Le délai alloué à Michel Doyon, vérificateur général de la Ville, pour son enquête sur les compteurs d'eau est court. Très court. M. Doyon critique d'ailleurs l'empressement dont fait preuve le maire Tremblay à ce sujet. Et il compatit aussi avec Jacques Bergeron, qui prendra la relève comme vérificateur au mois de juin, devant l'ampleur du défi qui l'attend.

«Je suis tellement en maudit! Ça n'a tellement pas de bon sens! C'est prendre du monde pour des valises!»

Le vérificateur général de la Ville, Michel Doyon, est en colère. Il dénonce le délai trop court que lui impose le maire de Montréal, Gérald Tremblay, pour mener son enquête sur les compteurs d'eau.

 

Tout doit être ficelé et remis au conseil municipal le 18 juin. Michel Doyon a donc sept semaines pour examiner la chose sous toutes ses coutures: la pertinence du contrat, les coûts, les allégations de conflit d'intérêts, sans oublier les balades de l'ex-président du comité exécutif, Frank Zampino, sur le bateau de Tony Accurso, propriétaire de la firme Simard-Beaudry qui a raflé, avec Dessau, le méga contrat de 356 millions.

Le plus gros contrat de l'histoire de la Ville. Le plus complexe aussi. Sept minuscules semaines. Mission impossible, affirme M. Doyon.

Je l'ai rencontré, hier matin, dans son bureau de la rue Metcalfe, loin de l'agitation de l'hôtel de ville. Il avait l'indignation calme. Pas de cri, ni de poing sur la table. Par contre, les mots fusaient, affûtés comme une lame de rasoir.

Il ne s'est pas gêné pour se vider le coeur. Peut-être parce qu'il prend sa retraite le 2 juin et qu'il n'a pas à dorloter de futurs patrons. Ce n'est pas tous les jours qu'un vérificateur demande haut et fort si le maire de la Ville pour laquelle il travaille le prend pour une valise.

«Je n'ai pas de mot pour vous dire à quel point... Est-ce que la Ville souhaite que je fasse une véritable enquête ou veulent-ils seulement un sceau d'approbation? Si je respecte la date du 18 juin, vous, les journalistes, allez être les premiers à me demander si j'ai l'expertise nécessaire pour traiter un tel dossier. Ça n'a pas de bon sens! Je suis tellement en maudit!»

«Je ne suis pas ingénieur, mais comptable. Je ne peux pas me prononcer sur l'aspect technique des compteurs. Il faut donc que je donne un mandat à des ingénieurs. S'ils exigent des honoraires supérieurs à 100 000$, je dois aller en appel d'offres. Mais avant de lancer l'appel, il faut que j'écrive le mandat et pour l'écrire, il faut que je lise le dossier et que je le comprenne. Tout ce processus prend du temps. Minimum un mois.»

«Peut-être que j'aurai aussi besoin d'un avocat pour étudier le libellé de l'appel de propositions du contrat des compteurs d'eau. Et je ne vais pas seulement vérifier des papiers, il faut que je rencontre du monde. Je ne suis pas certain qu'on va réussir à faire quelque chose qui a de l'allure en six mois.»

Quelle date visez-vous?

Pas décembre, au lendemain des élections, car mon rapport ne servirait à rien. Je ne peux pas non plus en octobre (trop proche des élections). Il reste fin septembre.

Allez-vous y arriver?

C'est faisable, mais il va falloir mettre les bouchées doubles et même triples.

Ce n'est pas Michel Doyon qui va être pris avec le casse-tête, mais son successeur, Jacques Bergeron, car M. Doyon part le 2 juin.

Bel héritage.

«Je ne souhaite pas ça à mon pire ennemi», a-t-il laissé tomber avec un soupir.

Michel Doyon est fatigué. Son équipe aussi. Il vient de mettre le point final à une délicate enquête sur la SHDM. Des gens de l'entourage de Gérald Tremblay ont transformé la société paramunicipale en organisme privé, loin du regard des élus, et des transactions controversées ont alors été bouclées. La SHDM gère le parc immobilier de la Ville évalué à plus de 300 millions.

Une belle patate chaude qui a atterri sur le bureau du vérificateur. Pendant cinq mois, il a examiné la vingtaine de transactions conclues par la SHDM entre le 1er janvier 2007 et le 24 novembre 2008. Il dépose son rapport lundi soir au conseil municipal.

Il lui reste beaucoup de pain sur la planche. D'abord son travail de routine: il doit mettre la touche finale à son rapport annuel qui sera déposé le 25 mai. Il doit aussi s'occuper de la ligne téléphonique de dénonciation annoncée par le maire au début de la semaine.

Il en avait donc plein les bras lorsque le dossier des compteurs d'eau a échoué sur son bureau.

Gros mandats, grosse pression.

«Je suis fatigué, a-t-il confié. Dans le dossier de la SHDM, les attentes sont très, très élevées et je suis perfectionniste. J'ai de la misère à dormir. Je vais avoir 61 ans...»

Il a arrêté de parler, à peine quelques secondes, le temps de se ressaisir. Le maire aussi a failli craquer mardi à la fin de son point de presse. Pas facile de travailler à Montréal par les temps qui courent.

L'année a été dure, très dure. Tout se termine le 2 juin.

Que ferez-vous le 3?

Me reposer, madame! Mon état d'esprit, c'est: fichez-moi la paix!

Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca

 

MICHEL DOYON

Formation: comptable

Début du mandat: juin 2002

Durée du mandat: 7 ans non renouvelable

Fin du mandat de M. Doyon: 2 juin

Remplaçant: Jacques Bergeron

Budget: 4,7 millions

Nombre d'employés: 36

Le vérificateur est nommé par le conseil municipal, aux deux tiers des votes.