«C'est ce que Goethe disait dansFaust, mais George Lucas l'a mis au goût du jour, à savoir que la technologie ne peut pas nous sauver. Nos ordinateurs, nos outils, nos machines ne suffisent pas. Nous devons nous fier à notre intuition, à ce que nous sommes vraiment.»

Le mythologue américain Joseph Campbell, en 1985

Je me souviens encore du moment précis où nous sommes arrivés, ma mère et moi, à la projection de La guerre des étoiles. C'était au ciné-parc Laval et nous étions en retard. Ratée, la scène où Darth Vader et ses Stormtroopers abordent la navette «diplomatique» de la princesse Leia. J'arrivais à temps pour voir C3 po et R2-D2 tomber dans le désert de Tatooine.

C'était en 1977. J'avais 5 ans. J'étais conquis.

Ma vie de ti-cul, à partir de ce moment-là, s'est mise à orbiter autour de Star Wars. Ma vie de ti-cul, il faut dire, avait un besoin urgent d'une capsule de sauvetage métaphorique vers une autre galaxie tout aussi métaphorique. Cette galaxie fut celle créée par George Lucas avec son western de l'espace.

L'impact de Star Wars sur le cinéma en particulier et sur la culture populaire en général a été mille fois raconté. Permettez qu'en cette semaine où George Lucas a vendu les droits de sa richissime franchise au géant Disney pour 4 milliards de dollars américains, je raconte comment La guerre des étoiles a marqué ma vie et continue de la marquer.

Je me suis donc évadé dans l'univers de ce film que je n'avais vu qu'une fois au ciné-parc et qui me hantait depuis. C'était, jeune lecteur, avant l'avènement d'iTunes, du lecteur DVD et de la cassette Beta: l'enfant nord-américain ne pouvait pas revoir en boucle ses films préférés dans le confort du foyer familial. Il fallait aller le revoir au cinéma. Après? Après, ça passait à la télé... des fois.

Ai-je dit «le confort du foyer familial» ?

Je n'avais plus de foyer familial. Le divorce de mes parents venait d'être prononcé. Mon univers se résumait à deux planètes: le petit meublé de ma mère dans Chomedey et, aux deux week-ends, celui de mon père.

Le soir, dans mon lit, je me racontais en silence des aventures de Star Wars dont j'étais le héros. Le jour, je jouais avec mes «bonshommes», ces figurines de Chewbacca, Darth Vader, Luke Skywalker et R2-D2. Quelques flashs: sur le mur de ma chambre, le poster de Leia; le Speeder de Luke, mon premier vaisseau; la boîte à lunch du film, en tôle cheap.

Star Wars était une diversion: je m'ennuyais de mon père. Il n'y a pas de mots pour dire comment un garçon de 5 ans a besoin de son père. Je m'évadais dans l'univers de Lucas pour oublier ce besoin, pressant comme une envie de pisser.

Un père qui n'avait aucun intérêt pour Star Wars. Pour lui, probablement que le Dr Spock de Star Trek était un Jedi et que l'Entreprise du capitaine Kirk était un vaisseau de l'armada de Darth Vador. Star Wars ne fut jamais un univers où, enfant, j'ai pu connecter avec mon père. Il n'y en eut pas vraiment davantage, dans le réel, à mesure que j'ai grandi.

Évidemment, ti-cul, je ne voyais pas dans le film l'écho des mythes que l'homme se raconte depuis la caverne, je ne voyais pas la trilogie comme «la plus puissante incarnation moderne» de la quête classique du héros, selon les mots de Joseph Campbell, plus grand mythologue américain de son temps...

Aujourd'hui, 35 ans plus tard, la saga est encore dans ma vie. L'univers de Star Wars charme encore les ti-culs de 2012, qui aiment les Clone Wars, incarnation moderne et animée de l'oeuvre de Lucas. On y raconte les aventures du plus brave des clones, le capitaine Rex, fidèle compagnon d'Anakin Skywalker. Anakin qui deviendra, plus tard, au grand écran, le maléfique Vader...

Dix fois par jour, mon héritier dessine Rex. Il n'est jamais loin d'un de ses bonshommes de Star Wars. Pour sa fête, il a trouvé une murale géante des Clone Wars dans sa chambre, une murale dont l'enfant en moi est un peu jaloux.

C'est le génie de George Lucas, non?

Je veux dire qu'il a créé un univers qui, 35 ans plus tard, permet à un père et son fils de connecter, de se comprendre, de vibrer aux mêmes références. L'enfant en moi est un peu jaloux de ça, aussi.

Tout n'est pas parfait, dans cet univers. Par exemple, quand je dis à mon fils, avec ma meilleure voix de Darth Vader: «Zak, je suis ton père!», il ne comprend pas, mais alors là, pas du tout.

Ça viendra. C'est sa destinée...

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