Flash-back au début du mois de juillet 2012. Pierre Duchesne, jusqu'à tout récemment correspondant de Radio-Canada à l'Assemblée nationale, annonce qu'il tentera de se faire élire sous la bannière du Parti québécois (PQ). Grosse prise pour le PQ, selon tous les paramètres du recrutement politique. Une «vedette».

Et dans la catégorie-vedette, M. Duchesne était dans la catégorie AAA. Biographe de Jacques Parizeau, journaliste parlementaire: il était acquis que la politique n'avait pas de secrets pour lui.

Le (court) parcours politique du député de Borduas et ministre de l'Enseignement supérieur est en train de nous rappeler que le statut de recrue-vedette en politique est semblable à celui d'un jeune hockeyeur sélectionné au premier rang du repêchage de la LNH. Le choc avec le réel est souvent brutal.

D'abord, le ministre a commencé par concéder aux étudiants l'abolition libérale de la hausse des droits ET le maintien de la bonification libérale du régime des prêts et bourses (qui devait adoucir ladite hausse).

Comme si la contradiction n'était pas assez grosse, M. Duchesne a choisi de faire cela avant même la tenue de son fameux Sommet sur l'enseignement supérieur, qui se prépare ces jours-ci dans une atmosphère de franche loufoquerie rappelant une mauvaise pièce de théâtre d'été. Ce faisant, il s'est débarrassé d'une monnaie d'échange de grande valeur.

Puis, il a remis en doute le sous-financement des universités québécoises, demandant «à être convaincu». Apparemment, la comparaison avec le financement des universités canadiennes n'est pas «convaincante».

Ensuite, comme s'il avait été frappé d'amnésie, M. Duchesne s'est mis à raisonner avec les étudiants comme un ministre libéral. Des étudiants sont poivrés en manif, en marge d'une réunion pré-Sommet, par la police? M. Duchesne dit qu'on ne peut pas tolérer l'intimidation. Jean Charest, sors de ce corps!

J'oubliais: la rectrice de l'Université McGill, Heather Munroe-Blum, a qualifié cette semaine les préparatifs au Sommet de «farce», en soulignant qu'on a fait appel à un expert du système universitaire sénégalais pour éduquer les participants.

Loin de moi l'idée de rire des universités sénégalaises, mais...

Mais je ris quand même.

Et mercredi, au micro de Michel C. Auger, le recteur de l'Université de Montréal, Guy Breton, a révélé qu'on ne lui avait pas encore envoyé d'invitation, qu'il ne connaissait pas le format du sommet de la fin du mois. «C'est difficile pour moi de faire des commentaires sur quelque chose que je ne connais pas», a dit M. Breton.

M. Breton n'est que le recteur de la plus grande université francophone du Québec.

Je ne suis pas convaincu que le Québec ait les moyens - en ce 8 février 2013 - de décréter la gratuité universitaire. Mais en entendre parler m'intéresse diablement, par contre. On dit que le modèle français de gratuité est à la fois mirage et médiocre; on dit en revanche beaucoup de bien du modèle finlandais...

Comment ça marche, la gratuité?

Pourquoi et comment les Finlandais ont-ils favorisé cette formule?

Comment le Québec pourrait-il s'en inspirer (ou pas)?

Le sommet de Pierre Duchesne aurait été le forum parfait pour débattre de ces questions. Au lieu de cela, le ministre de l'Enseignement supérieur a décrété que la gratuité ne sera pas à l'ordre du jour du Sommet.

Il se prive ainsi de débats qui auraient pu - lui qui est contre la gratuité - lui fournir des arguments pour déboulonner très publiquement cette idée.

Et le ministre met le couvercle sur une idée qui rallie de grands pans du militantisme étudiant depuis l'agité printemps 2012, ce qui a de quoi conforter ceux qui croient que ce sommet est de la bullshit.

Mais j'exagère. Le ministre veut entendre parler de gratuité, d'une certaine façon. Il a invité les étudiants à en parler - roulement de tambour - sur... une page Facebook! Vive le XXIe siècle.

Bref, la gratuité sera au Sommet de l'enseignement supérieur ce que le «sport» du bridge fut aux Jeux olympiques: en démonstration, à l'écart du gros show, sur une tribune que personne ne fréquente et dont tout le monde se fiche.

M. Duchesne n'est pas divertissant uniquement parce que son passage dans les grandes ligues politiques commence à rappeler celui d'Alexandre Daigle dans la LNH, non. Très actif sur Twitter, il se livre parfois à des répliques fâchées-fâchées contre ses critiques, avec des commentaires qui ressemblent plus à ceux d'un chroniqueur d'humeur qu'à ceux d'un ministre important...

Il faudrait qu'un expert des universités sénégalaises nous éclaire sur ces drôles de coups de sang.

Ces montées de lait de Pierre Duchesne ne sont pas anodines. Depuis le printemps érable, les relations entre l'État et le milieu de l'éducation supérieure sont complexes et délicates. Peut-être qu'un homme caractériel, qui magasine au Costco du Trouble politique avec sa carte de membre Platine, n'avait pas le coffre pour être capitaine de ce paquebot-là.