Robert RabinovitchBureau des gouverneursUniversité McGill

Cher Bob,

Je viens de lire dans La Presse l'article qui décrit le détail de vos notes de frais, pendant les trois dernières années de votre mandat comme président de Radio-Canada/CBC. Vous savez, le papier qui parle de chambres d'hôtel à 1000$ la nuit, de voyages en première classe, de location de limousines pour faire l'aller-retour Montréal-Ottawa?

Je constate que vous ne vous êtes rien refusé! Après tout, pourquoi auriez-vous fait l'effort de vous "booker" une chambre au Best Western Cape Suites du Cap (moins de 100$ la nuit, ces jours-ci), en Afrique du Sud, en 2004, quand vous pouviez dormir au légendaire Mount Nelson Hotel (930$ la nuit)?

Il est vrai que quand vous avez décidé de facturer près de 4000$ pour ces quatre nuits dans ce qui est à mon humble avis la plus belle ville d'Afrique du Sud (Bob, vous êtes allé gambader à Table Mountain, au moins?), vous ne saviez pas qu'un jour, ces gâteries tomberaient vulgairement dans le domaine public. Vous ne saviez pas que Radio-Canada serait un jour soumise à la Loi sur l'accès à l'information. Oups.

Vous savez, Bob, ce qui m'irrite royalement, ce n'est pas que vous ayez séjourné au chic Mount Nelson Hotel, à (presque) 1000$ la nuit. Ni que vous ayez fait le voyage en première classe, à 12000$ le billet.

Non, ce qui m'irrite royalement, c'est le but du voyage.

Un événement du Museum of Television and Radio, Bob? Come on!

Voici un événement qui aurait dû figurer au 127e rang de vos priorités comme président-directeur général d'une grande boîte médiatique publique comme Radio-Canada/CBC, mon gars. Peut-être même au 167e rang. C'est une bébelle protocolaire sans aucune importance réelle ou concrète pour l'entreprise que vous dirigiez.

Mais Le Cap, c'est si beau...

Vos factures de restaurant? Bah, je peux vivre avec ça. Je comprends que le président-directeur général de Radio-Canada/CBC invite ses collaborateurs et partenaires d'affaires ailleurs qu'au St-Hubert ou chez Scores. Là où je décroche, Bob, c'est sur la question des limousines!

Je lis le papier d'Hugo de Grandpré et de William Leclerc, qui ont eu accès à vos notes de frais (ce serait gentil de répondre aux appels d'Hugo, by the way) et je constate que deux fois, vous avez loué une limousine pour faire l'aller-retour Montréal-Ottawa. À 760$ le voyage. Quinze cents piasses de limousine pour aller à Ottawa!

Euh, Bob, je vais vous donner un scoop: il y a une compagnie ferroviaire qui s'appelle VIA Rail, voyez-vous. Et elle offre plusieurs départs quotidiens pour Ottawa. Il y a même une classe affaires, pour les gros bonnets! Pour 110$, on a droit à un billet aller-retour. Génial, non? Il y a même l'internet sans fil à bord! Une économie de 650$, si on compare à la limo...

Je déconne, je fais du sarcasme à vos dépens (mon seul recours) mais c'est quand même fascinant de constater que quand il y a des dépenses discutables au sein de ministères, d'organismes ou de sociétés d'État fédéraux, ces sommes sont généralement très élevées. La preuve que dans ce pays, le fric est à Ottawa, non?

Tenez, hier, Renaud Lachance, vérificateur général du Québec, a tancé le gouvernement pour une affaire de dépenses suspectes remboursées au grand boss de la Société immobilière du Québec: 21 000$. Des pinottes! Oui, pour mener une vie de pharaon, Bob, il faut être une grosse gomme à Ottawa. Pas à Québec.

Ah, j'oubliais, Hugo de Grandpré me disait, hier, que vous vous faisiez également rembourser les films que vous visionniez dans les hôtels. Il me parle d'une vingtaine de films ainsi remboursés. Tous des films susceptibles d'être achetés, un jour, par Radio-Canada/CBC, sans l'ombre d'un doute. Toujours sur la job, hein, Bob!

J'aime l'idée que mes taxes et impôts financent Radio-Canada, malgré ses défauts immenses, Bob. Je n'aime juste pas l'idée que je paie des voyages inutiles en première classe à ses patrons. Ça me donne des boutons. Je crois aussi que ce genre de révélation donne des munitions aux ennemis du diffuseur public.

Mon collègue de Grandpré me disait que vous vous faisiez également rembourser le service de câble. Chez vous ET au chalet. Eh, vous étiez boss de télé, il faut bien que vous la regardiez! Je comprends ça. Mais avouez que faire affaire avec Illico, de Vidéotron, propriété de Quebecor Media, qui livre une guerre sans merci au diffuseur public, sur tous les tableaux, c'est un peu pic pic, Bob. C'est pas très business, disons!

Mais j'oubliais, vous n'êtes pas un homme d'affaires. Vous êtes un apparatchik qui a joué au magnat de type Citizen Kane avec l'argent des taxes. Nuance.

Je suis curieux, Bob. Quand vous avez appris qu'Ottawa vous flushait, en novembre, avez-vous pleuré la fin de ce pharaonique mandat? Si oui, vous êtes-vous mouché dans de fins mouchoirs fabriqués avec de la soie importée de Chine?

C'est le genre de dépense que je vous imagine bien réclamer dans vos notes de frais, Bob.

Bien à vous,

Pat