On s'entend tous là-dessus: les décisions de Brendan Shanahan ont perdu leur mordant. Ses sanctions exemplaires du camp d'entraînement ont laissé place à de courtes suspensions.

Pourquoi? Parce que dans la logique tordue de la LNH, où les problèmes sont niés plutôt que directement confrontés, mieux vaut ne pas punir lourdement. Des peines trop sévères constitueraient une reconnaissance implicite par le circuit que la violence est hors de contrôle.

Suffit d'analyser les déclarations publiques de Gary Bettman au cours des 15 derniers mois, dans lesquelles il a toujours minimisé l'ampleur du problème causé par les coups à la tête et les bagarres, pour comprendre que Shanahan a les mains attachées.

Cela dit, le véritable problème se situe à un autre niveau: l'absence complète de respect des joueurs les uns envers les autres. Le fairplay est une valeur cruellement absente de ces séries éliminatoires.

Dans le passé, les goons attaquaient les meilleurs joueurs: John Wensink sur Guy Lafleur, Rick Jodzio sur Marc Tardif, Dave Schultz sur celui qui avait le malheur de se retrouver dans son rayon d'action... Au fil du temps, le rôle de ces matamores a heureusement diminué.

Ce printemps, on assiste à une désolante évolution où des joueurs doués ne se conduisent pas mieux. Voyez ces coups vicieux de Shea Weber aux dépens de Henrik Zetterberg; ce double-échec de Nicklas Backstrom au visage de Rich Peverley; ces charges de James Neal aux dépens de Sean Couturier et Claude Giroux...

Sans compter cet assaut d'une violence inouïe de Raffi Torres sur Marian Hossa. De quoi vous dégoûter du hockey.

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Au cours des derniers mois, plusieurs explications ont été proposées pour expliquer la hausse alarmante des coups à la tête. Les «nouveaux» règlements, en accentuant la vitesse du jeu grâce aux longues passes et à la diminution de l'accrochage, ont été pointés du doigt. Tout comme la modernisation des équipements.

Ces théories, quoique intéressantes, sont incomplètes. Chose sûre, elles n'expliquent en rien les coups salauds des derniers jours.

Quand un Backstrom écrase son hockey au menton d'un rival, ça n'a rien à voir avec les nouveaux règlements.

Quand un Weber étampe le visage d'un adversaire dans la baie vitrée, ça n'a rien à voir avec les nouveaux règlements.

Quand un Torres envoie un joueur à l'hôpital en prenant un élan pour mieux sauter sur lui, ça n'a rien à voir avec les nouveaux règlements.

Dans tous ces cas, c'est le manque de respect qui est en cause. Ces comportements sont délinquants, comme celui d'un lanceur de baseball qui vise la tête du frappeur.

Torres peut bien se draper dans l'excuse classique - «Je complétais ma mise en échec» -, il ne convaincra personne. Sauf, peut-être, Gary Bettman. Et l'Association des joueurs.

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Oui, l'Association des joueurs. Ne trouvez-vous pas son silence troublant depuis le début des séries? N'est-ce pas elle qui veut pourtant être considérée comme un «partenaire» par la direction de la LNH?

À vrai dire, son absence du débat ne m'étonne pas. Pourquoi? Parce que sa préoccupation n'a jamais été la sécurité physique de joueurs. Elle n'existe que pour protéger leurs intérêts économiques.

Un exemple: lorsqu'un joueur comparaît devant Shanahan, il est toujours accompagné d'un représentant de son association. La raison est simple: en saison régulière, les suspensions se traduisent par une perte de salaire pour les joueurs fautifs.

Or, le mandat de l'association est de limiter ces pertes. Elle s'assure donc que le processus disciplinaire prévu à la convention collective soit parfaitement observé.

Quant à la victime, même si son association n'existait pas, cela ne changerait rien à l'affaire. De toute façon, le joueur blessé n'est même pas entendu par la direction de la LNH.

Rappelez-vous, la saison dernière. Max Pacioretty retrouvait à peine ses esprits que la LNH avait déjà tranché: ni suspension ni amende à Zdeno Chara.

La version des faits de l'ailier du Canadien était pourtant bien différente de celle innocentant Chara. Mais il n'a jamais obtenu la chance de la proposer, son témoignage n'étant pas prévu à la convention collective.

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Durant la saison, une tendance lourde est apparue dans la LNH. Plusieurs joueurs se sont projetés dans les airs pour mieux viser la tête d'un rival. Comme s'ils ignoraient les conséquences dramatiques d'une commotion cérébrale.

Après l'assaut de Torres contre Hossa mardi soir, Mike Smith, gardien des Coyotes, a fait part de son malaise en commentant le geste de son coéquipier. « On aime tous jouer au hockey, a-t-il dit au Chicago Tribune. Mais on a des familles, une épouse et des enfants qui nous attendent à la maison. Il faut arrêter ces coups à la tête et ces commotions cérébrales.»

Son message sera-t-il entendu? Souhaitons-le. Car, si la LNH et ses joueurs ne rectifient pas le tir rapidement, ils se retrouveront aux prises avec un problème aussi important que celui des «primes contre blessures» dans la Ligue nationale de football.

Contrairement à la LNH, la NFL n'a pas eu peur de prendre le taureau par les cornes. Le commissaire Roger Goodell a multiplié les suspensions de longue durée, bannissant même Sean Payton, l'entraîneur-chef des Saints de La Nouvelle-Orléans, pour une saison.

C'est ce qui s'appelle veiller à l'intégrité de son produit. La LNH et ses joueurs n'en sont manifestement pas là.