un médaillé d'or des Jeux de Vancouver.

Si l'initiative de Mme Rouleau se concrétise et qu'une rencontre entre les deux parties a lieu, la fédération devrait offrir ses excuses à Giroux. La brimade qu'on lui a imposée après l'avoir expulsé de l'équipe est en effet invraisemblable.

Quelqu'un, quelque part, a eu l'idée de lui facturer des frais pour s'entraîner à l'aréna Maurice-Richard. Comme on le fait avec les patineurs débutants.

«J'ai alors décidé de retourner à mon club de Pointe-aux-Trembles, m'explique Giroux. Quelques jours plus tard, la décision a été annulée. Les gens du courte piste ont plaidé ma cause en disant que j'aidais les jeunes.»

Marie-Claire Rouleau dit n'avoir appris cette histoire qu'hier. Et Mark Mathies, le directeur sportif de la fédération, plaide l'erreur administrative. Heureusement, cette invraisemblance n'a pas duré.

En fait, la réputation de Mathieu Giroux dans le patinage au Québec est si bonne qu'on lui a demandé de superviser l'entraînement de quelques athlètes de courte piste le week-end dernier.

«Trois des entraîneurs nationaux étaient à Shanghai pour une manche de la Coupe du monde, et un autre à Toronto pour les championnats juniors, raconte-t-il. Alors j'ai donné un coup de main à ceux qui sont demeurés à Montréal.»

Ironique, non?

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À moins que Patinage de vitesse Canada ne revienne sur sa décision, Giroux perdra son allocation d'athlète breveté le 1er février prochain. Ce statut lui confère une allocation mensuelle de 1500$.

L'été prochain, sa troisième année d'études universitaires terminée, il retournera à Calgary finaliser sa préparation en vue des Jeux de Sotchi en février 2014. Il devrait alors toucher de nouveau cette bourse.

D'ici là, il comptera sur l'appui de B2Dix. Ce groupe de soutien aux athlètes d'élite, qui joue un rôle clé dans le développement de plusieurs olympiens, l'a pris sous son aile.

«On l'entourera des meilleurs professionnels», explique Dominick Gauthier, ancien skieur acrobatique et cofondateur de B2Dix. «Et on paiera ses dépenses pour les sélections nationales.»

Cette aide est bienvenue. Mais Patinage de vitesse Canada ne semble pas emballé par cette tournure des événements. En novembre dernier, lors d'une conversation à Calgary, l'organisme a déconseillé à Giroux de se lier à B2Dix.

«Ils m'ont mis en garde en me disant que B2Dix n'était pas la solution idéale pour tous les athlètes», dit le patineur de 26 ans.

Mark Mathies reconnaît que l'apport de B2Dix a été évoqué durant cet entretien, mais jure avoir été plus nuancé. Peu importe, l'épisode laisse la désagréable impression que Patinage de vitesse Canada aurait souhaité que Giroux mange du pain noir avant son retour à Calgary.

B2Dix place l'athlète au coeur de ses préoccupations, plutôt que d'appliquer bêtement des règlements. Sans l'engagement de ce groupe, le Canada n'aurait pas remporté un si grand nombre de médailles aux Jeux de Vancouver.

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À quel moment une éventuelle rencontre entre Patinage de vitesse Canada et Mathieu Giroux aura-t-elle lieu?

Chose sûre, le jeune étudiant-athlète a d'autres préoccupations ces jours-ci: ses examens de fin de session...