Sur le ton d'un meeting des AA: «Je m'appelle Patrick et j'ai des goûts musicaux navrants.»

Voilà. C'est dit.

L'autre jour, mon collègue Paul Journet m'a dit, comme ça, innocemment, pendant que nous attendions nos lattés chez Starbucks, que si j'en avais le goût, il pouvait m'initier à autre chose que du U2.

Ses mots exacts: «Tu sais, un jour il va falloir que tu découvres autre chose que U2, en musique.» Puis, ceci: «Tu sais, si un jour t'as 100 piasses à dépenser en musique, j'ai des recommandations pas piquées des vers. Connais-tu Nick Cave?»

J'ai, comme, genre, style tiqué. Dans la voix de mon jeune et intrépide collègue, il y avait, comment dire, attendez que je trouve le mot... Oui, c'est ça: il y avait une pointe d'ironie. Paul, d'ordinaire si révérencieux à l'égard de ses aînés, faisait dans l'ironie. Je peux me tromper. Mais Paul était ironique. Je le sens.

Mais le plus douloureux, c'est que Paul a raison. Mes goûts musicaux sont navrants. Je suis un enfant de la radio top 40 et de la chanson pop. Je connais Jeanne Masse par coeur parce qu'elle jouait à CKMF. Idem pour le hit de la princesse de Monaco.

Parce qu'à la maison, tant chez ma mère que chez mon père, il n'y avait pour ainsi dire pas d'aventurisme musical. C'était comme ça. Ma mère aimait ABBA, ce qui est peut-être dans le vent façon vintage de nos jours, mais ce ne l'était pas vraiment en 1982. Ma mère avait aussi des microsillons de Zamfir.

Chez mon père, c'était Elvis, Ginette Reno, Julio Iglesias et un crooner français dont j'oublie le nom. Herbert quelque chose.

Je n'ai pas été exposé, jeune, à du Janis Joplin, du Pink Floyd, du CCR, Black Sabbath, Black Flag ou quelque groupe en marge du top 40. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que mon premier 33 tours dûment acheté était celui de Lionel Richie. Le deuxième: Thriller, de Michael Jackson.

Je suis encore atteint de conformisme musical à l'âge adulte. Il y a U2, qui domine. Mais je sais bien que musicalement, les Irlandais sont l'équivalent de la crème glacée aux pistaches. Des écrivains qui chantent, façon Cohen et Bashung. Rien de vraiment décapant dans mon iPod. Rien d'avant-gardiste.

Paul est revenu sur le sujet, hier, en m'offrant de me copier de la musique sur quelques CD vierges.

- «Tu trouves que mes goûts musicaux sont n...

- ... ils sont, m'a-t-il interrompu, perfectibles.

- Ah... »

Et Paul m'a parlé de Tom Waits, de Charles Mingus, Animal Collective, des White Stripes...

Le pire? Je ne les connais pour ainsi dire pas.

Le plus effrayant, c'est que je crois que ce conformisme se transmet de père en fils. Mon héritier, en bonne petite éponge, a reconnu une chanson que j'ai fait jouer en boucle, lors d'un voyage, à l'été 2008, vers la mer. «Papa, c'est la chanson d'Ogunquit!» Le petit avait reconnu Viva la Vida.

Ça va, Coldplay, Paul, c'est correct? C'est perfectible? C'est navrant? té