On a déjà vu des matchs de tennis interrompus par la pluie ou à cause de la blessure d'un joueur. Mais par un feu d'artifice? Seulement en Australie!

Jeudi, avant leur demi-finale si attendue, un officiel a prévenu Roger Federer et Rafael Nadal: «N'oubliez pas: à 21h, on suspend le match quelques minutes pour les feux!» Les deux champions ont opiné du bonnet. Ils connaissaient la coutume: le 26 janvier, c'est la Fête nationale de l'Australie. Tennis ou pas, la célébration a lieu.

Lorsque mille couleurs ont illuminé le ciel de Melbourne, le symbole est devenu frappant: cet Omnium d'Australie, premier tournoi majeur de la saison, a constitué un feu d'artifice à lui seul. Sur le terrain et... en salle d'entrevue!

Tout a commencé avant l'ouverture du tournoi lorsque Nadal s'en est pris à Federer. Dans le tennis d'aujourd'hui, où les joueurs sont pleins d'admiration les uns pour les autres et évitent la controverse comme la peste, cette sortie a provoqué une onde de choc.

En entrevue à la presse espagnole, Nadal a reproché à son grand rival de ne pas défendre publiquement les droits des joueurs. Plusieurs d'entre eux estiment le calendrier annuel trop exigeant et l'horaire des matchs de la Coupe Davis mal planifié. Ces contraintes, disent-ils, augmentent le risque de blessures. Dans un sport où le concept de contrat garanti n'existe pas, cela constitue un enjeu majeur.

Federer n'est pas en désaccord complet. Mais il n'aime pas que ces doléances, qui touchent aussi les bourses et le classement, soient rendues publiques. Il craint leur impact négatif sur l'image du tennis. Cette attitude a fait rugir Nadal. Étant un des plus loquaces à ce sujet, il s'est senti visé lorsqu'on lui a rappelé la position de Federer.

«C'est bien pour lui de ne rien dire, a lancé Nadal. Tout est positif. Il incarne le gentleman pendant que tous les autres peuvent se brûler!

«J'adore le tennis. Ce sport m'a valu un style de vie formidable. Mais terminer sa carrière avec des douleurs partout dans le corps, est-ce positif? Federer se retirera peut-être frais comme une rose, mais ce ne sera pas mon cas, ni celui de Djokovic ou Murray. Notre circuit va bien, mais on peut l'améliorer.»



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La sortie de Nadal a vite fait le tour du monde. Le lendemain, soucieux de préserver sa relation avec Federer, Nadal en a minimisé la portée. «Ces choses-là doivent rester dans le vestiaire. S'il vous plaît, n'en faites pas tout un plat.»

Federer, impérial, a pardonné à Nadal, disant qu'il n'hésiterait pas à manger avec lui à la première occasion. Officiellement, l'affaire s'est terminée ainsi. Mais le débat sur la lourdeur du calendrier se poursuivra. Il s'agit d'une affaire complexe puisque les intérêts de tous ne sont pas les mêmes.

En septembre dernier, durant l'Omnium des États-Unis, une crise a éclaté lorsque la pluie a forcé le report de plusieurs matchs. Rafael Nadal, Andy Murray et Andy Roddick, irrités par le temps de récupération entre les matchs, ont eu l'impression que leurs préoccupations passaient après celles des commanditaires. Bref, la grogne est palpable chez plusieurs joueurs.

Sur le terrain, Federer et Nadal sont le prolongement de leur personnalité publique. Federer incarne l'élégance et le contrôle de soi; Nadal, la pugnacité et les émotions à fleur de peau. Fallait le voir célébrer ses coups gagnants, hier, lorsqu'il a fait basculer le match en sa faveur en deuxième manche! Son enthousiasme a ajouté au piquant du spectacle.

Quant à la pause «feu d'artifice», peu avant la fin du deuxième set, elle a bien servi Nadal. À la reprise, il a remporté les 11 points suivants! Federer a retrouvé ses moyens, mais le ton était donné. Et Nadal a remporté ce «Fedal», comme les habitués de Twitter surnomment désormais les matchs entre les deux champions.

En tournois du Grand chelem, Nadal a vaincu Federer huit fois et subi deux revers. On verra ce week-end si Rafa remportera un 11e titre majeur en carrière. Une victoire le rapprocherait à cinq de la marque de Federer. Comme Nadal le rappelle lui-même, son corps est déjà un peu usé. Mais il n'a que 25 ans et peut entretenir l'espoir légitime de menacer ce record.

L'ennui pour Nadal, c'est que Novak Djokovic n'en a que 24... En Australie ou ailleurs, ces deux gars-là se retrouveront souvent face à face. Brillant contre Federer, Nadal connaît moins de succès contre le grand Serbe.

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Avant le match Federer-Nadal, deux autres feux d'artifice ont été présentés. Les demi-finales chez les femmes ont été enlevantes.

Pour la première fois de sa carrière, Victoria Azarenka s'est qualifiée pour la finale d'un Grand chelem. Sa victoire aux dépens de Kim Clijsters, la favorite sentimentale, a nécessité une solide force de caractère.

Azarenka retrouvera devant elle Maria Sharapova. Compte tenu de son expérience, celle-ci sera évidemment la favorite. Mais elle devra se méfier d'Azarenka, qui n'abandonne jamais et n'a absolument rien à perdre. Bref, un autre feu d'artifice s'annonce...

Sources: Associared Press, ESPN et The New York Times

Photo: AFP

Sur le terrain, Rafael Nadal et Roger Federer sont le prolongement de leur personnalité publique. L'Espagnol incarne la pugnacité et les émotions à fleur de peau, le Suisse, l'élégance et le contrôle de soi.