J'espère que depuis hier, depuis le dépôt du rapport du coroner sur la tragédie de Dawson, l'agent Alain Diallo dort mieux.

Le 13 septembre 2006, Kimveer Gill, en entrant dans le collège Dawson, fait feu sur des élèves. Il était très exactement 12h42 minutes et une seconde, selon le coroner Jacques Ramsay.

 

La salve prend fin à 12h42 et 6 secondes et atteint une poignée de collégiens.

Par hasard, Alain Diallo et sa coéquipière Anne-Marie Dicaire arrivaient sur les lieux, sur De Maisonneuve, pour répondre à un appel de routine. Ils étaient tout près de Gill quand il a ouvert le feu.

À 12h42 et 9 secondes, l'agent Diallo bondit hors de la voiture du SPVM et prend le tireur fou en chasse.

Le miracle, dans la tragédie de Dawson, il est là. Dans la présence providentielle de deux flics, Dicaire et Diallo, quand Gill se pointe à Dawson, pour «son triste et dernier coup d'éclat», dixit Jacques Ramsay.

Le miracle, c'est qu'en se lançant aux trousses de Gill, Alain Diallo a forcé le détraqué à se mettre immédiatement en mode défensif.

Or, à l'entrée du boulevard De Maisonneuve, Gill a vidé son chargeur de 10 balles. Avec Diallo aux fesses, déduit le coroner, Gill n'est plus un prédateur. Il devient une proie.

«L'agent Diallo sauve plusieurs vies ce jour-là, écrit Ramsay. En se lançant immédiatement à sa poursuite, l'agent Diallo ne laisse pas à Kimveer Gill le loisir de changer pour un chargeur plein, ce qui lui aurait permis de faire une dizaine d'autres victimes...»

J'ai interviewé l'agent Diallo il y a un an, avec quatre de ses collègues, tous intimement impliqués dans la «neutralisation» de Gill. Des cinq flics, Diallo était le plus ébranlé, un an après les faits. Il s'arrêtait, parfois, incapable de poursuivre son récit, la lèvre tremblante. Vous savez, quand on arrête de parler pour ne pas pleurer...

Plus tard, un autre policier, après l'entrevue, m'a dit dans le creux de l'oreille: «C'est juste que Diallo, il s'en veut encore...»

Alain Diallo, 35 ans, qui ne comptait qu'un mois de service, au moment des faits, ne pensait pas aux dizaines de vies qu'il avait sauvées, un an auparavant. Il pensait à la vie fauchée par Gill, celle d'Anastasia De Sousa, quand le tueur est entré dans la cafétéria.

Mais le coroner est formel: l'agent n'a pas eu l'occasion d'abattre Kimveer Gill, entre les portes du collège et son entrée dans l'Atrium de Dawson. «L'agent Diallo n'a jamais (eu) l'opportunité de l'atteindre.»

Voilà, c'est dit, agent Diallo. Relevez la tête...

Le rapport du Dr Ramsay est très complet. Les détails abondent, notamment sur l'état d'esprit de Kimveer Gill et sur le travail des policiers accourus sur les lieux. Grâce aux témoignages des agents, aux propos de Gill trouvés dans son ordinateur et aux caméras de surveillance, notamment, le coroner fait une reconstitution impressionnante de la tragédie.

Ce qu'il dit cependant, entre les lignes, c'est qu'il était presque impossible de dépister la bombe à retardement qu'était Kimveer Gill. Ni le système de santé, ni la police, ni ses proches ne pouvaient anticiper ce 13 septembre funeste.

Des milliers de fous vivent - pardon, subissent - leur délire dans le huis clos de leur imaginaire. Sans aller acheter des armes pour matérialiser leur délire...

Reste les armes, justement. Le coroner est clair, là-dessus. Les armes qui permettent de tuer beaucoup de gens, rapidement, ce sont les armes automatiques et semi-automatiques.

Je ne suis pas un maniaque du contrôle des armes. Un chasseur veut tirer du chevreuil? Qu'il le fasse. Un fermier veut éliminer les marmottes et tuer sa vache malade? Qu'il le fasse.

Mais ont-ils besoin d'une arme semi-automatique comme le CX4 Storm qu'a utilisé Gill? Une arme qu'on fait simplement, et illégalement, passer en mode automatique en y branchant un chargeur de 10 cartouches?

Au fait, qui a besoin d'une arme qui peut tirer dix balles en cinq secondes?

Oui, Gill n'a fait, par miracle, qu'une seule victime. Mais son puissant CX4 lui a permis de tenir en respect les policiers pendant de longues minutes, pendant lesquelles il a pu blesser plusieurs personnes.

L'Australie a interdit ces armes automatiques et semi-automatiques. «L'évidence disponible à ce jour, écrit le coroner Ramsay, indique d'ailleurs que les mesures prises en Australie ont eu un effet dissuasif considérable qui devrait aujourd'hui faire réfléchir des pays comme le nôtre.»

Justement, une campagne électorale commence bientôt. Il y a de pires sujets, il me semble, pour occuper ceux qui courtisent nos votes...

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