Dimanche, le maire Gérald Tremblay a annoncé, avec un visage long comme la liste des demandes extravagantes de Bernie Ecclestone, que Montréal avait perdu le Grand Prix.

Pour mettre du baume sur la mauvaise nouvelle, M. Tremblay a dit qu'il voulait créer un fonds de développement pour d'éventuels projets «déclencheurs pour l'économie, le tourisme et l'emploi».

 

Assez vague, merci.

D'où viendra l'argent? Québec et Ottawa sont-ils prêts à investir? Si oui, combien? Quels sont les projets? Combien donneront les commerçants? Et plus prosaïquement, qu'est-ce que déclencheur veut dire?

Dès qu'un journaliste a posé le début de l'ombre d'une question sur ce mystérieux fonds, Gérald Tremblay a refusé de répondre. On enterre d'abord le Grand Prix. Pour le reste, on verra.

Je soupçonne le maire d'avoir sorti cette idée de son chapeau à la dernière minute.

«Pas vraiment», m'a dit son attachée de presse, hier. L'idée est embryonnaire, a-t-elle précisé. Il veut profiter de la mobilisation des commerçants et de Tourisme Montréal pour trouver des idées «mobilisatrices».

Tourisme Montréal voulait augmenter de 1% la taxe sur les nuitées d'hôtel. Pour sauver le Grand Prix. Nuance. Si Tourisme Montréal veut utiliser cette taxe pour d'autres projets, il doit d'abord consulter l'Association des hôtels et obtenir le feu vert de Québec. Bref, ce n'est pas demain la veille. Ça commence mal.

Petite pensée charitable pour le touriste qui couche dans un hôtel à Montréal. Il doit ajouter à sa facture, la TPS (5%), la TVQ (7,5%) et la taxe sur la nuitée (3%). Et là, on veut lui coller un 1% de plus.

Mais revenons aux rêves, à la mobilisation, à Montréal plus grand que nature, à cette poussée d'enthousiasme malgré la gifle de dimanche. Loin de moi l'idée de casser ce bel élan, mais Montréal a beaucoup de chats à fouetter.

La Ville a besoin d'asphalter ses rues, d'investir dans les transports en commun et de rafistoler l'échangeur Turcot qui tombe en morceaux.

La STM va d'ailleurs déposer son budget dans quelques jours. Au menu, des hausses de tarifs. Encore! Et le tramway que le maire nous promet depuis des lustres, où est-il? Et l'ambitieux plan de transport qui exige des centaines de millions?

Le maire Tremblay - et Dieu sait que les Gilbert Rozon de ce monde le lui ont amèrement reproché - s'est beaucoup occupé de la ville, de ses tuyaux et de ses rues. On l'a traité d'intendant, on lui a dit qu'il n'avait pas de vision, de projets, de rêves. Les tuyaux, ce n'est pas sexy, c'est vrai, mais Montréal avait besoin d'un sérieux coup de pinceau.

Le chef de l'opposition de Montréal, Benoit Labonté, rêve. Il a sorti une vieille idée des boules à mites: une Expo 67 version 2020. Ces grands projets font vibrer les politiciens, mais ils ont souvent un impact négatif sur les finances.

L'Exposition de Hanovre en 2000 a laissé un déficit de 1,6 million. Pas un désastre, mais on est loin des retombées économiques. Et une exposition laisse dans son sillage des pavillons abandonnés.

Le maire de Laval, lui, n'a pas une idée, mais une liste d'idées. Il veut un centre de foires aussi gros que le Stade olympique (80 millions), le prolongement du métro dans l'ouest de sa ville, un complexe aquatique et un complexe de glace avec deux patinoires (45 millions).

Le maire Vaillancourt cache-t-il une machine à imprimer de l'argent dans son sous-sol?

Québec n'est pas en reste. Puissamment épaulé par le premier ministre Jean Charest qui promet d'inonder la ville de millions s'il est réélu, le maire Régis Labeaume ne touche plus à terre.

Jean Charest veut reprendre les circonscriptions raflées par l'ADQ en 2007. Il semble que cet objectif n'ait pas de prix.

Par contre, il a très peu à offrir à Montréal, en bonne partie acquis aux libéraux. Quelques trains de plus pour amener les banlieusards dans l'île et davantage de places dans les stationnements incitatifs. Ouch!

La récession est à nos portes. Personne n'a entendu parler de la crise économique qui gronde, des bourses qui paniquent, du dollar qui plonge, des usines qui ferment?

Pendant que le monde s'affole, Montréal, Québec et Laval rêvent. Mais au moins, ça ne coûte rien. Pour l'instant.

Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca