Le maire Gérald Tremblay se repose jusqu'à lundi. Hier, son bras droit, Michael Applebaum, a dit: «C'est normal, il n'y a rien là.»

Rien là. La Ville est virée à l'envers, les citoyens sont révoltés devant le déballage de scandales à la commission Charbonneau, mais «il n'y a rien là». Il faut être déconnecté de la réalité.

On a eu droit au même aveuglement à Laval. «Il n'y a pas de crise», a dit un membre du comité exécutif quand le maire Vaillancourt a annoncé qu'il se «retirait temporairement pour des raisons de santé».

Un autre qui se repose.

Pauline Marois accentue la pression sur le maire Tremblay. Elle va bientôt l'appeler pour qu'il s'explique. Quand le premier ministre t'appelle pour que tu réfléchisses à ton avenir, ça veut dire que les carottes sont cuites.

Marois n'est pas la seule à le pousser vers la sortie. Le ministre responsable de la métropole, Jean-François Lisée, a dit que le «statu quo est intolérable» et le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, est horrifié par les révélations «hallucinantes» - c'est son expression - qui éclaboussent la Ville. Lui aussi demande au maire de réfléchir. Sa situation est intenable.

Pourra-t-il résister et s'accrocher au pouvoir? J'en doute. La question n'est plus s'il va partir, mais quand.

Sauf que son départ - s'il part - ne changera pas grand-chose, car son parti, lui, va rester au pouvoir jusqu'aux élections de novembre 2013. Encore un an, une éternité en politique.

Le maire est devenu le symbole de la corruption. Les allégations de la commission Charbonneau sont graves. Qu'il ait su ou non que son parti, Union Montréal, recevait 3% de la valeur des contrats, que l'argent passait entre les mains de la mafia et qu'il y avait tellement d'argent sale que le coffre-fort ne fermait pas ne change plus grand-chose. Il sait ou il ne sait pas ou il ne sait pas s'il sait, ou tous ces scénarios d'aveuglement volontaire, de Ponce Pilate ou de corrompu ont été brassés et rebrassés jusqu'à l'écoeurement.

Attendons les témoignages des poids lourds devant la commission Charbonneau, ceux qui étaient aux premières loges de la corruption, comme Bernard Trépanier, directeur du financement d'Union Montréal, ou Frank Zampino, président du comité exécutif, tous deux accusés de fraude, de complot et d'abus de confiance. Eux nous diront peut-être si le maire savait ou non. Si la Commission les convoque, évidemment.

Une chose est certaine, la crédibilité du maire frôle le zéro absolu. Selon un sondage Léger Marketing publié hier, à peine 1 Montréalais sur 10 veut que le maire reste en poste. Et 83% affirment que la hausse de taxes de 3,3% décrétée mardi est inacceptable.

Michael Applebaum a annoncé qu'il était prêt à revoir la hausse. Il a senti le vent de fronde qui souffle sur les contribuables. Une augmentation de taxes, alors que les Montréalais voient des fonctionnaires corrompus défiler devant la commission Charbonneau. Ils ne sont pas fous, les Montréalais. Ils savent que des centaines de millions de dollars ont été engloutis dans la corruption et que le parti du maire a participé à cette gigantesque fraude.

Avant que le citoyen se présente avec un couteau entre les dents pour lyncher les élus, Michael Applebaum a annoncé que la Ville était prête à revoir le budget. Une manoeuvre désespérée qui en dit long sur le désarroi d'une équipe en déroute.

Frank Zampino qui exige que ses frais d'avocats soient payés par la Ville. Ça prend un sacré culot. Il est accusé d'avoir fraudé et fait refaire sa cuisine «sur le bras» pour la coquette somme de 250 000$, et il veut que les Montréalais paient son avocat? Pour les contribuables, c'est la cerise sur le gâteau de l'indécence.

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Mardi, lors de la présentation du budget, le maire était très fébrile. Il s'est énervé lorsque les journalistes l'ont bombardé de questions sur les scandales. Il a dit, en haussant la voix: «Je ne suis pas malade!»

Oui, Gérald Tremblay a besoin de repos, mais les Montréalais aussi en ont besoin et ce repos passe par le départ du maire. Et l'annulation de l'immorale hausse de taxes.