C'est mon coup de coeur de l'été. La série télé que j'allais regarder en cachette au lieu de prendre le soleil, de plonger dans le lac ou de faire du vélo.

Un journaliste en vacances reste un journaliste, toujours à l'affût du moindre os en lien avec son métier. Avec The Newsroom, la nouvelle série de HBO, j'ai été gâtée.

Signée Aaron Sorkin (The West Wing, The Social Network), The Newsroom raconte les tribulations d'une chaîne d'info câblée et de son animateur vedette, Will McAvoy (Jeff Daniels).

À la suite d'une crise existentielle doublée d'une crise de nerfs où, dans une scène d'anthologie, il s'en prend publiquement à tout ce qui fait que les É.-U. ne sont plus «le plusss meilleur pays au monde», le brave Will devient une sorte de justicier de l'information.

Républicain de la vieille école, Will déteste les dérives idéologiques de son parti et devient vite l'ennemi juré de Sarah Palin et de ses amis du Tea Party. Bref, un gars sympathique...

Sept des dix épisodes de Newsroom ont été diffusés jusqu'à maintenant, récoltant des critiques calamiteuses. Moralisateur, verbeux, plate, prétentieux, tout le lexique des attributs honteux y est passé. Les critiques de télévision américains n'aiment pas qu'on leur fasse la leçon, surtout par un auteur qu'ils ont autrefois porté aux nues. Tant pis pour eux. Car même si je partage certaines de leurs réserves, cette série me ravit, notamment parce que les nouvelles qui se succèdent à l'écran sont de vraies nouvelles mais... de l'an passé: le désastre écologique provoqué par l'explosion de la plateforme du géant pétrolier BP, le Printemps arabe, la fusillade qui a gravement blessé la politicienne américaine Gabrielle Giffords, autant d'histoires qui, avec le recul, nous font voir comment l'information peut facilement déraper.

J'aime particulièrement l'épisode de la fusillade à Tucson. Alors que toutes les autres chaînes annoncent la mort de la politicienne et que Will se fait crier dans les oreilles par un patron qu'il doit en faire autant, la voix d'un adjoint s'élève: la mort d'une personne, c'est l'affaire des médecins, pas des nouvelles, tranche-t-il, au grand soulagement de Will. Cinq minutes plus tard, toutes les autres chaînes sont obligées de reconnaître que Giffords est bel et bien vivante.

Will McAvoy ne triomphe pas pour autant. Sa tête a été mise à prix par Leona, présidente de la chaîne interprétée par nulle autre que Jane Fonda. Ulcérée par les attaques répétées de Will contre le Tea Party, qui contribue généreusement aux caisses de la chaîne, Leona a promis de congédier Will. Va-t-elle réussir? Will va-t-il renoncer à ses grands principes pour sauver sa peau? Des heures de plaisir en perspective.

Le modèle espagnol fait peur

J'ignore si The Newsroom est diffusé en Espagne. En revanche, je sais que Leona existe quelque part à Madrid dans les officines du nouveau pouvoir de droite. Sept mois seulement après son élection, le gouvernement de Mariano Rajoy a décidé de faire un grand ménage journalistique. À la radio publique, deux animateurs d'affaires publiques ont été virés sans cérémonie. À la télé, quatre têtes parmi les plus influentes ont roulé. La dernière en date se nomme Ana Pastor. Elle était la Anne-Marie Dussault de l'émission du matin. Aimée du public, elle était reconnue pour ses entrevues musclées avec les politiciens. Elle a appris vendredi qu'elle perdait son émission d'actualité. Comme nous tous, elle croyait qu'informer le public sans partisanerie était un droit acquis. Elle vient de comprendre que ce droit est constamment menacé. Peu importe le pays.

Pendant ce temps à Ottawa...

Le 26 juin dernier, le ministre James Moore a nommé Rémi Racine président du conseil d'administration de CBC/Radio-Canada. M. Racine, patron de Behaviour, la plus grosse boîte indépendante de jeux vidéo, qui siégeait déjà sur le C.A., n'est pas un conservateur de placard. C'est un vrai bleu, ami avoué du ministre John Baird et ancien secrétaire national du Parti conservateur sous Mulroney. Qu'il ait été nommé par ses amis à ce poste névralgique est de bonne guerre. C'est même une excellente nouvelle pour la télé publique qui a besoin de tous les amis conservateurs qu'elle peut trouver.

Le problème n'est pas Rémi Racine, mais le siège qu'il laisse vacant et qui devra être comblé ainsi que les mandats expirés ou en voie de l'être de la moitié des membres du C.A., y compris celui du PDG Hubert T. Lacroix, qui prend fin le 1er janvier 2013. D'ici l'été prochain, James Moore devra donc nommer sept nouveaux membres au C.A., autant dire une masse critique d'amis animés par la même idéologie.

Les conservateurs réussiront-ils à mettre la télé publique au pas, à lui couper les ailes, à la contrôler jusqu'à l'étouffement? Si c'était de la fiction, l'histoire serait captivante. La réalité risque d'être autrement plus inquiétante.