Si les négociations entre la LNH et ses joueurs s'enveniment durant l'été, on entendra les perles habituelles de la direction du circuit.

Sous le couvert de l'anonymat, quelques hauts gradés soutiendront que les joueurs sont trop gourmands, qu'ils devraient adoucir leur position, que la réalité économique du hockey professionnel leur échappe...

Ce jour-là, il faudra se rappeler l'attitude de Gary Bettman dans l'opération «Sauvons le hockey dans le désert!».

Le commissaire de la LNH a montré un appétit sans fond dans la recherche de financement public, adopté une position intransigeante dans ses discussions avec la Ville de Glendale et affiché une propension à prendre ses rêves de revenus futurs pour une certitude absolue.

Bref, les reproches que Bettman formulera inévitablement à l'Association des joueurs représentent l'essentiel de sa stratégie en Arizona.

Flanqué de Greg Jamison, l'homme qui cherche à acheter les Coyotes, Bettman a répondu aux questions des conseillers municipaux de Glendale, vendredi. Ce fut un exercice stupéfiant.

Mon moment favori est survenu lorsque la conseillère Yvonne Knaack, résolument en faveur de l'entente, a remercié Jamison de n'accepter qu'une contribution de 17 millions de la Ville la saison prochaine, plutôt que les 20 millions envisagés.

Selon The Arizona Republic, Knaack a soutenu que ce geste illustrait la confiance de Jamison en Glendale. Ouf!

La conseillère n'a évidemment pas rappelé que lors des trois années subséquentes, le groupe de Jamison recevrait 20 millions par saison.

Bref, si l'Association des joueurs décide de jouer dur avec la LNH cet été, Bettman serait mal venu de s'en formaliser. Cette technique fait partie intégrante de son arsenal.

* * *

Bon, y aura-t-il un conflit de travail?

La possibilité est assez réelle pour que la question soit évoquée dans le contrat entre Glendale et le groupe de Jamison. Une clause oblige le futur gestionnaire du Jobing.com Arena à déployer des efforts pour présenter des spectacles additionnels si une saison de hockey est réduite ou annulée.

Le hockey est le quatrième sport majeur à renégocier sa convention collective en un an. Le baseball, qui compose avec une Association des joueurs très forte, a réglé la sienne sans souci. Le contrat de travail a été reconduit sans modification majeure.

Dans la NFL, le lock-out d'entre-saison a entraîné un déluge de réactions, mais n'a provoqué aucun dommage réel. Les deux parties se sont entendues avant le début des camps d'entraînement.

Cela dit, inutile de dresser des comparaisons entre la NFL et la LNH. Ce serait comme comparer le modèle économique de Couche-Tard avec celui du dépanneur du coin.

Si les joueurs de la NFL ont accepté une diminution de leur pourcentage de revenus, c'est parce que la hausse des droits de télé compensera largement cette perte. Rien de tel dans la LNH, où le modeste contrat avec NBC est encore valide pour neuf ans.

L'Association nationale de basketball fournit de meilleurs éléments comparatifs. La NBA et la LNH ont plusieurs points en commun, même si le basket engrange près d'un milliard de revenus de plus par année.

Jusqu'à l'an dernier, les joueurs de basket empochaient 57% des revenus de la ligue, comme ceux de la LNH cette saison. Les proprios ont réussi, après un lock-out de deux mois, à le diminuer à 50%. La LNH tentera peut-être un coup semblable.

Si c'est le cas, les joueurs se rebifferont avec raison. Ce sont eux qui ont effectué toutes les concessions lors du dernier conflit. C'est pourtant grâce à leurs exploits que la LNH a augmenté ses revenus à 3,3 milliards cette saison.

Si la LNH charcute la part des joueurs alors qu'elle multiplie les efforts pour sauver une concession vouée à l'échec en Arizona, les joueurs auront des arguments à faire valoir.

Un autre débat aura lieu: le partage des revenus entre propriétaires. Avant d'accepter des concessions, les joueurs demanderont sûrement que le modèle actuel soit bonifié.

La NBA a donné le ton en adoptant un projet très ambitieux l'hiver dernier. Lorsqu'il sera entièrement implanté en 2013-2014, sept équipes à bas revenus recevront près de 16 millions par saison, selon le Sports Business Journal.

Le système en place dans la LNH, complexe, est assez généreux. Il comporte néanmoins plusieurs limites et peut être bonifié.

* * *

Comme à chaque renouvellement de convention collective, les joueurs seront blâmés par plusieurs amateurs si les négociations tournent mal. Leurs salaires sont connus, ce qui fait d'eux des cibles faciles. En revanche, on en sait beaucoup moins sur les finances des équipes et les marges de profit des propriétaires.

Dans ce contexte, les joueurs auront besoin de solides porte-parole. Parmi les membres de leur comité de négociations, on retrouvera Mathieu Darche, l'ailier du Canadien, et Martin Biron, le gardien des Rangers de New York.

«Je me suis toujours intéressé aux finances du sport, me disait Darche la saison dernière. Je me suis déjà impliqué dans une négociation au niveau du hockey professionnel mineur. J'ai aimé mon expérience et je pense pouvoir apporter ma contribution.»

Pour s'assurer d'un comité de négociations représentatif, Donald Fehr a demandé à des joueurs aux salaires très différents d'en faire partie. On en retrouvera certains au sommet de l'échelle, d'autres touchant le salaire moyen et d'autres encore payés environ 1 million.

Pour Mathieu Darche et ses collègues, l'été s'annonce chaud.