Si j'étais un athlète olympique québécois, j'aurais quitté le Centre Bell à la fois ravi et consterné après l'annonce d'hier.

Ravi, puisque le Comité olympique canadien (COC), présidé par Marcel Aubut, a annoncé une injection additionnelle de 5 millions dans À nous le Podium (ANLP). Ce programme, dirigé par John Furlong, a révolutionné le soutien à notre élite sportive.

Consterné, puisque même si l'événement était tenu à Montréal, on se serait cru au Air Canada Centre de Toronto, tellement l'utilisation de l'anglais a éclipsé celle du français.

Malgré les controverses passées, comme la cérémonie d'ouverture des Jeux de Vancouver, le sport olympique canadien affiche toujours un manque d'ouverture par rapport à la langue officielle du Québec.

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Bon, commençons par les bonnes nouvelles.

En prévision de Vancouver 2010, les athlètes canadiens ont profité d'un financement exceptionnel. Avec 26 médailles, dont 14 d'or, les résultats ont été au rendez-vous.

Les célébrations terminées, une inquiétude est apparue: cet appui serait-il renouvelé? Et si oui, comment serait administrée la cagnotte?

Entre les groupes d'Aubut et de Furlong, des différends ont surgi. À nous le podium a voulu conserver son indépendance face au COC, une institution plus politique, car elle regroupe plusieurs intervenants du sport amateur. Avec raison, le camp Furlong désirait son autonomie afin de distribuer les fonds selon des critères purement objectifs, à l'abri des pressions des fédérations sportives.

Les deux organismes ont enfin conclu un accord. «L'important, c'est que chaque partie comprenne le rôle de l'autre», explique Furlong, ex-président du comité organisateur des Jeux de Vancouver.

«À nous le podium ne souhaite pas s'occuper de marketing ou de communications. Notre mission est d'identifier les sports où nos chances de médailles sont les meilleures et d'appuyer financièrement ces athlètes.»

Furlong donne l'exemple des sports d'équipes, comme le soccer, le basketball, le water-polo... Aux Jeux d'été, le Canada n'a pas remporté une seule médaille depuis 1936! Pour stopper cette disette, pas question de saupoudrer de l'argent un peu partout. Son groupe cible des disciplines avec des chances réelles de succès.

Entre les pays, la lutte aux médailles est féroce. La Russie prépare une offensive en vue des Jeux d'hiver de Sotchi, en 2014. Pour que nos athlètes poursuivent sur la lancée de Vancouver, des investissements majeurs sont nécessaires.

La recherche scientifique devient un poste budgétaire important. Le développement de la technologie coûte cher, mais fournit un avantage concurrentiel.

Pour les athlètes, les querelles de juridiction importent peu. L'essentiel, c'est que l'argent soit disponible pour bonifier leur préparation. Après Vancouver, le gouvernement fédéral a renouvelé ses engagements financiers, une excellente initiative. Quant à Marcel Aubut, son principal objectif est de multiplier les partenariats avec l'entreprise privée, une opération qu'il mène avec son zèle coutumier.

«On envoie plusieurs bons messages avec cette entente, explique-t-il. Il faut travailler ensemble et continuer de récolter de l'argent. Beaucoup de pays investissent à fond. Si on ne les imite pas, on frappera un mur.»

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Les mauvaises nouvelles, maintenant. L'élection d'Aubut à la présidence du COC, premier francophone à occuper ce poste, n'a pas modifié le code génétique du sport olympique canadien. Le français est toléré, sans plus.

Imaginez: dans son allocution d'hier, le ministre d'État fédéral aux Sports, Bal Gosal, n'a prononcé aucun mot en français! Il n'a même pas murmuré un timide «bonjour» pour saluer les athlètes francophones s'étant déplacés pour l'occasion. Le mépris était complet.

L'honorable ministre Gosal a tout de même assuré être «truly delighted» de s'arrêter à Montréal...

De son côté, John Furlong a prononcé un discours intéressant, mais entièrement en anglais. Dans son livre sur les Jeux de Vancouver, il explique ses énormes difficultés à s'exprimer en français. Il raconte comment, avant la cérémonie de clôture, Aubut lui a fait répéter les quelques phrases qu'il devait prononcer. Cette fois, Furlong, malgré son rôle officiel, a abandonné la partie.

Le problème est si profond que les organisateurs ont trouvé normal de demander à Alexandre Despatie de s'adresser uniquement en anglais aux invités. Après tout, fallait bien que le ministre comprenne ses propos!

La présentation terminée, Marcel Aubut a saisi que quelque chose avait cloché. Lui qui était si fier que le COC annonce enfin une nouvelle majeure à Montréal, voilà que la place accordée au français venait le hanter.

Le président du COC a promis de rectifier le tir. «L'utilisation des deux langues est une priorité pour nous», m'a-t-il dit. Son directeur des communications, Dimitri Soudas, ancien porte-parole de Stephen Harper, a reconnu qu'il y avait des «réformes à faire».

Je ne doute pas des bonnes intentions d'Aubut et de Soudas à cet égard. Mais réalisent-ils la véritable ampleur du coup de barre à donner? Les athlètes francophones ne devraient pas gonfler leurs attentes.

Photo: André Pichette, La Presse

Le président du COC, Marcel Aubut, a annoncé un soutien supplémentaire de 5 millions au programme À nous le podium, hier. Il en a profité pour encourager les joueuses de l'équipe nationale olympique.