Si j'étais ministre de la Culture, qu'est-ce que je ferais? Honnêtement? Franchement? Je n'en ai aucune idée. Enfin, il faudrait que j'y réfléchisse très longtemps avant d'avoir une idée claire des orientations à prendre.

Comme la plupart des journalistes, je suis assez bonne pour critiquer les ministres de la Culture, mais pas sûre que j'aimerais être à leur place. Pas sûre non plus que je serais plus compétente. C'est en partie pour cette raison que j'aime tant lire les lettres publiées depuis quelques jours sur le site du Conseil québécois du théâtre (www.cqt.ca).

Dans le cadre de la campagne électorale, le Conseil a demandé à un éventail de personnalités artistiques, médiatiques et politiques d'écrire une lettre sur le thème «Si j'étais ministre de la Culture». J'avoue qu'ils ont fait appel à moi et que j'ai humblement décliné leur offre. D'autres ont été plus courageux ou plus téméraires. C'est le cas de Maria Mourani, Martin Faucher, Simon Brault, du sociologue Guy Rocher, de Suzanne Lebeau et Gervais Gaudreault du Carrousel. À leurs lettres déjà publiées, s'ajouteront bientôt celles de Monique Giroux, Benoît Dutrizac, Margie Gillis, Mathieu Bock-Côté et Carole Fréchette.

Ce que j'aime dans ce concept, c'est que plutôt que de dresser une liste d'épicerie de revendications acrimonieuses, on a préféré faire appel à l'imagination des gens et, à la limite, à leurs fantasmes. Ce que j'aime aussi, c'est que ces lettres obligent ceux qui les écrivent à se mettre à la place de ceux qu'il est si facile de critiquer. C'est un appel à la fois au rêve et au pragmatisme qui a le mérite de nous changer des sempiternels débats de statistiques et de chiffres.

Jusqu'à maintenant, les lettres sont le reflet de ceux qui les écrivent. Forcément. Simon Brault est un habile politicien, et c'est ce qui transpire de sa lettre. «Si j'étais ministre de la Culture, écrit-il, je m'assurerais de poursuivre une conversation de tous les instants avec tous mes collègues titulaires des Finances, du Développement économique, de l'Éducation, etc.» Maria Mourani, toujours aussi gentiment démagogique, demanderait aux jeunes artistes des régions de l'aider à les aider... Suzanne Lebeau, la codirectrice artistique du Carrousel, bifferait du nom de son ministère le mot Communications et «décaperait le mot Culture, des sens restrictifs et réducteurs qui en font un fourre-tout pour les jeux vidéo, le tricot et les recettes de cuisine». Mais la plus belle mesure de son plan d'action est la suivante: «Aimer notre culture, la connaître, la fréquenter dans son foisonnement délirant et savoir convaincre que la Culture d'ici, d'une vitalité exceptionnelle, s'impose comme une des plus originales du monde.»

Une autre belle lettre, sans doute ma préférée, est celle du sociologue Guy Rocher. D'entrée de jeu, il annonce que le poste de ministre de la Culture ne l'intéresse pas. Par contre, celui de sous-ministre (sans doute plus puissant), ça oui!

Guy Rocher proposerait d'abord à son ministre de voir large et de considérer son ministère comme celui de... la Beauté.

«Les Québécois, écrit le sociologue, ont une belle sensibilité, mais leur esthétique demeure en friche [...] Il y a énormément de travail à entreprendre pour faire vivre les Québécois dans la Beauté, celle des résidences privées, des immeubles publics, des écoles, des théâtres [...] Le paysage construit, c'est le fondement visuel d'une culture faite de respect de l'Art.»

Un ministère de la Beauté, quelle belle idée! Pas juste une idée en l'air, mais un rappel que la culture, fondamentalement, ce n'est pas de la consommation, pas la dernière tendance à la mode, c'est une vague de fond, une façon de voir le monde, de s'en approcher, de tenter de la comprendre et d'être bouleversé par sa beauté. Une culture qui respecte l'art, c'est avant tout une culture qui fuit le nivellement par le bas et la vulgarité sous toutes ses formes, qu'elles soient musicales, littéraires ou architecturales. Et à ce chapitre, le sociologue a raison: il y a du pain sur la planche. Mais avec un peu de chance, le futur ministre de la Culture aura lu cette lettre et les autres. Souhaitons qu'il s'en inspire pour son futur ministère de la Beauté.

ON EN PARLE TROP

Du blogueur Gab Roy. Moi la première. Mea-culpa. Beaucoup n'ont pas apprécié ma chronique à son sujet. Qu'ils sachent que je souscris à tout ce que j'ai écrit sauf la chute de ma chronique. Ce n'est pas vrai qu'un jour, Gab Roy pourra dire à ses enfants qu'il a fait oeuvre utile. Il n'a fait oeuvre de rien du tout, et ses enfants n'auront pas à être fiers de lui. La prochaine fois, je soignerai mieux ma chute.

ON N'EN PARLE PAS ASSEZ

De la longue et touchante entrevue que Peter Lanza, le père du tireur fou de Sandy Hook, a accordée à Andrew Salomon dans le magazine New Yorker du 17 mars. Avec beaucoup de courage et de franchise, le père décrit sa vie avec un fils Asperger qui souffrait d'autres troubles non diagnostiqués. C'est crève-coeur, douloureux, mais éclairant. À lire.