«Honnêtement, je n'aime pas beaucoup le français. Faut dire que je ne suis pas très québécoise», dit Sarah avec un accent québécois à couper au couteau tandis que les deux copines à ses côtés rigolent en opinant du bonnet.

C'est ainsi que commence le reportage de la journaliste Catherine Kovacs sur l'état de la chanson d'expression française, diffusé cette semaine au Téléjournal de la SRC.

 

Avec les FrancoFolies qui approchaient à grands pas, la journaliste est allée sonder les jeunes inscrits au cégep dans des programmes techniques de chansons et de musique. Kovacs n'a pas eu le temps d'aller au cégep Saint-Laurent, mais elle a visité le cégep Marie-Victorin et celui de Drummondville.

Et ce qu'elle a trouvé, ce sont des jeunes comme Sarah et ses amies qui pensent que l'anglais leur ouvrira les portes du monde et qui ont très peu d'intérêt pour la création musicale québécoise et sa prolifique usine à chansons.

Peut-on blâmer ces jeunes filles qui étudient en interprétation de succomber à une chanson qui occupe une place dominante au sein d'une culture minoritaire perdue dans un océan anglophone? On ne peut pas les blâmer, mais on peut les chicaner, notamment parce qu'énormément d'efforts ont été faits pour conscientiser les jeunes et les initier à la chanson québécoise, y compris dans des émissions grand public comme Star Académie, où l'on puise abondamment dans le répertoire québécois.

On peut aussi chicaner Sarah et ses amies parce que lorsqu'on a pour langue maternelle le français et qu'on étudie dans un cégep francophone au Québec, la moindre des choses, c'est de s'intéresser à la culture dont on est issu avant d'embrasser celle des autres. Pour savoir où l'on va, il faut d'abord savoir d'où l'on vient.

Sarah et ses amies auraient pu faire cet effort-là. D'autant plus qu'elles n'étudient pas en techniques infirmières. Elles étudient en musique et en chanson. Mais elles ne sont pas les seules responsables de cette situation. Il y a les directions des cégeps qui ont une part de responsabilité. Mais surtout, il y a le ministère de l'Éducation qui, une fois de plus, a laissé faire.

Le programme de techniques professionnelles de musique et de chanson conçu pour aller sur le marché du travail après trois ans, a fait son apparition à Marie-Victorin il y a une dizaine d'années. Or, d'entrée de jeu, le Ministère n'a émis aucune directive précise au sujet du français et, surtout, n'a imposé aucun quota. À telle enseigne qu'en 2007, face aux trop nombreux élèves qui choisissaient des chansons en anglais pour leurs épreuves finales, la direction de Marie-Victorin a été obligée d'établir des règles. La première, c'est qu'une chanson sur les trois choisies par l'élève doit obligatoirement être en français. Les élèves peuvent puiser à même une banque des 100 plus grandes chansons françaises. Malheureusement, cette banque où Aznavour et Trenet côtoient Plamondon est datée et gagnerait à être revue et mise au goût du jour.

Il reste que la règle du un sur trois m'apparaît encore trop souple. À mon avis, elle devrait être inversée de manière à ce que les élèves ne puissent interpréter qu'une seule chanson en anglais contre deux en français. Après tout, quand ils finiront leur cégep, ils auront tout le loisir d'interpréter ce qui leur chante dans la langue de leur choix. Tant qu'ils sont à l'école, c'est à l'école de leur imposer ses choix, ses lois et de leur rappeler leurs obligations face à la société francophone dans laquelle ils vivent.

Sinon, à force de produire des interprètes de Queen ou de Beyoncé, un jour, il n'y aura plus de chanson originale québécoise. Il n'y aura que des covers de chansons anglaises comme dans le bon vieux temps des Hou-Lops et des Sultans. On connaît la chanson. Ce serait franchement désolant qu'elle résonne chez nous à nouveau.