Heureusement que Bernie Ecclestone a une tête de cochon, sinon les gouvernements et Tourisme Montréal auraient pompé 50 millions dans le Grand Prix d'ici 2013.

Aucun homme d'affaires ne voulait toucher au Grand Prix, ni Guy Laliberté, du Cirque du Soleil, ni George Gillett, propriétaire du Canadien. Pas rentable.Personne ne désirait, non plus, conclure une entente avec Bernie Ecclestone, le grand manitou du Grand Prix, un vieillard fantasque de 78 ans, obsédé par l'argent, un milliardaire qui vaut de quatre à huit milliards de dollars.

Personne, sauf les hommes politiques qui ont essayé de sauver le Grand Prix.

Le 7 octobre, Bernie Ecclestone a décidé de retirer Montréal du circuit de la Formule 1. Normand Legault, l'organisateur du Grand Prix, l'a appris en lisant le fil de presse. Pourtant, il travaillait avec Bernie Ecclestone depuis 30 ans. Ça vous donne une idée de l'homme. Plutôt brutal.

Deux semaines plus tard, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, et deux ministres, Raymond Bachand et Michael Fortier, se sont rendus à Londres pour essayer de convaincre Bernie Ecclestone d'inscrire de nouveau Montréal au calendrier de la Formule 1. Ecclestone a été intraitable.

Lors de cette rencontre, il était seul même si des dizaines de millions de dollars étaient en jeu. Il n'avait ni comptable ni avocat ni relationniste.

Son emprise sur la Formule 1 est totale. Il peut se lever un beau matin et décider, sur un coup de tête, que la piste de course de Montréal n'est pas assez large.

Il a déjà fait le coup en 2007. Il a ordonné que la salle de presse et les paddocks soient retapés. Normand Legault a demandé l'aide des gouvernements qui ont allongé 4,25 millions.

En 2003, autre crise de nerfs de Bernie Ecclestone qui fulminait à cause de l'adoption de la loi qui interdit la publicité sur le tabac. Il a exigé une compensation de 27 millions. Les gouvernements ont craché 12 millions.

Une vraie tête de cochon, je vous dis.

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Raymond Bachand, Michael Fortier et Gérald Tremblay sont revenus de Londres piteux. Humiliant pèlerinage. Mais ils n'avaient pas le choix : ils devaient tenter de sauver le Grand Prix.

Les demandes d'Ecclestone sont extravagantes. Il exige 175 millions d'ici 2013. Il veut aussi que cet argent soit garanti par une banque ou par le gouvernement. La ceinture et les bretelles. Une garantie béton. Zéro risque. Mais pour qui se prend-il ? Ça prend un sacré toupet.

En plus, il refuse d'ouvrir ses livres sous prétexte que la Formule 1 est une entreprise privée. Et il pense que le gouvernement va dire oui, comme ça, les yeux fermés ?

«Demandes irréalistes», «intransigeance». Hier, lors d'un point de presse, Gérald Tremblay, Raymond Bachand et Michael Fortier se retenaient à deux mains pour rester polis. Mais le verdict était clair : on ne peut pas négocier avec Bernie Ecclestone et tant qu'il sera là, le Grand Prix ne pourra pas revenir à Montréal.

Bernie Ecclestone est en train de tuer la Formule 1. La France s'est retirée : trop cher. Indianapolis aussi. Pour la même raison : les coûts exorbitants. La Chine veut renégocier son contrat et le Grand Prix d'Australie, financé par l'État, accuse un déficit de 37 millions.

Bientôt, seuls Bahreïn ou les Émirats arabes unis seront assez riches pour satisfaire les fantasmes de Bernie Ecclestone. Montréal ne peut pas rivaliser avec les pays pétroliers qui pavent quasiment leurs rues en or.

Montréal devra donc renoncer aux retombées économiques que les plus optimistes évaluent à 100 millions, un chiffre qui circule comme parole d'évangile. Personne n'a été capable de me fournir une étude sérieuse sur ce supposé eldorado. Comme si les 100 millions avaient été calculés en multipliant le nombre de rues de Montréal par le numéro d'assurance sociale de Normand Legault.

Le seul chiffre sérieux vient du ministère des Finances du Québec qui évalue les revenus fiscaux provenant de la TVQ à «cinq ou 10 millions».

Les retombées économique sont gonflées à l'hélium. Tout comme les demandes de Bernie Ecclestone. Dans ce dossier, tout est démesuré.

Les gouvernements ont gardé la tête froide. Ils ont refusé de céder aux élucubrations d'Ecclestone. En espérant qu'ils ne plient jamais devant cet homme et qu'ils aient, eux aussi, une tête de cochon.