Comme des milliers de gens intéressés à la Seconde Guerre mondiale et à la vie de Winston Churchill, j'attends ce livre depuis 20 ans.

Et voilà que le troisième tome de la biographie du célèbre premier ministre britannique est enfin publié cette semaine. Les péripéties derrière l'écriture de cet ouvrage constituent un feuilleton en soi.

William Manchester est un des plus renommés biographes américains. Son oeuvre est colossale.

Adolescent, j'ai lu La splendeur et le rêve, son extraordinaire récit de l'histoire américaine de 1932 à 1972. Cela a stimulé mon intérêt pour les États-Unis.

À la fin des années 70, Manchester a amorcé l'écriture de la vie de Churchill, un projet qu'il a lui-même qualifié «d'aventure la plus ambitieuse de [sa] vie littéraire».

Cet aveu n'est pas banal. Manchester avait en effet vécu une expérience traumatisante, une quinzaine d'années plus tôt, en rédigeant La mort d'un président. Cette biographie autorisée de John F. Kennedy l'a laissé épuisé.

Le manuscrit a généré une immense controverse lorsque Jacqueline Kennedy s'est opposée juridiquement à sa publication. La dispute a été résolue avant le début du procès. En 2009, le magazine Vanity Fair a publié un texte saisissant sur cette histoire, ce qui a alimenté le mythe des Kennedy, mais aussi celui de Manchester.

Dans le cadre de sa recherche sur Churchill, Manchester a interrogé des dizaines d'acteurs de l'époque. La seule retranscription de ces enregistrements a nécessité une année complète de travail.

Les deux tomes initiaux ont constitué un vif succès. (On peut aller directement au deuxième si la période d'avant-guerre nous intéresse davantage.) Manchester est un formidable écrivain. La manière dont il campe le décor de ses histoires est incomparable.

En 1988, Manchester a amorcé la rédaction du troisième volet. Mais, selon le New York Times, il a souffert du syndrome de la page blanche. Au cours des 10 années suivantes, cet homme à la productivité légendaire n'a rédigé qu'une centaine de pages.

Lorsqu'il est tombé malade en 1998, les chances que le projet ne soit pas achevé se sont accentuées. Sa maison d'édition lui a suggéré, sans succès, de s'associer à un autre auteur.

Puis, en 2003, Manchester a proposé à Paul Reid de travailler avec lui. Obscur journaliste qui n'avait jamais écrit un seul bouquin, Reid s'était lié d'amitié avec Manchester, notamment en raison de leur passion commune pour l'histoire, la politique et les Red Sox de Boston.

Le 1er juin 2004, Manchester s'est éteint. Reid s'est retrouvé seul pour mener l'oeuvre à terme. Armé de l'abondante documentation de Manchester, il croyait accomplir le travail en trois ans. Mais il a éprouvé des ennuis à décoder les notes de son ami. «Elles ne me parlaient pas de la même façon qu'à lui», écrit-il en préface du livre.

Sur la page couverture, le nom de Manchester figure avant celui de Paul Reid. Il serait étonnant que ce dernier soit doté de la même puissance d'évocation. Mais j'ai déjà hâte de me plonger dans cette lecture.

Le titre: The Last Lion - Defender of the Realm, 1940-1965 (Le dernier lion - Défenseur du royaume).

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Près de 70 ans après sa fin, la Seconde Guerre mondiale suscite toujours l'intérêt des historiens. De nouveaux livres sont publiés à un rythme soutenu. L'ouverture des archives de plusieurs pays explique en partie ce phénomène.

Dans La fin, l'auteur britannique Ian Kershaw, à qui on doit une remarquable biographie d'Adolf Hitler, examine les derniers mois du conflit. Son objectif: comprendre comment le régime nazi a pu exercer son pouvoir jusqu'au bout, malgré la destruction de l'Allemagne et le nombre effarant de morts.

Sur le front russe, plus de 5000 soldats allemands mouraient chaque jour. Mais en instaurant un climat de terreur, en procédant à de nombreuses exécutions sommaires de «traîtres» refusant de participer à la «guerre totale», le régime est resté en place, écrit Kershaw.

Malgré l'hécatombe, les dirigeants nazis demeuraient des gens ambitieux, soucieux d'élargir leur propre sphère d'influence. Kershaw raconte d'étonnants jeux de coulisses entre les principaux collaborateurs d'Hitler.

Sur les champs de bataille, même les généraux les plus lucides poursuivaient le combat. Ils ne voulaient pas «décevoir la volonté entraînante du Führer». Le mot d'ordre était simple: «vaincre ou périr».

Le livre de Kershaw rappelle l'horreur de l'époque. La description des marches forcées des détenus des camps de concentration donne froid dans le dos. Mais le récit nous conduit aussi à l'intérieur du régime en révélant des faits fascinants.

Ainsi, Hitler s'opposa à l'idée d'arrêter la production de bière pour augmenter le nombre d'hommes en uniforme. Cela, croyait-il, aurait de «graves répercussions psychologiques en Bavière».

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La contribution de Kershaw est remarquable. Mais si vous ne deviez lire qu'un seul récit sur la fin de la guerre, je propose La chute de Berlin, d'Antony Beevor.

Il s'agit d'une lecture captivante... en attendant la traduction du dernier tome de la biographie de Churchill.