Notre chroniqueur Patrick Lagacé a interviewé séparément deux Israéliens et deux Palestiniens. Voici, dans leurs mots, dans leur colère, dans leurs frustrations et, parfois, dans leur demi-vérités, comment ils voient le conflit israélo-palestinien en général et la guerre de Gaza en particulier.

OLIVIER RAFOWICZ (Français d'origine, lieutenant-colonel dans l'armée israélienne, dont il est porte-parole. Basé à Sderot, ville située près de la bande de Gaza) - S'il n'y a pas de campagne militaire du Hamas contre Israël, il n'y a pas d'opération israélienne sur Gaza.

 

JIHAD RADI (Palestinien, résidant de Hébron, a vécu 30 ans aux États-Unis, dont il est citoyen) - Les gens de Gaza sont assiégés depuis l'élection du Hamas, en 2006. Ils n'ont que les denrées de base pour survivre. Le Hamas n'a pas le choix de se défendre, d'envoyer des roquettes sur Israël pour se défendre. Personne ne l'écoute!

ATARA ORENBOUCH (Israélienne, 35 ans, mère de six enfants, habite Sderot) - J'ai espoir que la guerre va mettre un terme à ces tirs de roquettes. Je ne me souviens pas de la vie avant ces Kassam! Avant d'avoir peur. Maintenant, nous sommes toujours prêts à nous cacher, dès que l'alarme sonne.

ABOU MOHAMMAD (Palestinien, père de famille, habite Gaza, interviewé au téléphone à l'aide d'une interprète) - Ils tirent des airs, de la terre, de la mer.

OLIVIER RAFOWICZ - Le Hamas est hostile à Israël. Donc, nous avons hermétiquement fermé les portes de Gaza en 2006. Un voisin comme le Hamas, ça ne donne pas une relation comme celle du Canada avec les États-Unis. C'est un groupe qui veut instaurer un régime islamique sur les territoires occupés.

JIHAD RADI - Lors des élections de 2006, le monde a envoyé des observateurs pour être certain que les élections seraient justes. Elles ont été justes. Le Hamas a gagné ces élections législatives. Les gens ont parlé. Mais le monde a décidé de ne pas reconnaître le Hamas et de ne pas lui parler. Maintenant que le peuple a parlé, vous ne voulez plus la démocratie!

OLIVIER RAFOWICZ - La seule chose qu'ils comprennent, c'est la force. On a essayé la politique, les petites incursions ciblées. Ça ne marche pas.

JIHAD RADI - Pourquoi Israël refuse-t-il de parler au Hamas?

OLIVIER RAFOWICZ - On a affaire à ce groupe, le Hamas, qui a tué 500 Israéliens avec des bombes humaines! On n'a pas affaire à des gens qui parlent de paix et de tolérance. Regarde en Cisjordanie, où le Hamas n'a pas le pouvoir. Ce n'est pas la même chose du tout.

JIHAD RADI - Si les Palestiniens étaient prospères, s'ils avaient l'espoir d'un avenir meilleur, pensez-vous que ces jeunes gens iraient dans les usines de bombes pour devenir des martyrs? Non.

OLIVIER RAFOWICZ - Le Hamas a réussi à créer une bunkerisation d'Israël, avec ces milliers de roquettes tirées de Gaza depuis 2001. Comment arrête-t-on cette menace?

JIHAD RADI - Avec des hélicoptères, Israël assassine des leaders du Hamas. Le siège n'a jamais cessé depuis l'élection du Hamas!

ATARA ORENBOUCH - Nous avons tout de suite aimé Sderot. C'est une belle communauté. Mais c'était avant les roquettes Kassam. Je me souviens encore du boum de la première roquette tombée sur Sderot. Un enfant de 2 ans a reçu des éclats dans la jambe. Quand nous vivions près de Kfar Saba, dans le centre d'Israël, c'était différent. Les Arabes lançaient des pierres.

ABOU MOHAMMAD - Nous vivons dans des conditions désastreuses. Qu'importe comment je vous décris ces conditions, la réalité est pire encore.

ATARA ORENBOUCH - Les roquettes tombent sur nos maisons, nos écoles, nos maternelles, dans le sud d'Israël.

ABOU MOHAMMAD - L'armée israélienne ne fait pas de distinction entre civils et combattants, entre animaux et humains. Ce qu'ils voient, ils tirent dessus. Quand les Israéliens voient quelqu'un, ils tirent. On ne peut pas quitter nos maisons.

ATARA ORENBOUCH - Les bombes d'Israël sont très précises, vous savez. L'armée appelle même les familles pour leur dire de fuir, avant de frapper.

ABOU MOHAMMAD - Notre maison a été détruite. Nous avons eu un appel nous enjoignant de partir. Nous avons fui quand l'édifice non loin de notre maison a été bombardé. Ils tirent même sur des chrétiens. Je connais un chrétien, Abou Salim Seba, dont le fils a été tué.

JIHAD RADI - L'Ouest ne comprend pas nos appels. Le monde entier se fiche de ce qui se passe à Gaza.

OLIVIER RAFOWICZ - Il y a de l'incompréhension, chez vous, face à Israël: nous sommes vus comme les méchants Israéliens qui bombardent la pauvre Gaza. Nous répondons à une agression.

ABOU MOHAMMAD - Nous n'avons pas beaucoup d'espoir de voir le monde nous aider. Tous les efforts diplomatiques ont un parti pris en faveur d'Israël.

JIHAD RADI - Les médias sont manipulés par Israël. Tout ce que le monde veut comprendre, c'est Hamas = terroristes. Les médias ne font que relayer le message selon lequel Israël a le droit de se défendre. Mais 3 millions de personnes ont voté pour le Hamas!

ABOU MOHAMMAD - Israël a refusé un cessez-le-feu. Oui, le Hamas aussi, c'est vrai. Mais comment le Hamas peut-il accepter un cessez-le-feu qui ne comprendrait pas la fin du bouclage de Gaza?

OLIVIER RAFOWICZ - Si 28 morts du côté d'Israël contre 600 à Gaza, c'est disproportionné? Non. Les gens ne comprennent pas qu'Israël est bombardé par ces roquettes. On devrait attendre à combien de morts avant de répliquer? À 500? On a dit et on a répété au Hamas d'arrêter ces tirs de roquettes.

JIHAD RADI - Israël a peur d'être détruit par le Hamas. Quelle blague! Il possède l'armée la plus puissante du Proche-Orient!

ABOU MOHAMMAD - Quand un attaque semblable nous est imposée, on ne peut pas cesser de résister.

JIHAD RADI - Les gens veulent résister à l'occupant! Gaza et la Cisjordanie sont entourés par les Israéliens. Nos mouvements sont contrôlés par les Israéliens. C'est une prison. Il y des murs, des check points!

ATARA ORENBOUCH - Quand les Juifs ont évacué Gaza, il y a eu encore plus de tirs de roquettes.

OLIVIER RAFOWICZ - Comment devrait-on réagir? Que devrait-on faire? J'attends la réponse. Dites-la moi et je la passe à mon état-major. Être menacé de façon permanente, c'est aussi être victime.

ABOU MOHAMMAD - L'école de l'ONU abritait des réfugiés jetés hors de leurs maisons. Israël a attaqué cette école sans raison. Il y a eu plusieurs morts innocents.

OLIVIER RAFOWICZ - Votre armée est en Afghanistan. Demandez-leur comment les talibans agissent avec les civils. Ils les utilisent comme boucliers humains. C'est le modus operandi de toutes les milices islamistes. Des terrorises du Hamas utilisaient cette école pour tirer sur nos soldats.

ABOU MOHAMMAD - Si le Hamas utilise les civils comme boucliers humains? Ce n'est pas vrai du tout. Nous ne voyons même pas les combattants de la résistance! C'est une fausse accusation.

OLIVIER RAFOWICZ - Pourquoi l'ONU ne confirme-t-elle pas que son école était utilisée comme base pour lancer des roquettes? Je ne sais pas.

ATARA ORENBOUCH - Vous me demandez si 600 morts à Gaza contre 28 tués par des Kassam, c'est disproportionné? Je vous réponds qu'une armée a le droit de combattre une armée.

JIHAD RADI - Regardez les hélicoptères Apache. Ce sont de puissantes armes. Les résistants n'ont pas accès aux armes fournies à Israël par les Américains! Le Hamas défend les gens.

OLIVIER RAFOWICZ - On n'a pas affaire à des gens qui parlent de paix et de tolérance. En Cisjordanie, le Hamas n'a pas le pouvoir. La situation y est plus calme.

ATA ORENBOUCH - Pourquoi devrais-je avoir plus de compassion pour leurs enfants qu'ils n'en montrent pour les nôtres? Ils n'ont pas de compassion pour mes enfants!

ABOU MOHAMMAD - La popularité du Hamas a explosé de 200%! Cette attaque israélienne a rendu le Hamas plus fort.