Vous pensez que vous avez tout entendu? Qu'avec la vidéo de ses conversations de macho parvenu et de harceleur vaniteux, Trump avait atteint le fond du baril? Qu'il ne pouvait pas tomber plus bas dans le mauvais goût, le sexisme et la misogynie? Détrompez-vous. This is just the beginning. Ce n'est que le début. C'est ce qu'a tweeté Bill Pruitt, un des producteurs de l'émission The Apprentice, samedi.

Sur le coup, j'ai pensé qu'il s'agissait d'une fausse rumeur, d'une mauvaise blague ou peut-être même d'une usurpation d'identité. Mais non. Le lendemain, Chris Nee, qui travaille pour la boîte qui a produit The Apprentice, a clamé que d'autres vidéos compromettantes de Trump et de ses trumperies existaient bel et bien. Si elles ne sortaient nulle part, c'était pour des raisons purement légales et financières. La productrice et ses acolytes auraient signé une clause de confidentialité et seraient passibles d'une amende de 5 millions s'ils étaient reconnus responsables de la fuite des vidéos.

D'ailleurs, ce n'est même pas l'équipe de The Apprentice qu'on doit féliciter pour la révélation au grand jour d'une vidéo qui a bien failli avoir la peau de Trump. Les vrais héros, ce sont les gens qui travaillent à l'émission à potins Access Hollywood de NBC. Ce sont eux qui ont déterré la vidéo tournée par leur équipe. Et c'est nul autre que Trump qui leur a mis la puce à l'oreille et qui les a provoqués.

Ça s'est passé tout juste après le premier débat. Furieux qu'Hillary ait ressorti la triste et pitoyable histoire d'Alicia Machado, qui a été humiliée à plusieurs reprises devant et derrière la caméra par Trump, ce dernier a voulu se venger. Le lendemain du débat, Trump s'est mis à salir l'ex-Miss sur les réseaux sociaux en l'accusant d'avoir un passé douteux et d'avoir enregistré un soi-disant sex tape que personne au demeurant n'a jamais trouvé. 

L'acharnement misogyne de Trump à l'égard de cette femme a rappelé à l'équipe d'Access Hollywood toutes les grossièretés que Trump avait lui-même proférées à leur antenne, les dizaines de fois où il y a été interviewé. Les membres de l'équipe se sont relayés pour fouiller les archives et trouver un enregistrement compromettant qui rendrait à Trump la monnaie de sa pièce. Ils ont fini par le trouver et ils allaient le diffuser, mais non sans avoir coupé les répliques qui incriminaient l'animateur Billy Bush. 

Comme le montage ralentissait tout le processus, quelqu'un dans l'équipe a dû perdre patience et a refilé la vidéo au Washington Post. Dans les circonstances, c'était la meilleure chose à faire, vu la crédibilité légendaire d'un quotidien qui a réussi à avoir la tête d'au moins un président: j'ai nommé Richard Nixon.

Voilà pour la petite histoire. 

Pour le reste, c'est quand même incroyable de penser que si Trump finit par tomber pour de bon, ce sera à cause du sexe. Comme si, pour les Américains, le sexe était la dernière frontière, voire la seule limite à ne pas franchir. Hormis le sexe, tout semble en effet permis et sans conséquence.

Ainsi, Trump aura eu beau mentir impunément à la face de ses électeurs, dire n'importe quoi sur tout et sur rien, traiter les Mexicains et les musulmans de tous les noms, se comporter comme un goujat, se vanter de n'avoir payé aucun impôt, flirter avec le président Poutine et demander aux services secrets russes de pirater les courriels de Hillary, tout cela n'était pas important ni assez grave pour le désavouer.

Tout cela, c'était de la petite bière, en comparaison de quoi dans le fond? En comparaison de deux gros mots - fuck et pussy -, deux mots grossiers décrivant une mentalité, un état d'esprit, un rapport aux femmes qui les décapite et les réduit à des objets sexuels, mais qui n'en demeurent pas moins des mots.

Je ne suis surtout pas en train de dire que Trump a été injustement accusé pour des propos anodins. C'est évident que si Donald Trump tient un tel discours sur les femmes, et même pas avec un proche ou un intime, mais avec le premier venu, c'est qu'il se sent parfaitement à l'aise de le faire, qu'il n'éprouve aucun scrupule à penser ce qu'il pense et que de la parole aux actes, il n'y a qu'un pas que Trump ne doit avoir aucun problème à franchir.

L'ironie de l'affaire, c'est que son adversaire est quand même la femme d'un homme qui n'a pas hésité à passer à l'acte alors qu'il était président.

D'ailleurs, je me demande si l'indignation des Américains à l'égard des propos sexistes de Trump n'est pas directement liée au scandale sexuel du président Clinton.

Se pourrait-il que le peuple américain vienne de réaliser qu'il connaît ce film, qu'il a même joué dedans au moment de l'affaire Clinton-Lewinsky et que son remake est quasi assuré si jamais Donald Trump se rend jusqu'au bureau ovale?

Si c'est le cas, alors le sexe et l'obsession des Américains en la matière nous auront peut-être évité le pire. Pour une fois, comment s'en plaindre?