Cinq lettres et un mot impossible à prononcer: gmooh, l'acronyme de Get me out of here (Sortez-moi d'ici). Or, selon Virginia Mousseler, cofondatrice de WIT, une agence de veille médiatique qui compile et analyse les émissions de télé du monde entier, le gmooh est la tendance de l'heure en télé.

Les présentations de Virginia Mousseler dans le grand auditorium du Palais sont l'évènement le plus couru du Mipcom. La tradition s'est poursuivie cette année avec une salle bondée et des dizaines de retardataires suppliant qu'on les laisse entrer.

Pendant une heure, la cofondatrice de WIT a présenté des extraits d'émissions pratiquant le gmooh pour combattre les affres de la récession.

La recette du gmooh est simple: elle part du principe que rien ne va plus et que les gens sont généralement insatisfaits de leur sort. Leur entreprise va mal, leur resto est vide ou leur fils de 30 ans colle encore à la maison, peu importe. La télé va voler à leur secours et les sortir du pétrin.

Dans The takeover, le patron remet les clés de son entreprise mal en point à ses employés qui ont deux semaines pour trouver une solution ou faire une révolution. Dans Show me your money, tous les employés d'une entreprise révèlent leur salaire et, par la même occasion, découvrent le salaire de leurs camarades, tout cela dans le but d'accéder à une rémunération plus juste et équitable.

Dans Get out of my House, une dizaine de Tanguy trentenaires et israéliens sont envoyés dans un camp de redressement pour apprendre l'autonomie et sortir des jupes (et de la maison) de maman.

Dans The Taming of the Shrew, huit jeunes détenues britanniques, tout droit sorties d'Unité 9, se livrent une compétition féroce pour dépasser leur condition et obtenir un rôle dans une pièce de Shakespeare.

Dans l'émission espagnole Maman vote pour moi, le jury d'un concours, semblable à The Voice, est uniquement composé des mères des candidats, prêtes à bien des bassesses pour faire triompher leur progéniture.

Dans 100 Days of Being, le candidat danois a un mois pour lancer un mouvement dans son pays. Dans Botox ou brocoli, un participant choisit la voie du Botox, l'autre du brocoli. À la fin, on vote pour celui qui a l'air le plus jeune et en forme. Et dans Celebrity Splash des Pays-Bas, des vedettes, pas mal moins entraînées qu'Alexandre Despatie, se soumettent à l'épreuve du plongeon, sous prétexte que lorsque les vedettes tombent, les cotes d'écoute montent.

Autant dire qu'au bout d'une heure de ce menu hallucinant, on se dit qu'avec des émissions pareilles, pas étonnant que le monde aille si mal.

À l'école de la copro

Sylvain Lafrance, directeur du Pôle médias de HEC Montréal, était de retour au Mipcom pour la première fois depuis qu'il n'est plus vice-président de Radio-Canada.

Il n'y était pas pour la conférence de Pierre Karl Péladeau, même si les deux anciens ennemis ont été vus en grande conversation amicale au 5 à 7 de l'Espace Québec. Il y était pour lancer le premier volet du Pôle médias des HEC: un séminaire d'été sur la coproduction entre la France et le Québec, qui se tiendra l'été prochain à Montréal et à Paris.

L'initiative, appuyée par la SODEC et le Fonds des médias du Canada, est le fruit d'un nouveau partenariat entre les HEC et l'INA (L'Institut national de l'audiovisuel de France) et s'adresse uniquement aux producteurs professionnels. Qui sait si Pierre Karl Péladeau, qui plaide pour que les producteurs québécois se tournent davantage vers le marché international, n'ira pas s'inscrire.

Monsieur Bell cause tuyauterie

Wade Oosterman, président de Bell mobilité et de Bell services résidentiels, est un homme de parole. Même si son vol a été annulé à la dernière minute et qu'il a été obligé de faire de la gymnastique aérienne, il tenait absolument à prononcer sa conférence au Mipcom. D'autant plus que le Canada, pays à l'honneur cette année, n'avait invité que deux conférenciers de marque, lui et Pierre Karl Péladeau.

Monsieur Bell est finalement arrivé à temps pour s'avancer au micro du grand auditorium, un privilège que n'a pas eu Pierre Karl Péladeau, relégué à une plus petite salle au 5e étage du Palais des festivals. Malheureusement, monsieur Bell aurait mieux fait de rester chez lui.

Pendant 30 minutes, le président d'une entreprise qui s'apprête à devenir le plus important pourvoyeur de contenu au Canada (si la vente d'Astral à Bell est approuvée) nous a parlé non pas de contenu, mais de... tuyauterie, c'est-à-dire de fils et de câbles. Chiffres à l'appui, il nous a appris que de plus en plus de gens consomment des contenus sur leur mobile et leur tablette numérique. Sans blague, il y a cinq ans, son discours aurait été fascinant.

Mais en 2012, au Mipcom, marché à la fine pointe de la révolution numérique, tout cela semblait dépassé et redondant. Monsieur Bell s'est préoccupé du contenu une seule fois, en affirmant que le contenu devait être pensé en fonction de la taille des écrans. À la fin d'une allocution gentille et un brin soporifique, l'auditoire clairsemé a applaudi poliment en ne pensant qu'à une chose: sortez-nous d'ici au plus vite.