Sur le court central de Wimbledon, la cérémonie des médailles a ressemblé à un couronnement: Andy Murray est le nouveau roi du tournoi olympique.

Oui, Andy Murray, ce grand Écossais de 25 ans, dont le talent fait l'unanimité, mais qui demeure à la recherche d'une première victoire dans un tournoi du Grand Chelem. Quatre fois, il a été finaliste. Quatre fois, il a perdu. De quoi semer un doute sur sa capacité à composer avec l'extraordinaire pression d'un match décisif.

Mais hier, avec la médaille d'or à l'enjeu, Murray a pulvérisé Roger Federer en trois manches de 6-2, 6-1 et 6-4. L'affaire a été réglée en moins de deux heures.

«À la maison, je placerai cette médaille devant tous mes trophées, a dit Murray. C'est la plus grande victoire de ma vie.»

Soyons clairs, ce ne fut pas un match palpitant. Federer, épuisé par sa victoire à l'arraché aux dépens de Juan Martin Del Potro en demi-finale - le dernier set a duré près de trois heures! -, n'a pas été l'ombre de lui-même.

À un certain moment, le champion suisse a perdu neuf jeux d'affilée. «Non, je ne me souviens pas de la dernière fois où ça m'est arrivé. Et je ne veux pas m'en souvenir non plus.»

Murray a été dominant dans toutes les facettes du jeu. Mais il a aussi été inspiré par une foule partisane, bien différente de celle d'un tournoi habituel.

Les 15 000 amateurs étaient survoltés. Plusieurs d'entre eux agitaient l'«Union Jack», et leurs cris de ralliement entre les échanges étaient dignes d'un match de football. Ils ont fait la vague et célébré chaque point de Murray, même ceux obtenus sur des fautes directes de son adversaire.

Federer a vite compris que malgré ses mille exploits sur ce court mythique et son immense affection pour Wimbledon, les spectateurs ne l'encourageraient pas.

«L'ambiance était différente, plus patriotique, a dit Federer, suave. Mais cela n'explique en rien ma défaite. Andy a été formidable.»

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Le court central de Wimbledon est un endroit extraordinaire pour assister à un match. On s'y trouve plongé au coeur de l'action. Depuis ma dernière visite, en 1997, les transformations ont été nombreuses. Parmi elles, l'ajout d'un toit amovible au coût de 135 millions de dollars.

Mais cette modernisation n'a rien enlevé à son cachet. Les spectateurs semblent envelopper le terrain, ce qui crée une intimité unique pour un stade de cette dimension.

J'ai assisté au match derrière une des lignes de fond, légèrement en coin, une place exceptionnelle. (Mémo à tous les passionnés de tennis: oui, oui, je sais, je suis chanceux.)

Ma conclusion: si les nouveaux stades construits pour les Jeux de Londres sont plutôt réussis - seul le Centre aquatique m'a déçu -, rien ne bat Wimbledon. Lorsque les meilleurs joueurs au monde disent combien ils aiment jouer ici, ne doutez pas de leur sincérité!

Hier matin, la pluie tombait à plein ciel dans la capitale anglaise. On a même entendu le tonnerre. Mais à 14h, lorsque Murray et Federer sont entrés sur le court, le soleil est apparu. On a ouvert le toit et le match a été disputé sous le soleil.

Au dernier jeu du match, Murray a achevé Federer avec trois as d'affilée. Ému, il est allé retrouver ses proches dans les gradins. Son étreinte à sa mère a été saluée d'une ovation. Judy Murray, la partisane numéro un de son fils, est bien connue à Londres. Les journaux la surnomment «la mère du tennis britannique».

Quinze minutes plus tard, lorsque les premières mesures du God Save the Queen ont retenti pour saluer cette autre médaille d'or de Team GB, la foule a chanté d'une seule voix.

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Non, ce titre olympique n'est pas une victoire dans un tournoi majeur. Mais sur le plan psychologique, ce résultat marque un tournant significatif dans la carrière d'Andy Murray.

Le mois dernier, lorsqu'il a perdu la finale du tournoi de Wimbledon contre ce même Federer, sa peine a été immense. Des sanglots dans la voix, il a éprouvé tous les ennuis du monde à s'adresser aux spectateurs.

«J'ai appris de ce revers, a expliqué Murray. Aujourd'hui, je me suis servi de cette expérience de la bonne manière plutôt que négativement. Ce ne fut pas toujours le cas. Ivan Lendl m'a beaucoup aidé sur ce plan. Il comprend ce que je ressens.»

Lendl, ancien numéro un mondial, est désormais l'entraîneur de Murray, un homme qui s'exprime d'une voix basse et d'un ton monocorde. «Je serai plus émotif en célébrant avec mes proches ce soir, a-t-il dit. C'est de loin le plus grand moment de ma carrière.»

Murray est heureux que le tennis soit un sport olympique. Il a déjà hâte aux Jeux de Rio, en 2016. Il pourrait bien y retrouver Federer. Même s'il célébrera ses 31 ans cette semaine, le grand champion n'écarte pas cette idée.

«L'échéance est cependant très éloignée. J'aurai le temps de me retirer et d'effectuer un retour! Cela dit, les Jeux ont toujours été spéciaux pour moi. J'aime l'esprit olympique. Et je suis fier de ma médaille d'argent.»

Le tournoi olympique terminé, le grand cirque du circuit professionnel reprend. Dès demain, Murray s'envolera vers Toronto, en vue de la Coupe Rogers.

Non, Murray n'a toujours pas remporté de tournoi majeur. Mais il est désormais champion olympique en simple. Même Federer ne peut en dire autant, une des rares déceptions de sa carrière.

Photo: AFP

Andy Murray